Le voile nocturne a clos la journée de travail depuis un bon moment. Les machines éteintes, les hommes ont quitté leurs offices et sont rentrés dans leurs foyers respectifs, ont retrouvé leurs familles et leurs enfants. Ne reste dans les bureaux qu'une vague odeur de poussière brulée et quelques signes indiquant l'état de marche du système de secours. Pendant ce temps, les ordinateurs principaux dorment. Rêvent-ils de moutons électriques ? C'est là toute la question de ce disque, partiellement microscopique, partiellement somptueux. Les grains de poussière crépitent, l'électricité poursuit son bonhomme de chemin dans un silence total, ou presque – apparaissent alors les glitches, les fréquences aiguës, les souffles lents des circuits de refroidissement. Promenade calme, distancée, sans heurts ni baillements. Puis viennent les rêves. Les rêves virtuels. Dès 'What Should I Do To Her?', l'émotion surgit de presque rien, d'un quasi-Amber à la simplicité et la translucidité désarmante. Une sérénité splendide rythmée par un battement et un batônnet dansant sur un minuscule grésillement. L'ambient music dans ce qu'elle a de plus essentielle, sublimée par un désir d'immersion sans cesse sollicité. Cela tombe bien, car arrive 'Lost In Experimental Garbage', la piste la plus organique ; fantôme d'un Coil période 'Musick to play in the dark' qui s'égarerait dans les montagnes digitales d'Autechre première époque. La suite, c'est dans les régions ionisées et minimales d'un Pan Sonic période 'Aaltopiiri' qu'elle se déroulera, avec cette même grâce insolente, jusqu'au retour de la mélancolie digitale sur 'Disintegrated'. Quelques voix humaines refont surface sur le coda, comme pour indiquer la fin de la nuit et le retour aux activités matinales. Absorb est une longue nuit électronique, grandiose et minuscule, crépitante et délicate. Pendant que les gardiens veillent, les machines rêvent. De presque rien.