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Léo Ferré › Il n'y a plus rien

cd • 6 titres • 47:39 min

  • 1Préface3:20
  • 2Ne chantez pas la mort7:34
  • 3Night and day6:43
  • 4Richard5:10
  • 5L'oppression6:32
  • 6Il n'y a plus rien16:10

informations

D'octobre à décembre 1972.

line up

Léo Ferré (voix, arrangements et direction d'orchestre), Danièle Licarie (choeurs).

chronique

  • manifeste poétique et révolutionnaire

Mes mains tremblent légèrement à l'entame de cette chronique. "Il n'y a plus rien" de Léo Ferré fait partie de ces disques si singuliers et si radicaux, si puissants, que dès la première écoute, on sait qu'on a affaire à un chef-d'oeuvre. Seulement voilà : ce chef-d'oeuvre semble d'une telle ampleur, d'une telle force, qu'on ne sait comment l'aborder, comment en parler avec les mots justes... Les mots, oui, ce sont justement eux que le chanteur libère dans ce disque, d'une manière sauvage, furieuse, terrassante. Si bien qu'après eux, effectivement, il n'y a plus rien. Terre brûlée... toute parole semblerait vaine et superflue. Par avance, acceptez donc mes excuses pour cette chronique, forcément dérisoire, d'un disque "guts suprême" de la chanson française. Chanson ? Non plus, justement. Léo parle, scande, sussure, hurle, murmure, vomit, crie... rarement il chante. L'accompagnement orchestral monte et descend en vagues avec une totale liberté rythmique et mélodique, comme pour accompagner chaque inflexion de voix. Plus de musique... simplement des paroles comme amplifiées, magnifiées, qui s'envolent et explosent. Alors, voici le programme (tiens, justement, Diabologum/Programme ne sont que de toutes petites choses à côté de ça). Premièrement, le style : la poésie de combat : encore et toujours, et combien il l'aura défendue, et avec quelle rage farouche, homme mutilé lançant sa dernière clameur, contre nous, pauvres veaux, ficelés dans nos paquets de viande à regarder passer la révolution. Poésie de l'action, force perlocutoire du langage. Ne cherchez plus l'humour ou le second degré. Simplement l'urgence... Deuxièmement, les sentiments qui nous animent. L'amour. Oui, l'amour, ce vieux truc déglingué, qui fait se mouvoir l'homme abstrait, noctambule affreux vivant à bout portant, qui met du Pernod dans les fleuves de sang, qui se débat, des putains lasses au bout de son charnier. Ça tape, ça tape, ça tape, ça crie, ça crie, ça crie, ça tape, ça crie, ça gueule ! Le sperme des nouvelles se met du noir aux yeux... et mon cul ! Une déclaration d'amour, une vraie, oui : l'océan de ton cul déferle dans ma loge, ton cancer a deux jours et tu as dix-huit ans. La vérité, c'est dégueulasse, mais toi, mon amour, tu dis toujours la vérité. 1973 est l'année de "La maman et la putain" de Jean Eustache ; c'est aussi l'année de "Il n'y a plus rien" de Léo Ferré. Autre sentiment qui nous anime, l'amitié. Outre "Night and day", "Richard" est un grand moment de lyrisme, comme lavé de ces scories impures, exorcisant la mélancolie, les regrets de jeunesse, chanson bouleversante comme peut l'être un Jeff de Brel. (Ça va ? Encore un petit, pour la route !) Et puis le rejet de la mort. "Ne chantez pas la mort" chante-t-il. Et il ne chante que ça, le sussure, comme jamais. D'ailleurs, lui seul peut le faire (déjà, "Avec le temps"...) sans une once de pathos ou de ridicule. Parce qu'il est grand, souverain. C'est un face-à-face simple et bouleversant. Jamais on n'avait parlé de la mort, mis en musique des émotions d'une manière aussi brute, aussi directe. Et la formation symphonique adopte tout naturellement, au son des timbales, un rythme de marche funèbre. La mort c'est la beauté, c'est l'éclair vif du sabre. L'amour, l'amitié, la mort. Si l'amour ne vient pas, la mort viendra toujours. Troisièmement : la lutte. La lutte contre l'oppression. Regarde-la gémir sur la gueule des gens, regarde-la jouir dans ce jouet d'enfant... et qui tue des fantômes en perdant ta jeunesse, ces yeux qui te regardent et la nuit et le jour et que l'on dit braqués sur les chiffres et la haine. La lutte. La révolution contre l'ordre bourgeois. "Il n'y a plus rien", le plat de résistance, c'est seize minutes de spoken words déroulés sur un unique motif orchestral allant crescendo, tantôt lyrique tantôt dérangé, vrillant et tourbillonnant au départ comme à l'arrivée, long et hallucinant monologue qui s'étire ; descente dans les tréfonds d'une âme qui se répand, d'une bile qui s'écoule, verse sa rage et sa désillusion sur l'homme, sur son dégoût de l'ordre du monde et son rejet de la société bourgeoise. Pour la reputation vous êtes imbattables, mais soyez tranquilles, vous ne risquez rien, il n'y a plus rien ! Il serait vain ici de résumer ou d'expliquer quoi que ce soit : je crie, je gémis, je vomis, je te dis tes vérités et tu ne t'en relèveras pas, sors, marche, crève, baise et détourne toi du confort et de l'inconfort : une écriture quasi automatique, qui passe d'une image à l'autre avec une vitesse fulgurante. C'est la nuit, surtout au soleil, c'est la nuit ! Mais nous, nous ne vivrons plus de rien, nous vivrons de tout ! "Il n'y a plus rien", Léo Ferré annule tout, ce n'est plus de la chanson, simplement un OVNI en forme de manifeste : à l'école de la poésie, on n'apprend pas, ON SE BAT !

note       Publiée le samedi 26 septembre 2009

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    SEN Envoyez un message privé àSEN

    Aaaah ! Léo ! L'intégral Studio des années Barclay est magnifique et indispensable !

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    Tallis Envoyez un message privé àTallis

    Réécoute en cours de l'intégrale de la période Barclay (et au-delà d'ailleurs...) et c'est toujours aussi incroyable de voir comme m'sieur Ferré avait aligné les chefs-d'œuvre à partir de la fin des années 60. "L'Eté 68", "Amour, anarchie", "L'Espoir", "La Violence et l'Ennui", ou le triple "Ludwig, L'Imaginaire, Le Bateau Ivre", que des albums qui font passer, 40 ans après, 99% des créateurs de "chanson française" pour des lilliputiens. Avec, peut-être (peut-être), cet "Il n'y a plus rien" qui trône au sommet.

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    Tallis Envoyez un message privé àTallis

    Justement, il ne faut pas y chercher la même chose. L'univers de Ferrat repose sur la foi en l'humain, la lumière, même si le tout est parsemé souvent de saines colères. Et son oeuvre se rapproche beaucoup de l'artisanat (au sens noble du terme) là où Ferré expérimente sans cesse de nouvelles formes. J'aime les 2 mais de manière différente. Et quand je reviens vers Ferrat, c'est plutôt pour y trouver réconfort et fraternité...

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    salida Envoyez un message privé àsalida

    @Tallis. Je viens d'écouter les albums en question. A part quand il chante Aragon, je n'y ai pas trouvé ce que je viens chercher dans cet album de Ferré ou ceux de Brel. A la première approche, ça semble beaucoup plus bas du front. Mais je réessaierai dans quelques temps...

    Tallis Envoyez un message privé àTallis

    @ Salida : je ne sais pas si on trouve encore ses albums en tant que tels (sachant qu'il existe moults compilations et/ou coffrets) mais, si c'est le cas, Nuit et brouillard ou Potemkine me semblent de bonnes portes d'entrée. Et puis, forcément, Ferrat chante Aragon...

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