Attention, batteur génial en vue ! Akira Kawasaki, retenez ce nom, car ce qu’il fait juste après la petite intro piano solo sur le frénétique Spectres de Mouse, c’est de l’Angel Dust pour les oreilles. Mince, quel début ! ça joue comme sur un skeud de chez Rune Grammofon (de surcroît, esthétiquement, on est en plein dedans), et pourtant, on est chez Machu Picchu Industrias, le label du groupe de post-rock japonais Toe... Label qui accueille donc ce groupe méconnu fondé en 2006 par Akira Kawasaki, ex-Nine Days Wonder, groupe d’emocore japonais. Inspiré par les compositeurs post-minimalistes anglais Steve Martland et Graham Fitkin, il s’associe au pianiste Atsushi Kiyota pour officier dans un jazz atypique, résolument centré sur la batterie, au jeu plutôt déconcertant pour du jazz (plus proche du post-hardcore que du hard bop, marotte du circuit jazz japonais des années 2000), et seulement agrémenté d’un piano profond et solitaire… Un jazz en noir et blanc, voir gris. Les touches blanches et noires viennent seules colorer cet univers intérieur tourmenté, et les teintes chaudes des cuivres ne s’invitent que sur 2 pièces (ce sont d’ailleurs des musiciens invités, et non des membres du groupe). Pas d’effets, pas de samples, pas de basse. Mouse on the keys avaient déjà lâché un pavé dans la marre avec l’EP Sezession, au titre éloquent (sécession avec le rock de Nine Days Wonder ou avec le jazz traditionnel ?), en 2005, accompagné d’un clip dantesque, et depuis, plus rien. An Anxious Object vient enfin nous rassurer quand aux chances de survie de ce projet presque trop beau. Bien que plus accessible et moins radical que Sezession, cela reste un album d’ambiances, qui peut se révéler un peu vide passé la tempête Spectres de Mouse si l’on s’attarde sur les pianos, à l’inverse de la batterie, impitoyable. Un album certes un peu décevant comparé à l’énorme claque de Sezession, mais rattrapé par le côté ambitieux du groupe, qui détonne pas mal dans le monde du jazz japonais. Mouse on the keys cherche avant tout à créer des atmosphères, et propose un projet esthétique total (clips, pochettes, projections sur les musiciens en concert, tout est cohérent) en rupture avec le côté festif ou joyeusement expérimental/débridé de la majorité du jazz nippon récent. On ne peut trouver que peu d’expérimentation ici (rien n’est improvisé par exemple), mais ne nions à Mouse on the keys une identité forte, moderne et atemporelle à la fois. Un groupe qui atteste, si besoin était, de la créativité et de la vivacité du jazz japonais. Un jazz décomplexé, débarrassé de tout sectarisme, fricotant aussi bien avec l’avant-garde que la jpop la plus sirupeuse et complaisante. Une scène passionnante sur laquelle je reviendrai donc.