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Tom Waits › Orphans

  • 2006 • Anti 6844-2 • 3 CD digipack

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Membre Note Date
stankey      mardi 19 mai 2015 - 21:31
Eliphas      vendredi 16 juillet 2010 - 19:31
Cera      dimanche 14 juin 2009 - 18:00
Raven      lundi 9 février 2009 - 03:09
Saïmone      mardi 10 février 2009 - 23:29
ellington      lundi 8 juillet 2013 - 23:29

cd1 • 1 titre • 64:20 min • brawlers

  • 116 titres

cd2 • 1 titre • 69:37 min • bawlers

  • 120 titres

cd3 • 1 titre • 55:46 min • bastards

  • 118 titres

informations

Produit par Waits/Brennan - Enregistré, traité et mixé par Karl Derfler aux studios Bay View

line up

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chronique

Le triptyque selon Tom Waits. L'anthologie selon Tom waits. L'excellence selon Tom Waits. La générosité selon Tom Waits... La Musique, selon Tom Waits. Je vous avais laissé sur ma faim, fatigué du bonhomme en un seul disque; j'aurai déjà pu conclure en vous disant que l'inespérable "Orphans" allait venir; mais en 2004, quand je me suis retrouvé éjecté de la roulotte de Tom par le vacarme, tout seul sur le bord de la route, on ne m'avait pas dit, non plus, qu'il préparait "ça", cette gigantesque offrande faite à son public. J'ai erré pendant deux longues années, sans savoir. Chaque fois que je prends "Orphans" entre les mains, épais, riche, généreux, je me dis, rêveur et naïf, qu'il a voulu nous remercier, pour tout, pour l'avoir aimé, supporté, jusqu'à endurer ce qu'il nous avait fait endurer. Dans son apparence de somme parmi les sommes, "Orphans" a tout du mythe. Tom Waits l'a voulu impressionnant, complet, total et encyclopédique. La présentation tripartite, la répartition rigoureuse des genres par galette : "Orphans" se veut une synthèse, un résumé, forcément long au vu du sujet, de l'univers complexe de l'artiste. Sa pochette, tout d'abord, qui l'incarne totalement. Tout le monde de Tom Waits est là, fait de vieux objets du quotidien, installé dans un lieu sans âge que l'on devine poussièreux, un monde vieilli, jauni, profondément américain, enraciné, peuplé de fantômes des années folles et dérangé d'instruments de musique bizzaroïdes. Le monde de Tom Waits est là, tout entier, et l'artiste trône au milieu. Il a cette gueule de sorcier rebouteux de Virginie, comme il aime à paraître à travers ces photos fantasques et incroyables, dont il inquiète l'intérieur de ses livrets depuis "Mule Variation"... mais cette fois, comme jamais, de face, et les bras croisés de confiance et de conviction du travail accompli : il nous regarde. Dans cette pièce où il rassemble les brics et les brocs dont il fait sa planète, Tom Waits se tient fièrement, nous accueille et nous dit : "Voilà, regarde moi ça... respect, non?". Une fois qu'on est entré, à l'intérieur, le livret montre pour la première fois des photos privées, de toutes les époques, dans tous les lieux, et avec toutes sortes d'amis, célèbres, anonymes, ou imaginaires. "Orphans" c'est toute l'histoire de Tom Waits, une histoire dont on ne peut hélas que très amèrement regretter qu'elle ne pas soit ici accompagnée des textes qui la racontent. Trois longs tableaux, pleins, réussis, cimentés par une unité artistique, esthétique et sonore : ce traitement uniformément vieillot, authentique, étrange et bancal, craquelé, rayé, que Waits et Brennan travaillent depuis "Mule variation" et qui s'est avec le temps révélé à même d'accueillir tous les dérangements du vieil ivrogne : de son inconfort terrible de râleur blues à sa folie obscure, en passant par sa classe immense de musicien délicat, mélodiste subtile, orfèvre cultivé, arrangeur et esthète. Plus que jamais, Waits travaille le souffle, l'étouffement du son, le transistor, la distance, joue autant du radiateur et du craquement de chaise que du violon et de la basse clarinette, du goulot de bouteille. L'artiste a longtemps incarné les nuits urbaines, alcoolisées et jazz, pianistiques et enfumées, les errances de club en club à la recherche désespérée d'un pansement à la solitude; mais, depuis longtemps déjà, le gaillard s'en est retourné, loin du bruit et du progrès, loin des rues, rural dans l'âme, né dans un choux, jouant du banjo et enregistrant sa musique dans une vieille grange, avec les objets qu'il y trouve. Le mythe vivant croule sous les éloges, la vénération inconditionnelle des élites intellectuelles, il a tourné avec Jarmush ou Coppola, sa discographie exceptionnelle lui a légitimement rempli les poches, autant de paradoxes dont Scarlett Johansson a fini d'enfoncer le clou plus loin qu'imaginable : Tom Waits est glamour, que dis-je, glamourissime! "Orphelins", "Bagarreurs", "Brailleurs", "Bâtards", la chemise bûcheron tâchée et le cul rivé sur une vieille chaise en bois qui couine dans l'acoustique de son ranch perdu : il s'affirme pourtant de plus en plus comme le prince défroqué, le délégué des culs-terreux. Tom Waits a fait la route. Il a écumé les trottoirs et les bars, il a plus largement encore vagabondé sur les chemins de poussière, dans l'amérique profonde aux 2 maisons par terahectare où le temps, faute de route, s'est arrêté. Des photos privées, toute l'histoire de Tom Waits : on le voit jeune et mince, visage fin, lunettes de l'intello, habillé d'un costume couturier, torero folk avec un bouc soigné et effilé, artiste esthète dans un studio d'enregistrement, il potise avec Nicolas Cage ou Benigni... on le voit de lourdes années plus tard, posant devant une maison abandonnée, dans un vieux tee shirt, les cheveux éclatés, le visage marqué, deux gros bras musclés et tatoués. On reconnaît soudainement les deux. Depuis le début, on l'a suivi sans question, chaque fois plus fasciné et émerveillé, avec une telle constance qu'on ne s'était jamais vraiment aperçu, comme nous le montre maintenant l'objet "Orphans", que Tom Waits avait en fait glissé : du magicien surdoué aux mille couleurs délirantes, sorte de dandy magnifique et fêlé, fêtard iconoclaste derrière l'ombre de l'image du reflet de l'ersatz de la pâle copie duquel courent pathétiquement tant de branleurs/bawlers/bastards; il est devenu peu à peu ce vieux sorcier grincheux qui a du fuir Babylone pour le désert et l'isolement d'une baraque en bois. Indiscutablement, ouvertement : "Orphans" est un objet, un grand oeuvre, qui en tant que tel va au delà de chacune de ses faces prises séparément : 4 chroniques, donc, pour un seul album : la ci-présente pour ce qui structure et constitue le triptyque en tant qu'unité, et une par tableau, débarrassée du besoin de mise en perspective des uns par rapport aux autres. Même si dans le détail, certaines pièces de l'un semblent s'être échappées de l'autre, simple résultat de la cohérence profonde de l'oeuvre de Waits, "Orphans" l'objet a été conçu très rigoureusement. "Brawlers" est un album de blues un peu râleur, apparemment dans la lignée de "Mule variation" et de "Real gone", mais libéré d'une grande partie de l'inconfort des deux précités, fondamentalement bienveillant, et avec une place laissée au boogie et au fils rock'n roll bien plus grande qu'auparavant; "Bawlers" est une impressionnante collection de pièces mélodiques, d'histoires nostalgiques... de jazz, de blues, de country, de cabaret, vieille époque et arrangées avec raffinement, et qui depuis "closing time", à travers "Blue valentine", "Alice" ou notamment "Blood money", constituent le coeur de Tom Waits; "Bastards" étant le côté obscur, inquiétant ou simplement dérangé, décalé, fêtard et expérimental, qui transfigura "Swordfishtrombones" et s'empara de toute la suite de l'oeuvre de l'américain, pour aller s'incarner avec le plus d'exigence dans les deux pôles "Bone Machine" et "Black Rider". Néanmoins, largement parsemé de monologues inquiétants, harmoniquement moins explosif, plus fondamentalement "expérimental et bricolo", "Bastards" ne possède pas l'incroyable richesse dense et exhaustive des trois références précitées. "Brawlers" les nerfs, "Bawlers" le coeur, "Bastards" le cerveau. L'énergie, les sentiments, les démons. "Orphans", oui, si parfaitement conceptualisé, a tout du mythe. Mais pouvait-on réellement espérer qu'au delà du travail parfait et totalement calculé sur l'objet, l'artiste explose littéralement jusqu'à nous offrir, en écho à cette ambition presque démesurée d'Encyclopedia Univerwaitsis, ses trois meilleurs disques à ce jour, regroupés en un seul monument qui s'imposerait ainsi comme plus encore que le white album du vieux grigou? Non, bien sûr. Bien que "Brawlers" soit absolument excellent, tout en continuant par ailleurs (mais comment est-ce possible???) d'ouvrir les influences et le vocabulaire de Tom; Bien que "Bawlers" soit tout simplement magnifique; Bien que "Bastards", certes inégal, arrive encore à nous surprendre et à nous faire frissonner; il ne s'agit pas de l'union sacrée de trois immenses chefs-d'oeuvre. Mais, je vous l'ai dit, 3 galettes, et 4 chroniques... parce-qu'il en fallait une pour l'objet "Orphans", pour "Orphans" comme triptyque, qui vaut plus, réellement, que la simple addition de ses trois épisodes. Cela s'assume dans chaque détail de l'objet : Tom Waits de fait ne cache pas son ambition presque mégalomane de faire un monument anthologique, exhaustif; et l'ambition est si énorme, mais magnifique, que sans transcendance supplémentaire d'une oeuvre qui s'est déjà ponctuée d'aboutissements absolus, la simple réussite de "Brawlers, Bawlers & Bastards" suffit à faire d'"Orphans" ce qu'il prétend être, excusez du peu : une forme d'apothéose de l'oeuvre de l'immense personnage. Et précisément : une apothéose dont l'élégance suprême est de maintenir comme toujours indispensable tout ce qu'il a fait jusqu'ici, et de ne remplacer ni "Blue valentine", ni "Sworfish", ni "Bone machine", ni "Blood money". Si aucun des trois tableaux séparés n'en est un (quoique "bawlers" soit réellement sublime), "Orphans", lui, est bel et bien un chef-d'oeuvre. Et ce qui transforme l'essai tiens en un seul mot, de ceux qui donnent à la musique sa grandeur particulière : la générosité. Jusqu'ici Waits nous amenait des albums, par lesquels il nous ouvrait des portes sur son pays de perdants magnifiques. Avec "Orphans", c'est tout simplement une maison à habiter, installée en plein milieu des landes de son univers, qu'il offre à chacun de nous... Waitsland, Wasteland : Land of the wasted...

note       Publiée le dimanche 8 février 2009

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Note moyenne        6 votes

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Potters field Envoyez un message privé àPotters field

Avec les années, mon impression rejoint celle d'Ellington finalement.

Aladdin_Sane Envoyez un message privé àAladdin_Sane

Je commence tout juste l'ascension de ce monument. C'est vrai que, vu d'en bas, ça a l'air impressionnant mais une fois sur les pistes, il est difficile d'en sortir...

ellington Envoyez un message privé àellington

J'ai enfin le machin dans ma discothèque , mais je reste un peu sur mon quand à soi . C'est un peu la quantité qui fait impression , non ? Ce sont des chansons écartées au fil des années et des albums , et de fait , il a pareil en mieux tout au long des décennies précédentes .

Aucun titre ne me fait dire : " saperlipopette , pourquoi diantre ne fut-il pas sur Rain Dogs ( ou Frankie's , ou un autre ) .. "

Un bel appendice à une œuvre majeure , mais rien que ...

Note donnée au disque :       
god Envoyez un message privé àgod

excellent triple album.... mais j'aurais préféré que les chansons soient toutes éparpillées, plutot que de séparé l'album en 3 parties bien distinctes...

Eliphas Envoyez un message privé àEliphas

Cet album est d'une évidence et pourtant, Tom Waits arrive à nous toucher en nous la montrant, parce qu'on ne l'avait pas comprise, on est trop con-pliqué.

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