Hermeto Pascoal › Eu E Eles

Si dans leur procédé des albums comme "So Nao Toca Quem Nao Quer" ou "Festa Dos Deuses" remettaient au goût du jour des plans qu'Hermeto Pascoal avait eu tout le loisir d'expérimenter sur certaines de ses publications antérieures, "Eu E Eles" se veut l'héritier de "Cerebro Magnetico". Souvenez-vous, sur ce disque publié en 1980, Hermeto Pascoal jouait seul de tous les instruments, dialoguant d'un titre à l'autre avec le noyau dur de ses musiciens les plus fidèles. Ici, comme pour "Por Diferentes Caminhos", Pascoal est véritablement livré à lui-même, tout seul, et ne peut donner le change qu'à ses propres réflexions en studio. Moins ouvertement virtuose et fatalement plus introspectif, d'aucuns penseront à dresser cette fois un parallèle avec le Robert Wyatt de "Old Rottenhat" (le délire aquatique de "Fauna Universal"est en effet assez troublant). Ce qui distingue fondamentalement "Cerebro Magnetico" de "Eu E Eles", c'est que le premier avait tenté à l'époque de pousser les limites des techniques studio, si bien que les compositions étaient d'une certaine manière conditionnées par les possibilités offertes. Le challenge avait poussé Hermeto Pascoal à construire des pièces courtes mais denses au niveau des informations qu'elles contenaient. Aujourd'hui, Pascoal connaît très bien l'enjeu et donne sa préférence à la matière sonore elle-même. La seconde partie du disque est à ce titre assez représentative puisque sur "Miscelania Vanguardiosa", "Linguagens & Costumes", "Mercosom" et, plus loin, l'étrange "Parquinho do Passado Presente e Futuro" Pascoal joue avec les peaux, des débris de métaux, des jouets de toutes sortes, les flaques d'eau, autant d'éléments incongrus qui donnent à ses pièces un côté incroyablement ludique. Bien qu'attachant, "Eu e Eles" paraît toutefois quand même moins abouti que son illustre concurrent. Ce n'est malgré tout pas une raison valable pour bouder notre plaisir face à un artiste précieux qui se fait hélas trop rare.