Hermeto Pascoal › Por Diferentes Caminhos

"Por Diferentes Caminhos", c'est l'exercice périlleux. Le tour de piste ultime. Le bluff du funambule. Cela devait arriver tôt ou tard : le compositeur brésilien se met en danger sur deux galettes à l'exercice rompu du piano solo. Presqu'une tradition au Brésil. D'autres avant lui sont déjà passés par là, s'en tirant souvent avec les honneurs. L'aspect le plus déconcertant de la chose, c'est qu'Hermeto Pascoal ne renâcle pas à l'idée de se mettre à nu. Pas de montage. Pas de collages. Pas de fantaisistes instruments de musique constitués de bric et de broc. Pas non plus de porcs ou de poules sous la main. Juste l'homme. L'ivoire. Et entre les deux, une imagination, une créativité débordante dont la source semble ne jamais devoir se tarir. C'est son style d'écriture qui veut ça : on assiste une fois de plus à un déluge de notes mais l'aura apaisante qui s'en dégage dans l'ensemble nous fait plus pencher du côté de Keith Jarrett que de Cecil Taylor. Pascoal en profite bien évidemment pour donner un éclairage différent à certaines de ses compositions, à commencer bien sûr par son emblématique "Bébé", ou encore "Pot Pourri". En dépit de la qualité irréprochable de l'interprétation, il faut vraiment être un acharné et prêt à toutes les concessions que pour écouter ce double album de presque une heure quarante. C'est pourquoi on prendra certainement plus de plaisir à espacer notre découverte de "Por Diferentes Caminhos" en choisissant les instants idoines pour se faire plutôt que de se l'envoyer d'une seule traite. À moins de cultiver déjà quelques sévères prédispositions à l'état catatonique... Une beauté brute, un havre de paix, qu'il ne faut pas déflorer trop vite sous peine d'en perdre toute la substantifique moëlle.