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Diamanda Galás › La Serpenta Canta
- 2003 • Mute Records cdstumm206 • 2 CD
cd1 • 7 titres • 38:52 min
- 1Intro
- 2Ain’t No Grave Can Hold My Body Down
- 3Burning Hell
- 4Baby’s Insane
- 5I’m So Lonesome I Could Cry
- 6Lonely Woman
- 7Frenzy
cd2 • 8 titres • 41:14 min
- 1Blue Spirit Blues
- 2My World Is Empty Without You
- 3I Put A Spell On You
- 4At The Dark End Of The Street
- 5Dancing In The Dark
- 6Dead Cat On The Line
- 7See That My Grave Is Kept Clean
- 8Burning Hell (Reprise)
informations
Enregistré live : Hard Club (Porto, 8 novembre 2001), Cuvilles Theater (Munich, 17 avril 2002), Joe’s Pub (New York City, 31 août 2001, 5 avril 2002, 12 avril 2002), Vogue Theater (Vancouver, 9 novembre 2002), Sidney Opera House (Sidney, 15 janvier 2001, 17 janvier 2001), Gotik Teffen (Leipzig, 19 mai 2002), Parco della Musica (Rome, 11 mai 2002), Knitting Factory (New York City, 26 juin 1999), Victorian Center (Melbourne, 20 janvier 2001), Castle Gravensteen (Gent, 23 septembre 1999). Blaise DUPUY : production, mix, sound design.
line up
Diamanda Galás (voix, piano, arrangements, directrice des opérations sonores intraveineuses)
chronique
- chant de gouffres et des rues famillères
Il transperce d’emblée : l’Aiguillon. "Il n’est pas de tombe qui puisse garder mon corps". La fin, la rupture, l’inévitable achèvement. La mort d’emblée : charmant préambule. Mais elle n’est pas, ici, le jouet métaphysique, le hochet des braves poètes, une perspective qu’on caresse au rythme des Jolis Quatrains. Pas non-plus ce Grand Épouvantail que l'on brandit aux carnavals et autres processions. Elle n’est rien d'autre que l’inéluctable. Devant elle on peut toujours fuir mais jamais se cacher ; avant elle il faut vivre, sans crainte et sans anticiper ; sans illusion, toujours, tâcher d'exister hors son ombre... Est-ce à dire qu’elle seule règne en ces lieux ? Oh, non ! Il y a là bien plus d’une hantise. Le désir innerve et rampe, en ses vitesses fulgurantes : panique, folie ou pure exaltation (Frenzy, diantre !). La solitude sans parole -Lonely Woman- est peuplée, bien plus qu’une foule, d’histoires, d'éclats et de murmures. Les Démons Bleus, ces concrétions faites créatures de toutes les terreurs sans réponses, rôdent alentours, un aimable sourire aux lèvres. Enfers, toujours... Certes. Mais le croirez-vous ? Il est question aussi de tous ces attachements, de ces cassures qui ne sont d’aucun au-delà mais des jours que l’on compte, aube après aube, nuit après nuit. Ces tracas et ces joies tellement terrestres, si concrets, sublimes et futiles. Tant d'humains, trop humains. La jalousie, cette Maladie Sorcière ; l’absence qui se fait manque pour mordre plus profond ; le pur frisson -est-il angoisse, est-il une jouissance pour l’instant à peine effleurée- des jeux de séduction et doux préliminaires (danser dans le noir…) ; l’adultère qui se planque aux bouts sombres des rues… Et bien sûr, partout, cette effrayante technique. Cet effarant registre, ces arrachements de cordes, ces profonds échos de voûte. Ces notes qui durent et tournent, vrillent l’écoute pour atteindre le cœur, le noyau. Et cet outrageant maquillage. Méchants ornements... C’est que Diamanda Galas, en bonne Baudelairienne, est une fervente adepte et pratiquante de l’Artifice. Pas celui qui dissimule, qui recouvre, enjolive et console. Non. Celui qui révèle. L’essence unique imprégnant chaque chose, le vide central qui se fait axe ou l’inextricable réseau des systèmes nerveux. Le masque, vu de cet œil, est volonté, mise en lumière des vérités intimes qui s’affirment éternelles. Qu’elles soient ou non universelles n’est finalement pas la question. À l’instant du poème, de la chanson, de la performance ; dans la fraction de seconde où se décide chaque note, chaque période en sa clôture, chacune des vibrations dans le faisceau inextricable du hululement, le geste pensé, mûri longuement puis jeté au monde sans reprise possible, doit dire la nudité de la situation, de l’histoire, de la couleur. Du poème et du tourment. De l’intense et brève extase. Sa teinte inimitable. Son inaltérable et passagère perfection, qui voudrait contenir le monde en ses pleins et ses creux. Cette forme ultime de l’expression, l’artiste semble pouvoir l'aiguiser sans fin, sans jamais l'amenuiser, depuis des années. D'autant plus depuis qu’elle a choisi de s’emparer de ce fond commun, ces marques écrites qu'abandonne derrière elle, en partant, l'humanité qui passe. Ses classiques obscures ou célèbres. Non qu’elle trahisse ses débuts, quand elle sillonnait caves et lofts sans chauffage en torturant d’effets ses imprécations à titre d’auteur ; mais ses moyens s’affinent, encore et toujours. Et lorsqu’elle jette son dévolu, comme ici, sur un répertoire entièrement américain, c’est une nuance particulière du trouble qui émerge. En investissant, de fond en comble et dans tous ses recoins, la culture de son tout-puissant pays -elle, la fille du Patriarche Grec immigré à New York- Diamanda la retourne, nous l’expose en négatif. Hors-la-loi devenus icônes, malgré eux ou de leur plein gré (Ornette Coleman, John Lee Hooker), ténébreux troubadours (Hank Williams, Fred Aster via Dancing in the Dark), idoles de la soul rurale ou des paillettes de la Motown (Moman/Penn via James Carr et Holland/Dozier/Holland via The Supremes), amuseur vaudou patenté (Screaming Jay Hawkins), boogie-freak électrique (Lucky Peterson)… Peu importe -dans sa limite- la provenance du matériel. La sombre cantatrice plie à son but, à sa manière, la moindre bluette comme le plus insondable blues. Elle en presse hors leur carapace la substance commune : les cris et les contorsions des Vivants qui s’ébattent et se débattent pour échapper à l’Ordre, aux Puissances et aux Affres. À la constitution et aux terreurs superstitieuses des ancêtres, de part et d'autre du joug et du fouet. Au marché qui voudrait brader ces efforts, héroïques et dérisoires. Et tant qu’ils le peuvent, on y revient, à la Plus Grande Dépeupleuse. Afin d’être entier, sans oripeaux et tels qu’en eux-mêmes au moment où elle va s'approcher pour s'en saisir. Et la chanteuse de nous lancer en fausse conclusion, ici nullement désinvolte : veille à ce qu’on garde propre ma tombe (c’est curieux comme cette chanson -également magnifiée, par deux fois, sur les volumes des Black Blues de Keiji Haino- semble inspirer des artistes dits extrêmes). Fausse, non pas parce qu’elle manquerait de sincérité, d’à propos. Mais parce qu’il y a un post-scriptum. Cette deuxième version de Burning Hell (si john Lee savait…), moins frontalement expressionniste que celle du premier disque, certes, mais tellement juste en l’exacte mesure de ses excès. Et qui dit en substance ceci : bientôt je ne serai plus et j’ignore où je vais ; au nom de ça, je vis et rien ne me retient... Le silence se fait et l'aiguillon demeure. Des souffles bruissent dans la nuit, au dehors. Des corps déborde la chaleur.
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- (N°6) › Envoyez un message privé à(N°6)
J'arrive pas à savoir quelle version de " My world is empty without you" je prefère. Celle-ci est peut-être plus barrée, avec des effets sur le piano en plus, moins coup de poing dans le plexus mais pas moins obsédante. La façon dont elle se tape le Lonely Woman d'Ornette, je l'avais pas vu venir. I'm so lonesome I could cry est méconnaissable, fascinante, et deux versions de Burning Hell de sont pas de trop. Plus accessible (relativement) que Malediction & Prayer pour qui voudrait se lancer dans le repertoire de la pythie.
- Dioneo › Envoyez un message privé àDioneo
(Ah ah, la chanson spéciale-ambiance-en-soirée, quoi ! ... Bon, en vrai les deux sont fantastiques, oui. Et celle des Black Blues version "violente" fait bien mal aussi, d'ailleurs, dans un tout autre registre).
J'ajoute quatre extraits en écoute, tiens, du coup, au passage. Je viens de voir que je l'avais pas fait à l'époque.
- kranakov › Envoyez un message privé àkranakov
Parfois, je me plais à imaginer d'improbables duos. Ce matin, ce serait Dimanda avec Haino sur "See That My Grave Is Kept Clean" - un peu comme il la joue sur le "BLACK BLUES" acoustique... Un régal, ce serait...
- No background › Envoyez un message privé àNo background
She's goth the blues.
- Note donnée au disque :
- Dioneo › Envoyez un message privé àDioneo
Ah oui, sur qu'elle la retourne, cette chanson !
À la base c'est quand-même du tube Motown, sautillant, enjoué, le côté désespéré des paroles bien adouci par l'habillage Bubble-Soul et les paillettes sur les robes des Miss Black America, Didi Rosse en tête, en effet.
Faire sonner ça si funeral, comme la Billie dans son Dimanche le plus Gloomy, fallait quand-même y aller. Eh bien pourtant... Ça semble évident, là. (La charge naturelle, je veux dire, de la bluette cassée).