Hermeto Pascoal › Slaves Mass

Beaucoup d'eau est passée sous les ponts depuis le tout premier enregistrement d'Hermeto Pascoal lorsqu'il fût de passage aux États-Unis. À partir de 1976, il entame une collaboration étroite avec le label Warner Brothers pour lequel il réalisera tout de même quatre albums. "Slaves Mass" est le premier d'entre eux. Pour ne pas être trop dépaysé et sans doute aussi pour garantir le bon déroulement de l'opération, le mage brésilien se voit affublé d'une nouvelle équipe de requins de studios. Ron Carter rempile. Les anciens Return to Forever, Airto Moreira et Flora Purim sont mis à contribution, au point d'assurer la production de l'album. Enfin, Alphonso Johnson et Chester Thompson vont consolider l'équipe rythmique déjà bien étoffée. De fait, l'atmosphère du disque oscille entre le "One Size Fits All" de Frank Zappa et le "Black Market" de Weather Report, des albums où l'on retrouve partiellement ces musiciens. Pourtant, au gré des titres, "Slaves Mass" semble perpetuellement hésiter quant à l'angle à aborder, entre compositions enjouées et pièces concrètes où l'expérimentation prévaut. "Mixing Pot" ouvre les hostilités dans un genre fusion bien dans l'air du temps, suivi plus loin par le bref "Little Cry for Him", condensé de joyeuseté brésilienne. Entre les deux s'enchassent la plage titre et "Cannon" où planent aura mystique et incantation vaudou. Sur ces titres ou "That Waltz", quelques animaux de ferme parviendront encore à se faire entendre. Presqu'une marque de fabrique désormais... Pascoal joue avec le clair obscur. Le piano solo "Just Listen" s'interpose et montre que Hermeto Pascoal est décidement à l'aise dans n'importe quel contexte. Le champ à explorer reste énorme. Comme à son habitude, O Bruxo Hermeto s'emploie à embrasser toutes les musiques et à ainsi abattre les murs qui les cloisonnent les unes par rapport aux autres. C'est par l'indécision qu'il entretient entre abstraction pure et passages instrumentaux de haut niveau que "Slaves Mass" rencontrera son public. Mais ceux qui apprécient plus particulièrement les essais jazz fusion comme "Cherry Jam" seront aux anges d'apprendre que les longs titres bonus, "Pica Pau" et "Star Trap", en clôture, sont deux monstrueux tours de force dans le domaine...