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Nick Cave and The Bad Seeds › Wild God
- 2024 • Bad Seed Ltd. BS023CD • 1 CD digipack
cd • 10 titres • 44:19 min
- 1Song of the Lake
- 2Wild God
- 3Frogs
- 4Joy
- 5Final Rescue Attempt
- 6Conversion
- 7Cinnamon Horses
- 8Long Dark Night
- 9O Wow O Wow (How Wonderful She Is)
- 10As the Waters Cover the Sea
informations
line up
Nick Cave (chant, piano, chœurs), Warren Ellis (synthétiseur, piano, flûte, violon, guitare ténor, claviers, chœurs), Jim Sclavunos (vibraphone, percussion, chœurs), George Vjestica (guitares), Martyn P. Casey (basse), Thomas Wydler (batterie)
Musiciens additionnels : Colin Greenwood (basse), Anita Lane (voix sur "O Wow O Wow (How Wonderful She Is)"), Luis Almau (guitare acoustique), Double R Collective (chœurs), Carly Paradis (sifflements sur "O Wow O Wow (How Wonderful She Is")
chronique
Sous sa minimaliste pochette digne d'un savon à la crème industriel ou d'un banal emballage de smartphone, brutal contraste avec la faune et la flore chamarrées de Ghosteen, Wild God révèle comme un sursaut de vitalité, voire de hargne, dans la musique hyper-lyrique du vieux Nick Cave. Odeur film d'auteur verbeux, pathos ruisselant de partout, tristesse exprimée à l'heure du brunch pour un public d'habitués, larmes 24 carats, et une bonne dose de kitsch dans le luxe aussi, allez, pourquoi pas inviter l'orchestre du bateau de croisière dans l'Église ? Cave n'en a plus rien à foutre à ce stade du calvaire : il vit sa musique, à fond, se réfugie en elle. La malaxe et l'enflamme, peu soucieux de trop en faire - de toute façon il n'a jamais été du genre mesuré, cet émacié.
Main-mise toujours plus certaine sur le décor sonore du gnome pileux Ellis, cette espèce d'hybride de Sébastien Tellier et Charles Manson qui agace tant de vieux fans du Nick, MAIS : regain de Bad Seeds ! En tout cas volonté manifeste de revenir à l'énergie de ses albums des années 80-90. Dans un écrin ouvertement chrétien. Born Again Cave, façon Bob Dylan en 79 ? Pas vraiment. La transition s'est faite via la plus infinie douleur mais aussi en douceur sur le temps long, car après tout Cave nous fait du gospel depuis des décennies. Les curetoneries, ce n'est pas non plus comme si ça datait d'hier, mais là, oui, on sent qu'il n'est plus ce punk foufou et qu'il a un rapport à la chose beaucoup plus ouvert, adulte, et simple. À l'incarné Carnage qui nous avait déjà balancé de l'Éléphant blanc bien gospel, ce Wild God emboîte le pas, de façon très naturelle. Pontifiant à en crever... Soul à en mourir. Agaçant parfois. Grand, souvent. Pouvant faire monter la larmiche en deux-deuil.
Car oui : Nick Cave a perdu deux fils désormais. Dieu serait-il donc si sauvage ? Mais Nick veut nous dire qu'il est toujours capable de faire du Cave "à l'ancienne", se secouer les puces. Qu'il faut avancer... vivre. Peut-être un peu las de l'ambient et du parlé, il a donc même décidé de revenir un peu aux Bad Seeds rugissants, pour voir ce que ça faisait. Nick Cave veut faire de la musique, vivante, forte, comme il le sent. Avec Jésus Christ, comme avec les bidules modernes (il visait ouvertement un son plus "synthétique" à ce que j'ai compris) : peu importe, ça se fera au feeling, à l'instinct, vers ce qu'il ressent comme vrai. Pas pour poser : pour ressurgir, et nous toucher. L'âme en berne, le cœur en flammes. "Touched by the spirit, touched by the flame".
Beau et émouvant, tout simplement, même quand il est si grandiloquent - comme sur la merveilleuse "Final Rescue Attempt" en hommage à son épouse. Une des plus belles chansons d'amour qui soient, roller-coaster entre guimauve et chute libre dans l'étreinte fusionnelle. Cave est capable de vous sortir un de ces chants les plus affectés-snobs possibles sur un passage "oh the wind oh the wind", puis de vous transpercer en douceur avec une sincérité absolue : "after that nothing really hurt again (...) not even an ordinary thing". Comme sur une "Joy" : "I felt that someone in my family was dead", et puis que tapent aux tripes ses cuivres de fin de tragédie. Tel est le Nick Cave de Wild God, cherchant une musique aux énergies plus positives, dans ce costume blanc crème du double-deuil.
Si Ghosteen était le mausolée, le funérarium aux mille bougies, aux couleurs chatoyantes de la tristesse insondable rendue à la lumière, Wild God est un cri à ce Dieu Sauvage, à qui Nick a bien des choses à dire. Et ça date, cette affaire. On a un peu deux Nick pour le prix d'un, si on souffre les deux : le curé hystérique des Bad Seeds vieillissants des années 2000 est un peu de retour, même si ceux qui se lamentent de la perte de folie dans sa musique vont encore en avoir pour leurs frais. Mais celui des Bad Seeds d'avant aussi ! Même si la zique est tenue par moins d'artistes perchés qu'avant, des gens plus sérieux et dévoués désormais. "Deal with it" : les années Blixa-Harvey ne sont plus, et c'est donc le nain barbu Ellis qui fait le décor. Et il le fait drôlement bien, ce nabot barbichu, soutenir son patron, comme Alfred quand il prépare un bon gueuleton luxueux à Bruce Wayne avec des vins fins italiens et tout. Falsetti, claviers-venly, et tout.
Que dire de cette somptueuse "Conversion", approchant à pas de loup sur cette mélodie d'intro qui a le goût des regrets profonds, aux lisières des sommeils tranquilles qui ne viennent pas... avant de muer en gospel possédé, à la crête entre Nina Simone et refrain de Muse bien putassier, relents de Lyre of Orpheus dans une teinte plus "intelligence artificielle". Ou une pub pour du café. Mais qui donne envie d'étendre les bras et de dire MERCI MON NICKOU. Et puis, comment appréhender la puissance doucereuse et la beauté implacable d'une "Cinammon Horses", petit chef d'œuvre, pur Bad Seeds versant larmes lourdes, sans recueillir ce "I told my friends that life was sweet" d'une pureté absolue ?... Touchant à en crever.
Je suis ému, et mû. Par une musique simple, difforme, mais belle. Et j'ai envie de partager cette musique avec vous. De vous assurer qu'ici Nick Cave étale sa douleur avec grand pinceau toujours, il n'a pas fini, peut-être jamais d'ailleurs, mais qu'il prend du plaisir à nouveau, qu'on l'y sent désireux de ne surtout pas rester bloqué dans l'humeur du Ghosteen, le mausolée le chagrin, et plutôt de secouer un peu sa musique. D'aller plus vers la lumière, et la légèreté même, comme le suggèrent les derniers morceaux de l'album. Pourtant Nick Cave n'a peut-être, en réalité, jamais fait de musique plus profonde qu'à présent. Et ses nombreux coups d'éclat de jeunesse en prendraient presque des airs triviaux, de tours de passe-passe. Puisqu'ici se joue le blues, l'élévation, puisque cette musique est celle de l'âme. Musique de souffrance, mais surtout musique de vie, brûlante, celle qui ne veut pas se résoudre à se laisser mourir, celle qui ne peut pas faire comme si tout allait bien, mais qui veut bouffer la lumière. Qui veut la lumière.
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- born to gulo › Envoyez un message privé àborn to gulo
Bien sûr qu'on la veut. C'est bien ça qui fait si mal.