Soeur Marie Keyrouz › Chant Byzantin - Passion Et Résurrection

J’étais parti pour vous parler du dernier disque de Lisa Gerrard, ‘The Silver Tree’ et puis non, il faut bien remettre les choses dans l’ordre. J’ai toujours trouvé que la chanteuse de feu Dead Can Dance avait une voix incroyable mais une façon un peu réductrice de s’en servir, comme si elle restait à la surface des écrits qui la portent ou des traditions qu’elle ressuscite. Et sur son dernier album solo, c’est trop flagrant pour laisser passer l’imposture (jusqu’à la pose sur les photos) : Lisa n’arrive pas à la cheville de Sœur Marie Keyrouz. "Chanter, c’est prier deux fois" nous dit cette dernière, spécialisée dans l’étude de la musique sacrée orientale, qu’elle soit maronite, melchite ou ici byzantine. Accompagné d’un chœur monotone, Keyrouz se lance à cœur perdu dans des prières absolument extraordinaires où son timbre chaud et passionné fait jaillir toute la richesse de l’écriture antique, généreuse en micro-intervalles, en temps ‘lestes’ où l’interprétation se déploie librement en se gonflant, s’étirant, parfois en s’improvisant dans un cadre bien plus large que dans les écritures modernes (comme le chant grégorien, lointain descendant des chants byzantins…). Le résultat est confondant, alternant humilité toute pieuse et extase transcendantale dans un cadre sonore d’une grande austérité. Moins expérimentaux que les pages de tradition melchite, ces chants byzantins à la fois familiers à nos oreilles et inquiétants de par leur puissance mystique méritent d’être entendus, compris, ressentis dans leur moindre vibration – vous saisirez alors pourquoi Lisa Gerrard a les grâces d’Hollywood quand Marie Keyrouz a celles de Dieu.