Yog Sothoth › Yog Sothoth

Un groupe affublé d'un tel patronyme ne pouvait rester plus longuement dans l'anonymat. Mais tenter de le faire sortir de l'ombre eut été folle utopie, pure hérésie, puisque c'est à ce monde qu'il appartient. Si la musique de Yog Sothoth répond à la définition du genre progressif, le champ ici exploré est du même accabit que les recoins les plus obscurs déjà visités par leurs compatriotes Art Zoyd et Vortex. Et on pourrait rallonger la liste en citant encore Eskaton, Magma, les suisses de Dün ou encore les petits belges de Univers Zero. Une musique sombre et expérimentale. C'est, je crois, ce qui nous rassemble tous sur ce site. Évoluant à cinq, Yog Sothoth déploie un côté musique de chambre fort matiné de jazz, grâce notamment aux interventions cadrées du trombone, du violon et du saxophone. Sur "Nekrosis", chacun des instruments s'octroit une place de choix entre chaque thème, procédé clairement hérité du jazz. Parce que l'accent est ici sans doute beaucoup plus porté sur la communication entre chaque musicien, l'ambiance générale déployée par Yog Sothoth, quoique toujours singulière, angoissante et délibérément chaotique, ne revêt pas ce côté ouvertement obscur et glaçant que l'on retrouvait d'office chez Art Zoyd ou Univers Zero. Les amateurs seront prévenus. Le drive basse batterie y est pour beaucoup. Pour dissiper tout doute, il suffit de se pencher sur l'autre longue plage de l'album, la suite "Fou : L'art Noir". Yog Sothoth s'y épanouit pleinement dans une grammaire qui doit tout au free. Le parcours est loin d'être linéaire ; en vingt minutes, on traverse une multitude de paysages qui semblent avoir comme dénominateur commun une certaine propension à l'isolement, une fascination morbide pour la démence. En guise de conclusion, Yog Sothoth se révèle être une audacieuse curiosité, quoique peut-être encore trop timide, et qui au moins redore le blason de ces mornes années quatre-vingt.