Lors de sa chronique du groupe qui est à l'origine du label qui héberge les Lifesavas, dont voici la deuxième livraison, Progmonster parlait des "beaux restes" de la scène rap underground US. C'est encore valable aujourd'hui. Le robinet des sorties interessantes ne semble pas vouloir se fermer totalement, bien qu'elles passent invariablement inapercues commercialement parlant. Les Lifesavas, on les connaissait pour leurs instrus qui frappent juste et funky, leur flow quasiment chanté et leur apparente désinvolture qui cache un côté "conscient" que plus personne n'ose arborer aujourd'hui. Les voilà qui abattent leurs cartes avec cet hommage au très culte (surtout pour une série B bien banale, quoique classieuse as fuck) monument de la blaxploitation, Superfly. Enfin, c'est surtout la souveraine BO de Curtis Mayfield qui doit être visée ici. Les gars de Portland sont connaisseurs, et malgré une fin d'album en demi-teinte, leur Gutterfly aux allures de survivant fait bien plaisir. Décontraction est le maître mot ici, comme chez les Roots où De La Soul (qui arrivent bientôt ici). Quand on entend une tuerie comme ce Shine Language, digne d'Outkast en très grande forme (en moins mélodique), on se dit que les vieux de la vieille en ont encore dans le caisson de basse. Et juste après, c'est Take Me Away qui vient à juste titre nous emmener pour un peu de cruisin en coupé chevrolet dans L.A. by night, avec choeurs veloutés en guise de refrain, et instru absolument parfaite pour l'occasion. Le beat est réduit sa plus simple expression, l'atmosphère est ouatée, il en faut pas plus. Autre pépite sucrée et nocturne, gorgée de samples soul sublimes : Long Letter. Tout Gutterfly est ainsi truffé de plaisirs simples à déguster en dodelinant de la tête, en faisant encore un de ces disques d'été parfaits pour mettre dans son ghettoblaster en allant à la plage en tongs. Quoi, comment ça, je deviens vieux ? Eh bien, il faut croire que c'est un pas un mal, à en voir ces deux MC's et ce DJ encore animés d'une foi aussi intacte malgré l'état pitoyable du hip-hop US - car on est surement pas en face d'une galette d'abstract ou de rap "intello" ici, c'en est même très loin.