Avec Memorandum, on entre dans le cœur d’une des grandes angoisses de l’homme contemporain ; à savoir celle de la perte de ses racines ancestrales et my(s)t(h)iques au profit du dieu Objet. Notre passé est lui-même devenu spectacle, si bien qu’il faut aller creuser chez Jung, Edgar Morin ou même Freud pour tenter de déceler et de réaliser la part de l’héritage lointain qui continue heureusement à battre en chacun de nous. Et pour le raviver autrement qu’avec un bon livre, rien de tel que la sueur et l’abandon du cognitif – Vivre, battre, se battre, dans une mesure rythmique qui nous échappe par sa dureté et son aspect implacable. C’est ici que se situe Memorandum, avec son manifeste anthropologique qui à aucun moment ne se laisse piéger dans le new-age ou l’esthétique tribale quelle qu’elle soit : on a juste affaire à un enchaînement de percussions diverses, des plus ‘roots’ aux plus industrielles, avec peu ou prou de répit si ce n’est celui qui est offert par la brièveté des titres. À l’instar de Z’ev, ça grince, ça cogne, ça frappe, ça rampe, comme autant de civilisations enfouies dont la puissance rituelle n’attendait que cette époque matérialiste pour se manifester dans ce qu’elle a de plus viscérale. Le corps, infatigable danseur, n’a alors de cesse de suivre ces configurations shamaniques agressives pour mieux anéantir la psyché et transformer votre salon en un espace ‘second’ empli de peurs primitives…et nécessaires. La réédition CD reprenant ni plus ni moins que l’entière discographie de la formation (comprenant un EP, un LP et diverses apparitions sporadiques) consolera les plus fétichistes d’entre vous qui n’ont pu se procurer lesdits disques à temps (aujourd’hui rares) par son exhaustivité. Le son, au demeurant assez obscur, rajoute au témoignage un petit cachet d’authenticité. Essentiel.