Alan Vega › Saturn Strip / Just A Million Dreams

Cool, deux vieux albums d’Alan Vega sur un seul CD ! Pas cool, y’en a un qu’est moyen et l’autre qu’est tout pourri. Le problème ? Il s’agit d’une réédition tristement logique car elle reprend les deux albums de la période Elektra, une période que les fans du bonhomme savent douloureuse. Pourtant, Saturn Strip est pas dégueu même si totalement prévisible : du Vega de série, un troisième album grosso modo dans la continuité des deux premiers mais en un peu plus propre sur lui (production plus ‘radio’, donc le côté "bricolé à la maison et chanté dans un micro-karaoké" qui fait tout l’intérêt de Vega en prend un petit coup) – avec un premier titre excellent, "Saturn Drive", petite bombe disco-techno bien kitsch mais accrocheuse à mort concoctée avec l’aide d’un Alain Jourgensen encore imberbe à l’époque (1983 pour rappel), et un excellent "Wipeout Beat", plus disco-rock, le reste de l’album donnant dans le cabotinage touchant et l’autocaricature sympathique avec des sons extrêmement kitsch mais toujours ce petit côté psycho qui fait le charme de Vega (pour résumer l’idée on retrouve le traditionnel rockabilly décharné avec "Video Babe", un "Jukebox Babe" sans la magie, et une énième chanson d’amour sirupeuse à la Cheree sur "Je t’adore", avec en option un des synthés vedettes de La Boum 2 et un refrain en français bien charismatique) ; de nombreux éléments qu’on retrouvait déjà, en un peu plus inspiré, sur l’éponyme et Collision Drive : c'est-à-dire du Suicide en moins cheap, joué avec des vrais instruments et donc une partie du charme naturel amputée. La production de Ric Ocasek importe en fait une petite saveur pop "à la Cars" dans tout ça, avec ces sons electro typiques bien putassiers, ces tonalités presque synth pop par moments ; il décrasse et maquille les psychoses d’Alan en lui faisant jouer du presque-FM, quelque chose qui puisse passer à la radio sans choquer la bourgeoise. Presque FM vous disais-je, et ça tombe mal car l’album suivant, Just A Million Dreams, l’est totalement lui : un skeud bien générique comme il en pleuvait dans les eighties, avec des chœurs hard FM et des synthés sans arôme : une production bien trop lisse et proprette pour l’ex-Suicide qui est alors en crise avec Elektra, ces derniers voulant sans doute en faire un chanteur à minettes décérébré ou une tête de file pour le générique final d’un navet mainstream façon Top Gun. Outrage suprême pour cet enfant de l’underground ! On a même de la peine à la reconnaître, la voix de notre Alan, et c’est particulièrement effrayant sur des chansons comme "On The Run" et "Too Late", tellement lisses et vides que ça en devient insultant. Les seuls titres à sauver – et encore – dans cette daube sans saveur ni odeur sont "Ra Ra Baby", un quasi-retour au rockabilly minimal où on retrouve un peu de la magie qu’on avait sur A Way Of Life, et dans une moindre mesure "Wild Heart" et "Hot Fox" en faisant abstraction de ces refrains indignes. Mais à part ça il y’a vraiment que dalle à se mettre sous la dent dans cet album, qui se trouve être le plus dispensable de son auteur. Heureusement, Alan quittera Elektra juste après avoir sorti ce suicide artistique. Verdict de cette réédition : 3/6 à Saturn Strip et 1/6 à Just A Million Dreams, et si je prend ma calculette pour faire la moyenne je tombe sur... 2. Et 2, eh bah ça fait pas la moyenne.