Igorrr › Moisissure

Igorrr a marqué les esprits en 2006 avec ses collages bordéliques et foutrement jouissifs sur 'Poisson Soluble'. Pourtant, au delà de la maîtrise indéniable de l'outil informatique, il y avait une autre qualité qui se dégageait de certaines compositions et qui donnait à son travail une dimension plus complexe que la simple blague de potaches. A l'instar de Carnival in Coal, il laissait dans l'oreille un arrière-gout amer, une sorte de nausée ou d'instabilité du propos qui ne tendait qu'à se révéler un peu plus. Et 'Moisissure' est dans cette continuité : une fois libéré de sa simple forme déjantée (classique/IDM/death metal), c'est bien un univers torve et malodorant qui s'offre à nous, comme un Aaron Funk qui déciderait de ralentir sa musique en collant ses crottes de nez entre chaque beat. Impossible donc de réduire la musique à "ah oui, c'est un bon délire barré" car ça ne ressemble moins à un délire qu'à une construction délibérée de cette ambiance dont la pochette annonce littéralement la couleur. Le zombie de Jean-Sébastien Bach est toujours de la partie mais au lieu de lui greffer un gros sexe-blastbeat on le retrouve infiniment plus haché, reconfiguré, démultiplié à des vitesses giratoire quand il ne fournit pas tout simplement une assise totale pour les rythmiques de plus en plus barges ('Oesophage de tourterelle', 'Huile molle'). D'autres styles se font infecter, tels le swing ('Brutal swing'), le flamenco (fourni avec sa dose de black metal sur 'Putrefiunt'). L'évidente cohérence de ce bordel saute aux yeux sur certains titres tels le génial 'Moelleux' et son clavecin, son ténor et son breakcore rappelant sans rougir un Venetian Snares encore plus cinématographique que la période 'Rossz...'. Les titres moins tape-à-l'oeil tournent vers un trip-hop urbain ('Croute') et cradingue sans tomber dans l'écueil d'un dub sur lequel on peut coller ce que l'on veut. Chaque construction prend ici autant en compte le rythme que le sample, la hauteur du chant et l'ambiance générale qui évite de partir en tous sens... et gageons que Gautier Serre peut faire encore mieux.