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Daniel Darc › Amours Suprêmes
informations
L'édition digipack voit le CD accompagné d'un DVD intitulé "Fuck Dance Let's Art", exclusivement constitué de vidéos tournées en studio quand Daniel se fait chier, écrit ou discute avec Frédéric (la complicité entre les deux est touchante)... quand même dispensable, et surtout extrêmement frustrant car on ne voit presque rien du travail en studio de Darc avec Wyatt et Bashung, et que les passages interviewés sont trop rares.
line up
Daniel Darc (chant, harmonica), Steve Nieve (piano, batterie), Frédéric Lo (guitare, orgue, synthétiseurs, piano électrique, glockenspiel, cordes, mellotron, boites à rythme, cor, cordes, tambourin, basse), Laurent Vernerey (basse), Peter Thomas (batterie), Morgane Imbeaud (choeurs), Philipe Almosnino (guitare), David Maurin (batterie), Anabel Fernandez (choeurs), Karen Brunon (choeurs)
Musiciens additionnels : Alain Bashung (chant 3), Robert Wyatt (voix et respiration 6)
chronique
La plupart de ceux qui ont encensé Crève-Cœur semblaient y voir une bonne occasion de mettre sur un piédestal un nouvel écorché vif, le genre qu’on ne voit pas tous les jours mais dont les magazines raffolent, parce que les gars ils en ont besoin pour alimenter les passions, tu vois. Ferré, Gainsbourg, Léotard… Darc. Daniel était devenu, à son tour, un de ceux dont on attend sans se l’avouer la mort physique pour achever les louanges à son encontre. L’impudeur est la plus belle des imprudences, et, fort heureusement pour nous, Daniel n’a pas encore choisi de se rhabiller. Il est là, toujours avec sa petite voix gnan-gnan-écorchée unique, avec son existence passée dans ses bagages, sur ses tatouages. Une existence passée à se regarder les poignets en y imaginant des pointillés et une paire de ciseaux tatoués dessus comme s’il s’agissait d’un coupon-garantie à découper soi-même. Une existence gâchée mais consommée, à essayer d’être moins malheureux plutôt que trop heureux. Toujours nu, toujours sur le fil, le revoilà, face à nous, plus de trois ans après le journal intime. On regarde le titre, hommage à Coltrane ramenant aussi à son bouquin et à l’avertissement qu’on pouvait déjà voir photographié sur Crève-Cœur. On voit sa gueule sur la pochette… De face. Darc trône, frontal et presque inquisiteur à la façon dont il nous toise, Elvis-style, il semble jouer à ce petit jeu de l’Idole déchue, avec délectation (en même temps en regardant bien on se rend compte qu'il tire vraiment la gueule). On s’attend à une décharge électrique d’émotion, cons que nous sommes. A la place, on a "Les Remords", un rock frenchie presque lambda pris comme ça, et on se dit que ça va peut être mieux pour lui, on commence à se poser des questions. Et musicalement me direz-vous ? Le travail de Frédéric Lo est encore une fois exemplaire, mais ça reste un travail... production complètement dans l'air du temps, donnant un air assez persistant de gadget photoshopisé : plus rock que folk, elle est pourtant plus froide, calibrée, cellophanée. Elle ne fait pas barrage à l'émotion, mais pas écrin non plus. A la façon d’une promenade solitaire un peu bobo dans les rues les plus vitrées de la capitale (alors que Crève-Cœur me donnait l’impression d’être allongé dans un champ de coquelicots en plein automne), pour situer. On préférera s'attarder sur les deux featurings qui en auront sûrement hantés quelques-uns pendant longtemps sur le papier : Alain Bashung, Robert Wyatt. Blaoum. Résultat ? Subtilité et économie un peu fainéante, mais beautés tranquilles… D’abord Alain, qui vient poser sa voix sur l’étrange "L.U.V.", en duo avec Daniel pour une série de slogans rock phrasés avec délice et amusement au cours d’une ballade lumineuse, parsemée de glockenspiels. Facile et magique en même temps, ce qui n’étonne en rien venant de l’animal. Quand à Wyatt, on ne l’entend pas ou presque, ce qui est frustrant mais attise le pouvoir de fascination de "ça ne sert à rien", qui est à ce jour l’une des ballades les plus réussies de tout le répertoire Darc : une bossa nova au spleen retors, portée par le souffle haletant du barbu brisé, laissant moisir en elle un parfum d’invitation au suicide et de sérénité macabre à peine masqué par ses interrogations et le son rassurant d’une trompette… jusqu’au mantra final. Pour le reste, niveau diction, rien n’a vraiment changé, si ce n’est que Daniel n’utilise plus autant son accent "anglicisé" hérité de la période Taxi Girl, et laisse traîner sa voix avec pour modèle évident non pas Gainsbourg comme sur Crève-Cœur, mais Gainsbarre, dont l’influence malfaisante est très palpable dans les deux/trois choeurs féminins utilisés (assurés par la gentille mamzelle de Cocoon dont j'ai oublié le nom), les phrasés de vieux renard et le timbre du poète, cru et langoureux, pataud et un peu fatigué, plus fragile que jamais, parfois à bout de souffle - parfois éteint. Amours Suprêmes, ça n’est finalement ni une suite ni un négatif, juste un album différent, aux choix de prods un peu trop artificiels parfois certes, mais qui explore d’autres mondes, et va par moments - oserais-je dire - plus loin encore dans l’introspection. Derrière son côté "disque jetable", Amours Suprêmes égale son prédécesseur, sans larmes forcées, sans overdose ni climax, par une succession de chansons pop toutes simples et pourtant si ambiguës, travaillées et interprétées par ce petit bout de rockeur un peu ringard, aux tripes nouées et aux mains tremblantes de trop vivre.
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notes
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- Solvant › Envoyez un message privé àSolvant
Un album posthume va sortir. Un beau travail apparemment. http://www.danieldarc.fr/daniel-darc-chapelle-sixteen/
- dariev stands › Envoyez un message privé àdariev stands
ça va pas ou quoi ? on risquerait de reconnaître le talent dans un des notres !!
- Dane › Envoyez un message privé àDane
La chaine belge RTBF 3 a rediffusé hier soir l'émission "Hep Taxi" auquel il avait participé. On le voit bien bourré et buvant du Bailey's. Il avait l'air assez loin quand même, me suis fait la même réflexion sur sa démarche. En tout cas, c'est bien de la part de la chaine, je sais pas s'il y a eu des trucs en France pour lui rendre hommage.
- (N°6) › Envoyez un message privé à(N°6)
Je le croisais régulièrement car il habitait à quelques rues de chez moi. Je ne peux pas dire que je sois surpris outre mesure, je l'avais encore vu il y a une semaine ou deux et m'étais fait la remarque qu'il avait l'air d'une épave, il marchait vouté comme un vieux papy fatigué de 80 ans, cassé en deux, et son visage n'en faisait pas moins de 70. Il aura eu droit à un joli retour en grâce, heureusement.
- Nicko › Envoyez un message privé àNicko
RIP Daniel...