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John Cale › Fear
informations
Produit par Brian Eno et Phil Manzenera.
Cet album est inclus en intégralité dans la compilation The Island Years.
line up
John Cale (chant, claviers, violon, guitare, basse), Brian Eno (claviers), Phil Manzanera (guitares), Liza Strike (voix), Richard Thompson (guitare), Brian Turrington (basse), Archie Leggett (basse), Fred E. Smith (batterie), Michael Desmarais (batterie), Irene Chanter (voix), Doreen Chanter (voix), Judy Nylon (voix)
chronique
Qu’ils fassent péter leur champagne, qu’ils se fassent la bise en se promettant mille bonheurs et en s’envoyant tous leurs meilleurs vœux à la noix… rien à foutre, je les évite parce que je les crains. Les gens me font peur, oui, et la peur est le meilleur ami de l’homme, c’est John Cale qui me l’a dit. Hein ? Ah oui… pardon… Vous voulez sans doute que je vous parle de cet album au lieu de vous raconter ma vie et de vous faire part de mes états d’âme. Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise moi ? J’ai rien à dire sur ce disque, il suffit d’écouter… Quoiqu’en me forçant un peu, peut être que je parviendrai à m’arracher quelques lignes descriptives. Allez, on va essayer. Celui qui fût assurément l’entité la plus sombre et expérimentale du Velvet Underground a offert avec Fear son album le plus significatif, dans une discographie inégale mais parsemée d’œuvres difficiles, débutée sous un style pop et progressivement métamorphosée pour finir par s’inscrire dans la continuité des albums du groupe qui a pondu Sister Ray. La présence de Brian Eno reste discrète mais très effective comme souvent (à l’époque ça n’avait rien de surprenant), et Cale nous offre neuf perles absolues, à la fois fragiles et dures. A la fois légères et graves. Les trois notes d’introduction de la chanson éponyme restent à jamais gravées en nous dès l’instant où on les entend, tout comme cette mélodie de piano hypnotique qui revient sans arrêt. Eternel morceau aux paroles lourdes de sens, qui s’achève sur les hurlements de Cale et les contorsions d’une basse à l’agonie. Plus rock que Paris 1919, Fear est aussi plus sombre, même s’il n’en a pas l’air. Musicalement, il distille un charme étrange, entre flambées lyriques et lignes apaisées, parsemées de sonorités vicieuses mais discrètes (claviers limbiques, riffs écorchés, stridences éphémères), comme une menace constante qui rappelle que l’ami John, s’il reste un immense artiste pop, est aussi un amateur de cacophonies… le féroce "Gun" concentre en lui toute cette frustration de dissonances, de fureur noisy propre à l’artiste. Les autres titres sont comme des ritournelles empreintes de mélodies sucrées, où les claviers sont prédominants, et les arrangements d’un raffinement extrême… L’étrange "Ship Of Fools" ressemble à une chanson de Noël mais distille quelque chose d’empoisonné. Plus cru, "Barracuda" - avec son violon martyrisé par Cale - évoque le Velvet de WL/WH, tandis que l’éternelle ballade "Emily", portée par le bruit des vagues, évoque l’apaisement de l’homme qui attend la mort. Le disque s’achève sur un "Momamma Scubba" country/blues et sautillant qui nous redonne le sourire… mais pour combien de temps ? Fear réussi un mariage qui force le respect : accoupler une pop accrocheuse et lyrique dans la tradition british façon Supertramp ("The Man Who Couldn’t Afford To Orgy" ou "You Know More Than I Know"), avec le désir d’expérimentation cher à ce disciple de la musique répétitive. Fear n’est pas un album triste, ce n’est pas non plus un album gai, même si ses airs enjoués en tromperont plus d’un. Il s’agit simplement d’un disque de vie, sincère, sans masque ni fard. La voix crue et éraillée de Cale ne ment jamais... Les ombres chinoises se baladent sous mes yeux attentifs, je vous parle en direct d’un huit-clos nommé cuisine, recroquevillé contre le coin du mur, accroupi, tremblotant, tirant sur ma clope comme un dératé, avec les chorus aériens « sleeping in the midday sun » de "Buffalo Ballet", qui tournent en boucle au fur et à mesure que l’empreinte de mon dos en sueur s’incruste dans le papier peint. Né sous une bonne étoile, Fear pourrait être la vôtre. Bien entendu, comme je l’écoute en ce moment même, je peux vous dire qu’entendre ce grand classique avec à chaque fois cette impression de le découvrir, toujours aussi frais et beau, me force à lui mettre une note maximale qu’il mérite non pas pour ce qu’il est, mais pour ce qu’il provoque au fil du temps : cette petite lueur rassurante qu’il implante en nous, qui fait qu’on repense à lui dans les moments difficiles, comme lorsque l’angoisse de ne pas réussir quelque chose de sa vie nous tenaille le ventre au beau milieu de la nuit, ou qu’une salope qu’on croyait respectable a fini par nous écrabouiller comme un cloporte… Ce disque est un cataplasme a appliquer sur les plaies béantes de l’âme. Ne passez pas à côté. Et regardez John droit dans les yeux pendant que vous l’écoutez : la pochette est aussi faite pour ça.
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- Dioneo › Envoyez un message privé àDioneo
Oui, pour Cale/Cave, c'est plus évident. Mais jusque là ça ne m'avait pas tant frappé sur celui-ci - vraiment pas autant que sur Slow Dazzle, Helen of Troy ou le live Sabotage, même... Là, vraiment, Emily m'a fait cet effet là, et vraiment plus pour une question d'écriture et d'arrangements que de voix (il n'a pas sa voix grave, là-dessus, Jojo).
Pour R.E.M., c'est vraiment seulement Buffalo Bullet qui m'y fait pensdr, hein, sinon - et donc à un période du groupe que j'aime moins (l'album Automatic for the People, en fait, même pas vraiment une période), alors que cette chanson de Cale me plaît bien plus. Et là encore... C'est une question d'écriture, de compos, pas de chant ou de production !
Message édité le 07-04-2025 à 15:23 par dioneo
- Raven › Envoyez un message privé àRaven
"je vois des R.E.M. partout"...
Mais c'est pas bête hein. Cale proto-REM, aussi, et plus globalement proto indiepoprock, j'y avais jamais pensé. (Par contre le côté Nick Cave avant Nick Cave, et proto goth rock, aucun doute...)
- Note donnée au disque :
- Dioneo › Envoyez un message privé àDioneo
Buffalo Ballet pourrait figurer sans mal sur Automatic for the People de R.E.M. - enfin, sur une version du disque que je ne trouverais jamais chiante (j'aime R.E.M., hein, mais Automatic, acheté à l'époque, j'avais fini par le revendre parce que je me suis trop souvent ennuyé à son écoute...). Emily - bien que le chant de Cale n'ait rien avoir ici avec celui de Nick Cave, comme c'est parfois le cas, ainsi que le remarque Raven dans une autre chro (à propos de sa reprise de Heart break Hotel, si j'ai bonne mémoire) - aurait tout à fait sa place, comme compo, sur un Bad Seeds du milieu 80...
En fait je trouve que Fear a vraiment, globalement, un côté "pré" ou "proto" indie-rock, que ça annonce aussi en partie le proto-punk côté ricain (Gun, et pas que pour la guitare, on dirait du Richard Hell and the Voivods) et un certain post-punk aussi bien britannique que ricain, cette fois (Barracuda et son côté Caraïbes Refroidies...).
Un bon shot de craie toujours bien fraîche.
Message édité le 07-04-2025 à 13:10 par dioneo
- Milloco › Envoyez un message privé àMilloco
Concert John Cale hier le 26 fev à Rouen. Super concert ou il y a joué 3 titres de cet album "Fear Is A Man'sBest Friend", "Barracuda", "Ship of Fools". Le band au top et lui purée en top forme . Concert exceptionnel. Je réecoute sur ma top chaine histoire de se remémorer ce si bon concert:).
- Raven › Envoyez un message privé àRaven
On peut appeler cela merveille, cher enfant.
- Note donnée au disque :