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Marianne Faithfull › A Secret Life
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Angelo Badalamenti (composition), Marianne Faithfull (chant)
chronique
Je ne me souviens pas avoir été aussi proche d’un album féminin depuis The End de Nico. Et encore, ce serait vous mentir, car je n’ai en réalité jamais été aussi bouleversé à l’écoute d’un album « de femme » qu’avec ce disque de la grande Marianne. Il ne faut pas oublier le parcours hors du commun de cette lady, qui aura contribué à faire d’elle cette beauté un peu cassée. Marianne Faithfull à survécu à beaucoup. Elle a gardé, du bon comme du mauvais. C'est une Femme. L’espace de trois décennies, elle s’est transformée en une sorte de déesse meurtrie de la pop-rock, adulée et demandée par beaucoup, de Oxbow à Etienne Daho, de Jean-Pierre Jeunet à PJ Harvey, de Metallica à Nick Cave. Chaque mot sortant de sa bouche est un nectar amer, vibrant, vivant, c’est le genre de voix qui ne peut à mon avis laisser personne de marbre, une voix qui, quoiqu’elle dise, quoiqu’elle chante, fait résonner dans nos oreilles toutes ces années vécues. Chaque fix injecté, chaque bouteille vidée, chaque clope grillée, c’est ce que l'on entend dans cette voix… L’évolution vocale de Marianne Faithfull m’évoque celle de Leonard Cohen : ils ont tous deux commencé leur carrière en chantant avec fragilité et un manque d'expérience flagrant, et puis, au fil des décennies, leurs voix ont mué, se sont cassées, et en même temps renforcées, elles ont pris de l'ampleur. Une ampleur de Vie comme de Mort. Pour ce disque, c’est à quelque chose d’assez unique que nous sommes conviés : la rencontre d’un maître de la bande originale des années 80 - Angelo Badalamenti, fidèle compositeur de David Lynch – et d’une ex-diva des années new wave. Les mégots sont froids, la voix est presque cassée, sur le fil, proche de la rupture, vibrante et poignante comme toujours, comme à l’époque des Ballad of Lucy Jordan et autre Broken English. En plus grave, plus profond. En plus tremblant et fragile. C’est la voix d’une femme blessée répandue sur ces instrumentaux d'orfèvre comme du cyanure sur un drap de velours. Il y a évidemment une ambiance très cinématographique dans ce disque, Badalamenti oblige. Et, surtout, il y’a ce feeling très "mélodrame". Si cliché, mais si noir et beau. La chanteuse entame les hostilités par un extrait phrasé de la Divine Comédie. Le ton est donné… ce à quoi nous allons assister, c’est une succession de scènes, presque concept-album, avec autant de bleus à l’âme et de larmes qu’il doit y en avoir… autant de titres pour la composer. "Love In The Afternoon", complainte lugubre soutenue par une pulsation obsédante dans une atmosphère de gare désaffectée, est une des chansons les plus sombres interprétées par Faithfull. Paroles désabusées évoquant la possession mutuelle, l’abandon sexuel et le caractère malsain qu’une relation sans issue peut avoir. Violons de drame noir, et puis l’image d’une femme publique à bout de nerfs s’ouvrant les veines sous un réverbère qui me hante… Et "Sleep" : la chanson la plus triste et glaçante des années 90 ? Un titre que je n’ai pas été étonné d’entendre à plusieurs reprises dans les moments clés du Roberto Succo de Cédric Khan, tant il façonne la tension dramatique d’une scène par sa seule présence. Morbide et beau. "Flaming September", possédée et larmoyante, m’évoque le générique d’un film que je n’ai jamais vu, un remake de Fuller par Polanski. De légers accents orientaux (à moins qu’ils ne soient latins) lui confèrent cette ambiance envoûtante et singulière, entre ombre et lumière. Pour "She", Badalamenti convoque les esprits des vieux films noirs, et les fantômes de mélodies italiennes presque irréelles, dans une atmosphère vénitienne et spectrale. La voix de Marianne reste sur le fil, à tutoyer les abysses. A nous chavirer. "Bored By Dreams" (avec quelques lignes dans un français délicieusement accentué) et "The Wedding", beaucoup plus ‘dansantes’ que le reste, mais tout de même classes, rappelant plus Dangerous Acquaintances : une pop enjouée mais qui reste pleine de blessures secrètes. La voix de la belle étant toujours aussi grave, et ces passages apparaissent finalement comme de brefs moments de lumière au milieu d’un océan de désespoir et de mélancolie. Ils savent mettent en valeur la noirceur du reste sans sonner déplacés… le vague-à-l’âme de "Losing", pièce secrète et cajoleuse, ou la beauté épurée de "The Stars Line Up" ne sont pas en reste non plus, tout est maîtrisé et grand de bout en bout dans cet album. L’association de Badalamenti et Faithfull est un petit miracle, et donne lieu à une fusion entre deux univers troubles d'un romantisme noir profond, dans le strict cadre de la chanson pop. Un oratorio nocturne. Un spleen d’ébène.
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- Raven › Envoyez un message privé àRaven
RIP, Badalamenti !
- zappymax › Envoyez un message privé àzappymax
Badalamenti n'est pas Merzbow. Tant mieux pour Marianne (qui de toute façon n'a peur de rien ni personne). Angelo a donc tissé un tapis soyeux, d'une très très grande élégance, plutôt froide, sur lequel Miss Faithfull nous fait le récit d'une passion-éclair dans la vie d'une femme. Cet aspect chaud-froid est non seulement très savoureux : il est aussi très envoûtant. Angelo : bravo. Marianne : number one.
- Note donnée au disque :
- kama › Envoyez un message privé àkama
Petit air de Bowie, sur la pochette.
- Potters field › Envoyez un message privé àPotters field
irina palm touch
- Coltranophile › Envoyez un message privé àColtranophile
Ah, ce Raven! Dès le début de la chronique, il cite Nico. J'avais pas lu la chronique en question et j'écoutais ce disque hier soir, me disant justement que ce disque me faisait le même effet que les disques de Nico malgré la distance stylistique. "The Stars Line Up" est juste une chanson divine. Et puis ce disque se finit sur le monologue de Prospéro de "La Tempête" qui un des plus beaux textes de Shakespeare.
- Note donnée au disque :