Tietäjät (The People Who Know The Way)
par Wotzenknecht › lundi 3 mars 2014
Style(s) : spoken word / lecture / poésie / musiques du monde
Le conteur anglais Nick Hennessey s'associe à des musiciens finnois pour une première du poème épique Kalevala conté et chanté en anglais sur une musique semi-improvisée. Concert organisé par l'Académie Sibelius au Musiikkitalo, Helsinki, le 28 février 2014.
Dans la série des rencontres improbables voilà celle du conteur et musician anglais Nick Hennessey tombé amoureux du poème épique finnois Kalevala il y a une quinzaine d'années et, après en avoir conté les histoires via performances improvisées et spoken word en Grande-Bretagne et accessoirement gagné un championnat du monde d'"epic-storytelling" (oui, il y en a un), s'adjoint aujourd'hui des collaborateurs locaux Anna-Kaisa Liedes au chant, Kristiina Ilmonen pour les vents et percussions ainsi que Timo Väänänen pour le kantele et pyngyr (sorte de kantele portatif aux allures de guitare archaïque) pour une expérimentation multifacettes du nom de Tietäjät ("ceux qui savent (le chemin ou la connaissance)"). Il faut savoir que le Kalevala est un joyeux bordel, patchwork de contes et histoires traditionnelles caréliennes compilées par Elias Lönnrot au dix-neuvième siècle, soucieux de poser par écrit les bases d'une culture finnoise. Sa structure complexe et rythmée permet bien des appropriations et sa relative jeunesse en fait un parfait terreau d'expérimentations. Il y a bien évidemment le souci du langage, ici réglé par un renvoi constant entre l'anglais britannique de Nick Hennessey et le chant en langue originale par Anna-Kaisa Liedes. C'est même la première question qui ouvre le spectacle : "Where did the first word come from?" La solution est souvent de ne pas se laisser abattre par la lourdeur des textes, d'en jouer comme un enfant – on aura droit à dix minutes d'imitation de poissons, assez Monty Pythonesque – ainsi qu'évidemment de faire le tri entre les histoires, une heure et demi couvrant quatre ou cinq chapitres d'un récit de plus de cinq cent pages. Musicalement, on aura droit à quelque chose d'assez palpable, quoique plus structuré par moments, se rapprochant parfois d'une variante nordique d'un Blood Axis période Born Again (Nick ressemble d'ailleurs comme deux gouttes d'eau à Michael Moynihan) ou de Damh the Bard. Les excursions plus expérimentales et improvisées nous plonge dans des volutes réminiscentes de Voice of Eye, mélangeant avec le même aplomb vocalises profondes et rythmes archaïques dans des longues réverbérations. Mention spéciale pour le joueur de kantele, aussi mélodique qu'aventureux lorsque nécessaire. La manière de jongler entre les mots et le corps - une phrase répétant une syllable, une syllabe devenant un son, puis un son une musique, puis une musique une danse était remarquable ; le conteur rythmant sans effort le phrasé anglais avec les formes ancestrales. L'histoire se terminera sur la mort et le sauvetage du corps de Lemminkäinen par sa mère, si bien expliquée dans ces pages-même sur la chronique du Lemminkäinen Suite de Jean Sibelius. Elle est représentée ici dans une version quasi littérale, Nick jouant à la fois le cygne et la mère avec autant de tendresse que d'humour. Une sacrée épreuve de force pour un genre de performance qui tient autant des racines celtes que finno-ougriennes et qui trouve ici un excellent point de rencontre.
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Dernière mise à jour du document : lundi 3 mars 2014
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