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Hellfest 2024 - par Dimegoat

par dimegoat › mercredi 14 août 2024


Style(s) : hardcore / metal / metal extrême / punk

2004, la France emmerdait encore un peu le Front National et Slipknot recevait des canettes sur la figure. 2024, la France vote Front National et Shaka Ponk reçoit des tonnerres d’applaudissements. Après vingt ans de dédiabolisation du FN et du metal, suivez la Gardienne des Ténèbres et votre N+1 dans son plus beau t-shirt rock H&M, je vous emmène dans un monde où tout est possible, y compris écouter de la musique extrême.

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Vingt ans déjà. J’étais là lorsque le Fury Fest a inauguré la formule réunissant punk, metal et hardcore. Depuis, le spectre musical s’est élargi à l’ensemble du rock et ce sont trois jours et demi durant lesquels il est bien difficile de se lasser tant l’offre est variée. C’est le grand buffet des petits fours, un peu de ça, un peu de ci, impossible de faire une indigestion. Mais pour cela, il faut se lever tôt et se coucher tard car le moindre écart te fait louper 20% de la programmation grindcore. Oui, le Hellfest ne dévoile ses dessous chics qu’aux plus curieux et endurants.

Commençons par une bonne nouvelle : les groupes ont enfin un espace de merch digne de ce nom et distinct de celui du festival mais aussi de celui des principales têtes d’affiche. Mis en ordre par scène et peu fréquenté, il est facile d’y jeter un œil plusieurs fois par jour pour ne pas louper le t-shirt de Sanguisugabogg. Voilà qui fait plaisir. Autre satisfaction, le Hellfest a démonté l’attraction proche de la Valley pour installer des tables, des bancs, des toiles, en bref un petit espace de repos pour les festivaliers. Hellfest, poursuivez vos efforts au deuxième trimestre, pensez au confort des festivaliers, c’est le plus important ! Allez, une dernière et non des moindres. Après les polémiques de l’an dernier, il m’a semblé qu’il y avait beaucoup plus de femmes sur scène cette année et ce n’est sans doute pas le fruit du hasard. Ces groupes existent, il suffit de les inviter. Le festival a aussi mis en place un nouveau dispositif Hellcare qui vise à tenir des stands et organiser des maraudes pour gérer les problèmes de violences sexuelles et distribuer des protections auditives. Le tout est appuyé par des messages récurrents sur les écrans évoquant le dispositif, incitant à la vigilance et à faire part des violences subies ou constatées. Il faut saluer l’initiative et poursuivre l’effort pour mieux accueillir les festivalières.

Pour le reste, par rapport à l’an dernier, ce qui était bien l’est toujours autant mais ce qui était mauvais s’est aggravé. Débutons par un point très subjectif : j’ai été particulièrement frappé par le fait de me sentir étranger au public. C’était déjà le cas mais le ressenti s’est accentué cette année. Par deux fois, des types se sont amusés de mes t-shirts aux logos indéchiffrables. Dans quel festival de musique extrême peut-on s’étonner, au premier degré, d’un t-shirt Blood Incantation ? Un festival est un grand moment où tu viens représenter ta scène, tes groupes, ton identité musicale. Au Hellfest, seuls les coreux sont encore un peu présents mais plus de punks fauchés, bien peu de vestes à patchs, de t-shirts dégueu, de délires bondages ou gothiques, en somme de ce qui est considéré comme marginal voire suspect dans le monde extérieur. La majorité des festivaliers de la frange metal sont sapés (et tatoués) Hellfest ou casu. Le festival a également inauguré la Gardienne des Ténèbres, énorme figurine de femme-araignée articulée à roulettes, fruit de « notre imaginaire collectif », autrement dit un agglomérat de références metal javellisées qui fait lever les yeux au ciel. Cela tombe bien, il a fait beau trois jours sur quatre mais je pense que les festivalières démonteraient bien ce boss d’Elden Ring pour en faire trois nouveaux espaces de toilettes. À part utiliser un accessoire pour pisser debout, il va falloir prendre ses précautions comme à la maternelle et devancer sa vessie, y compris à l’espace VIP. Le Hellfest est donc aussi un lieu pour ceux qui n’en ont pas assez de faire la queue à Auchan. Fais la queue pour pisser, pour manger, pour boire et, évidemment, pour entrer au Sanctuary. Passer des heures dans une file d’attente plutôt que d’aller voir des concerts ou chiller sur l’herbe, c’est aussi incompréhensible que d’entendre le FN se proclamer centriste. Cela dit, l’attente est le plus souvent un choix (pour les hommes, en tout cas) : si tu disposes d’un pénis et pas désespéré au point de patienter une heure pour avoir une glace à 14h sous le cagnard ou ce sandwich-raclette et pas un autre entre midi et deux, et si tu décides de partir à l’aventure en dehors de la zone Mainstage, il est tout à fait possible de s’hydrater, manger (c’est varié mais cher), se soulager (faut pas être timide) et s’alcooliser (que de la pinte…) sans attente. J’ai dû utiliser mon joker VIP à peine une fois ou deux dans le week-end. En revanche, il vous faudra fendre non sans peine ces mêmes files d’attente pour accéder à certaines zones du site, à commencer par la Valley.

  • VALLEY

La Valley, scène de la sieste. Le tapis herbeux est bien plus dense que l’an dernier et on se frotte les mains à l’idée de profiter du nouvel espace de détente. Sauvez un festivalier, détruisez une attraction. Encore faut-il l’atteindre car au fond de la Valley se trouve un alignement de stands de nourriture, dont les glaces, qui participent à la congestion invraisemblable de cette scène. L’après-midi, il est pratiquement impossible de s’y rendre au dernier moment. Les deux accès débouchent sur le même flanc et lorsque la fosse est remplie, le flux se fracasse sur elle et sur les files d’attente à l’arrière, créant un point de compression digne de la rocade bordelaise à 17h, alors qu’il reste de la place sur le flanc dépourvu d’accès. Il s’agit de la zone du festival la plus problématique en termes de circulation.

De toute façon, j’avoue que la Valley est un peu la scène où je me rends lorsque j’ai un trou dans mon planning donc je manque un peu de passion à l’idée d’évoquer certains groupes vus là-bas comme Red Sun Atacama ou 1000mods, ces derniers ayant reçu un accueil démentiel avec slams non-stop pendant tout le set. Leur stoner aux accents parfois grunge est sympathique et semble être aux sommets d’une hype qui m’a échappé. Acid King était immanquable mais je pense que les festivaliers avaient une queue à faire quelque part puisque le public était assez clairsemé. Dommage car la prestation était envoutante après un démarrage un peu lent, comme si Lori était nerveuse, mais les morceaux de Busse Woods m’ont fait décoller. De manière générale, je pense que certains grands anciens de ces scènes de niche voient leur popularité s’éroder, surtout s’ils ont été peu présents sur scène (comme Botch l’an dernier).

Il y avait aussi pas mal d’artistes plus sombres et expérimentaux que j’ai à peu près tous loupés pour diverses raisons mais j’ai vu des fragments de The Devil’s Trade, un brin pompeux et magnifiquement caricaturé par mon pote Nico qui a fini de me sortir du concert. Un peu de Kvelertak dont le succès m’étonne toujours, un peu de sympathique Fu Manchu sur le chemin, un bon morceau de Gaupa au chant björkien. Bref. Bien plus enthousiasmant : Heriot. Groupe en pleine ascension, signé depuis peu sur Century Media et mené par Debbie Cough au chant démoniaque, ils nous assomment d’une sorte de sludge bien gras et chaotique. Un groupe dont on va entendre parler ! Bien plus tard, décidé à me caler une sieste de début de soirée en écoutant Chino Moreno et son projet électro Crosses, mes rêveries semi-conscientes ont été interrompues par une panne sonore dont je ne sais si elle a été résolue. Dommage, c’était cotonneux et agréable à défaut d’être très intéressant, dans le fond. Voyons plutôt ce que donne Mr. Bungle en concert sous le déluge. Line-up de zinzin : Mike Patton, Trevor Dunn, Dave Lombardo, Scott fuckin’ Ian et le génial Trey Spruance. Un set point trop tarabiscoté et axé metal. Avec Ian et Lombardo, ce serait idiot de se gêner. Et comme si ça ne suffisait pas, Mike sort son calepin et fait venir Wolfgang Van Halen puis Andreas Kisser. Et puis quoi encore ? Une reprise dégénérée de « All By Myself » devenue « Go Fuck Yourself » et ça ira bien. Patton a tendance à m’agacer mais il a été parfait ce soir en animateur de cette énorme blague portée par la plus haute densité d’expérience et de talent mesurée sur une scène cette année. Un régal de concert, des barres de rire, du gros riff, le groupe que tu veux pour animer ta soirée d’enterrement de vie de marié.

  • WARZONE

En face de la Valley, la Warzone. Il s’agit toujours de la scène la plus cohérente du point de vue musical et du public. Il est aussi assez simple d’y circuler même aux heures de pointe parce qu’il n’y a pas de stands de nourriture et qu’elle n’offre presque aucun abri au soleil et à la pluie. Tu y viens donc pour écouter du punk, du hardcore et basta.

Il y a bien des trucs de metalcore un peu dégueu comme Crystal Lake dont on se demande s’il reste encore des morceaux entre les breaks mais tu peux savourer un bon groupe de NYHC bien tradi venu tout droit de Sydney : Speed. J’aime quand les musiciens sont heureux d’être là. Eh bien les gars de Speed, malgré les muscles, les tatouages et une angoisse à les croiser la nuit dans la ruelle, avaient le sourire jusqu’aux oreilles et étaient très très contents d’être là. Que d’énergie, de remerciements, de sourires et vas-y que chaque musicien prend le micro pour un titre. Une joie communicative, un hardcore traditionnaliste qui envoie le pâté de mémé et c’est plié-emballé, bravo ! Et ce n’est pas demain que je reverrai un chanteur de hardcore jouer de la flûte traversière. Il y avait d’autres groupes de cette veine que je n’ai pu voir mais il était évident qu’une fois tombée l’annonce des résultats des élections, un concert de Madball me tendait les bras sans pour autant dissiper toute la boule au ventre, notamment à cause de l’ambiance prison/mirador de la Warzone qui fait un peu froid dans le dos à ce moment. Mais bien tenté, merci les gars.

Toujours dans la tradition, c’est aussi la scène du punk et crust à l’ancienne avec Total Chaos qui a peiné à emballer malgré le magnifique nez en fraise du guitariste, digne de Bill Ward. Les papys de Cock Sparrer ont déroulé un set impeccable et rafraîchissant en clôture de festival sans jouer aux punks qu’ils ne sont plus. Ludwig Von 88 n’étant pas là cette année, c’est le 8°6 Crew qui a fait office de référence ska. De quoi trembler sur le papier mais on est là face à du vrai skin reggae tout à fait crédible et non pas à un dérivé de Marcel & son Orchestre. On a eu peur. Le skate était aussi là avec les Dead Krazukies pas passionnants et Suicidal Tendencies qui a souffert d’un son abominable et de gimmicks scéniques éculés. « You Can’t Bring Me Down » en ouverture systématique depuis que je les ai vus live pour la première fois en 1998, c’est déjà chiant, mais il est désormais rallongé à n’en plus finir. Gâchis. Désormais, le public est convié sur scène durant plus de la moitié du set et, comme ils sont nombreux, la probabilité que s’y glissent des débilos est très élevée. Relou. Seul le jeune Tye Trujillo, fils de, surnage dans ce cirque avec sa dégaine de Gaston Lagaffe super chill et détaché.

Enfin, sur la Warzone on peut aussi écouter des choses plus audacieuses. Show Me the Body, comment décrire ? Today is the Day me vient à l’esprit par l’aspect bruitiste et négatif de la chose mais dans une veine moins extrême. Trio basse/machine, batterie, banjo-disto, c’est une curiosité un brin hermétique et radicale mais qui mérite notre attention. Toujours dans le dur : High Vis. Post-punk avec un bon pied dans le béton hardcore, pas là pour rigoler. Un groupe qui sent la tôle, le chômage, l’alcool, le ciel gris, de ceux qui sont partis et de ceux qui restent, avec l’envie d’en découdre : « Are we still lucky to be here ? ». Une musique peu agressive mais offensive, poignante et sincère et le groupe sur lequel je me suis le plus penché au retour du festival. Plus léger, Dropout Kings est venu apporter un peu de rap-metal de fort belle facture puisque les sons trap se marient mieux que le boom-bap de la première génération dans ce mélange souvent de mauvais goût. Entertainment assuré. Pour finir : Drug Church. Tu es trop jeune pour avoir vu Snapcase, Fugazi et les Pixies ? Va donc voir Drug Church, condensé du meilleur des nineties. Énergique, mélodique mais avec le petit grain hardcore qui excitera le bourrin qui est en toi, c’est joie, bonheur et pogo.

  • ALTAR

Des légendes aux jeunes loups, il faut être à l’affût. Côté légendes du death à l’Altar, on a commencé fort avec Immolation. Le son ne rendait pas hommage aux riffs et ils auraient mérité de jouer sur un meilleur créneau mais le charisme, l’efficacité et l’expérience ont fait le boulot. Pour Dismember, c’est moi qui ai manqué de tonus et c’est bien dommage. Le son HM-2 était bien là, la puissance vocale aussi avec une forme de bonhommie bien réjouissante mais la journée de samedi a été éprouvante en raison de la pluie et j’ai dû prendre des mesures radicales pour ne pas mourir de froid et de fatigue, étalé sur le sol froid de la tente. Quoique, c’eut été une belle mort de METAL ! Un peu plus tôt, je devais assister à mon premier concert de Nile mais, patatras, Karlito est absent et le groupe a maintenu le concert malgré tout. Cela n’avait aucun sens si ce n’était l’honneur et le cachet, ce qui n’est pas négligeable. Nile à une guitare, cela ne fonctionne pas du tout donc je suis parti au bout de trois morceaux (pour voir Bungle, ce qui était plutôt une riche idée mais je m’y suis trempé, d’où le fail sur Dismember, d’où, bref). Niveau légende j’ai hésité à voir I Am Morbid mais force est de constater que le groupe vaut sans doute mieux que Morbid Angel à ce jour. Avec Sandoval à la batterie, c’est une garantie de légitimité et de tabassage de nuque. Les guitaristes mercenaires-larbins font très bien le taf, Vincent est aussi insupportable que génial et l’interprétation était impeccable, puissante, rapide. En revanche David, s’il-te-plait, les riffs sont très cool, pas la peine de les chantonner, merci. Une quarantaine d’années en dessous, les jeunes Danois de Nakkeknaekker (« casseurs de nuques » en VF) ont fait forte impression à 10h30. Ils ont déboulé remontés comme des pendules et démoulé un death metal gras et puissant comme on aime le faire là-bas. Maturité et charisme impressionnants dont on ne s’étonne qu’à moitié quand on connaît la Scandinavie. Une des pépites du fest, labellisé !

Sous l’Altar, on a aussi pas mal de deathcore/metalcore dégueulasse mais il reste quelques bouts de grind et de thrash. Sodom. Il faut aller les voir. Carré, puissant et sans aucune pause, la définition du thrash AOC intransigeant et sincère. Legion of the Damned apparaît « correct » en comparaison. C’est très pro mais le flow du thrash réside aussi dans un je-ne-sais-quoi qui ne s’invente pas.

Pour finir, le grind. Meilleure musique du monde, vous le savez. Alors, qu’on soit d’accord : le jeudi à 17h10, fin du concert de Wormrot, on sait déjà qu’on a assisté à l’un des meilleurs concerts du fest. Le batteur et le guitariste étaient accompagnés au chant par Gabriel Dubko mais surtout Weish, une chanteuse-performeuse singapourienne gravitant plutôt dans le monde de l’electro-loop. Son chant cristallin se mue en cris stridents qui, couplés aux montées de blasts et à l’énergie du riffing grind, m’ont collé des frissons comme un solo de Pharoah Sanders ou Eric Dolphy. C’était extraordinaire et j’espère un album avec ce line-up ! On ne peut pas dire que Brujeria procure les mêmes sensations mais c’était génial, évidemment. Ils étaient eux aussi accompagnés non pas d'une charismatique chanteuse arty mais du désormais défunt Ciriaco "Pinche Peach" Quezada, improbable mélange physique de Ronnie James Dio et Hector Salamanca qui grimace comme un De Funès chicano et dont on aurait bien vu le mugshot dans les FBI Most Wanted. Dément. Un peu moins dégénéré mais pas loin, Sanguisugabogg. Le goregrind n’est pas mon fort mais preuve en est qu’on peut le faire bien : pas d’esbrouffe ni de costume débile, que du groove pataud et de la joie communicative d’être là. Hop, une côte en vrac et un tour au merch ! Beaucoup moins bon, le deathgrind de Karras, conduit par le guitariste de Mass Hysteria. Gros riffing gras mais une voix aux fraises pour le style. En revanche, mes amis, en revanche, on se lève tous pour Blockheads. On connaît la musique, n’espère pas faire le plot au concert sinon ils viennent te chercher. Et ils l’ont fait. Sous le regard terrifié d’une jeune spectatrice du premier rang qui lui a servi d’appui (et qui était bien placée pour recevoir un ou deux résidus de crachats), Xav est venu prêcher la porte-parole sans geste barrière. « 33 ans de musique et d’amitié ». Il n’est pas expert en punchlines ni un grand orateur mais tu écoutes quand Xav te parle des fonderies de Lorraine qui produisaient l’acier, celui qui tranchait les chairs et dont il ne reste que friches, chômage et Front National. Tu écoutes quand il te parle du vrai prix du pétrole, celui des vies humaines. Tu lèves le poing et serre fort les dents quand tu le vois cracher ses tripes au milieu du circle pit. Surtout, tu dis merci.

  • TEMPLE

Allez, un peu de black metal sous la Temple, refuge du bon comme du pire. Mon black metal je l’aime rapide donc on démarre avec Imperial Crystalline Entombment. Tous vêtus de blanc et masqués, ils ne sont que des âmes mortes invoquées par l’anti-Dieu Råvaskieth qui s’exprime à travers elles. Bien entendu, il s’agit de types du Maryland qui s’amusent bien avec les codes du BM pour bâtir l’apocalypse glaciaire à base de riffs rapides bêtes comme chou mais qui tiennent bien la demi-heure assignée. Rigolo. D’autres ont un peu moins d’auto-dérision, à l’image de Houle qui ont fait un tabac avec leur black metal bretonneux, pour ceux qui aiment se scarifier avec un opercule de boîte à sardines. Dans le genre sérieux, mieux valait un petit pèlerinage devant Emperor qui n’en finit pas de faire fructifier l’héritage des deux premiers albums mais qui s’en soucie ? Ces titres composés alors par des gamins sont tellement riches qu’il est impossible de s’en lasser. La puissance du son live et le charisme d’Ihsahn finissent de convaincre qu’ils pourront tourner autant qu’ils le veulent, je repasserai. Encore plus violent, Anaal Nathrakh à 1h du matin est entré dans mon panthéon des concerts qui m’ont fait mal en fin de journée, aux côtés de Dead Congregation et Brutal Truth. C’était très bruyant, sans doute assez brouillon mais mes neurones ont de toute façon abdiqué. C’est peu mais c’est tout pour cette année ; j’imagine que l’ami Nicko a mieux travaillé de ce côté-là.

  • MAINSTAGES

Et les Mainstages alors ? L’installation est toujours très bonne. Les trois grands écrans permettent de suivre des concerts peinards, de loin, quand on veut se faire une petite pause, à supposer que ledit concert ne soit pas trop dégueulasse. J’ai donc apprécié le rock radio de Mammoth WVH (le fils Van Halen), le hard guitarisé d’Extreme (qu’on ne présente pas), Blues Pills (du blues par des Suédois donc bien fait) et me suis un peu foutu de la gueule de Tom Morello, Rhapsody et ai manqué Malmsteen, ce que je regrette parce que je me serais tout autant foutu de sa gueule mais en kiffant les morceaux. Le son des mainstages est de toute façon tellement fort que tu l’entends sur tout le site donc j’ai écouté Queens of the Stone Age allongé dans la Warzone. Malin ! J’ai aussi aperçu Mass Hysteria de loin qui a pris du galon et Metallica qui s’est bien fichu de nous en balançant sur les écrans géants des assemblages d’images avec des plans de la scène en version timbre-poste. Visibilité nulle depuis le fond du site + pluie + Dismember en même temps = ciao.

Megadeth a en revanche sorti un set tout à fait correct. Revenu d’entre les morts, Mustaine est limité vocalement mais le groupe le porte bien et ça fait plaisir de le voir vivant et de bonne humeur à nous balancer tube sur tube. Moins réjouissant, après mi-Pantera l’an dernier, on a eu mi-Slayer cette année avec Kerry King mais sans les morceaux de Slayer. Repentless était déjà une petite purge mais là il ne se passe rien dans le cœur et le corps. Allez, on se remotive avec deux bons petits concerts suivis en intégralité sous le soleil du dimanche matin, lorsque la zone est encore vide de public. Les immanquables High on Fire, à midi sous le cagnard, avec un volume motörheadien, c’était raccord même s’ils auraient pu les mettre plus haut sur l’affiche en Valley. Pas un grand fan du groupe mais c’est parfait en festival et Pike avait l’air de bonne humeur (et en bonne santé !). Un peu dans le même genre, les vétérans australiens de Cosmic Psychos ont déroulé du hard rock/punk de bar avec un guitariste qui semblait tomber du lit, au foie manifestement enflé et à la moustache jaunie par la clope. Des vrais, des purs, des Aussies, des légendes que Buzz Osborne et Eddie Vedder citent en référence.

Finissons sur Lofofora que je ne pouvais pas ne pas voir dans un tel contexte après vingt ans de coupure. Je me frottais bien les mains mais ils ont quand même réussi à me surprendre. Setlist lancée sur La Chute, « on est des anar islamo-gauchistes », l’ambiance est posée. Messages féministes (et de bon sens) sur les écrans, c’est cool mais ils ont une petite année de retard sur la polémique. Mais le pompon fut ce happening Femen salué comme l’on pouvait s’y attendre par le public du Hellfest : applaudissements discrets et premières huées au bout de quelques minutes. Lofo a bourriné (« le Hellfest, deuxième parking de France après Disneyland ») et glissé évidemment une référence aux élections (« le racisme n’est pas une opinion ») dans ce continuum féministe d’un groupe 100% masculin. Bien entendu, tout cela est très contre-productif, voire contradictoire. Se pointer à une fête pour insulter les mariés, ce n’est pas une grande idée, même s’ils sont très cons. Quitte à faire de la politique, pourquoi ne pas porter un message de colère constructif, simple et un peu pédagogique plutôt que d’évacuer le truc en une phrase sur le racisme alors que les Femen ont squatté la scène pendant plusieurs minutes. Au-delà de la question nationale, le Hellfest est aussi sous le feu de critiques liées à l’écologie, à la condamnation de Barbaud pour abus de confiance, aux entorses à la règlementation foncière, ce dont témoignent une récente enquête de Mediapart et de multiples stickers posés partout dans Clisson. Quitte à prendre un cachet et cracher dans la soupe, autant viser juste et non dans un des secteurs sur lequel le festival a fourni un véritable effort. Là où Mass Hysteria a lâchement expulsé la question politique de leur set en prônant la « joie comme vengeance » (mdr), Lofo a mis les pieds dans le plat mais pas dans le bon et ont fait le lit du rejet épidermique du combat féministe dont les Femen sont une branche nécessaire mais qui irritera plus qu’elle ne convaincra le quidam clissonnais. Se foutre de la gueule des festivaliers qui ont payé « 350 balles pour voir Shaka Ponk » ou qui « sont metalleux un week-end par an », cela m’a fait ricaner parce que je suis un nobody snob mais ce n’est pas très malin quand on a le micro en main sur la mainstage. Mon cœur n’était pas totalement à la fête et j’aurais aimé, quelque part dans ce week-end, des réactions radicales mais intelligentes de la part de ceux qui devraient incarner la contre-culture, une main tendue plutôt qu’un bras d’honneur. Dimanche soir, seul sur l’herbe à la Valley déjà désossée, ambiance crépusculaire. Chacun rentre chez soi. Les vraies portes de l’Enfer peuvent désormais s’ouvrir.

Mots clés : Hellfest, festival et concerts

Dernière mise à jour du document : jeudi 15 août 2024

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