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 - aux groupes / artistes Hexvessel, Blood Incantation, Khanate, Health, Xiu Xiu

Roadburn 2024

par Rastignac › lundi 29 avril 2024


Style(s) : ambient / electro / folk / gothique / hardcore / heavenly / hip-hop / indus / metal / metal extrême / musique électronique / noise / pop / progressif / punk / rock

Un Roadburn, c'est toujours particulier. Pourquoi ? Parce qu'il m'en faut peu pour être transporté et que les musiques mises en avant dans ce festival sont la plupart calibrées pour le Voyage, qu'il soit en enfer, dans le purgatoire ou dans des paradis artificiels créés par les ondes sonores que l'on qualifiera depuis notre cerveau d'australopithèque de "bonnes" ou "mauvaises". Mais il s'en est fallu de peu pour que je ne vienne pas, les aléas de la vie remettant en relief les possibilités et des limites qui seront quand même rencontrées lors de cette édition, après avoir quand même largement profité de ce festival tout confort.

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Après une parenthèse où les gens ne pouvaient pas vraiment sortir de chez eux, et encore moins faire des concerts, le Roadburn a repris son vol, avec des éditions qui ne cessent de changer dans les styles montrés mais avec toujours en tête l'objectif de proposer de l'underground, du "bizarre", du "cintré", du hors-norme, et quelques surprises que l'on ne peut voir que là-bas, ces fameux "one shot" qui m'ont permis de voir dans le passé Thorr's Hammer ou G.I.S.M. Plus de difficultés pour les groupes à tourner, plus de difficultés aussi pour juste organiser à l'avance un évènement de cette envergure : c'est pourquoi il nous fut proposé d'acheter les places "à l'aveugle", pour, si je ne me trompe pas, la première fois de son histoire. Une histoire tenue par le Grand Walter Roadburn dont le nom sera sans cesse répété par les groupes en hommage à l'homme qui est à l'origine du festival, et qui en est toujours le directeur artistique. Fini donc les "ctrl F5" pour choper les places qui partiront en deux minutes, le festival n'était pas sold-out malgré une bonne affluence... enfin, on verra l'année prochaine ce que ça donnera...

Quand j'ai vu les premiers noms puis l'affiche finale je me suis dit : "OK, maintenant t'es complètement à l'ouest, tu ne connais plus rien". On peut prendre ça de deux manières : ou mal, en se disant que c'était mieux avant, ou bien en se disant que c'était bien avant, lors de nos premiers festivals, premiers concerts minot, où l'on était en totale découverte de tout. J'ai donc employé la deuxième méthode, ça restait cohérent avec la note très positive, très inclusive de ce festival qui souhaite avant tout que tout le monde passe du bon temps. Et c'est pour cela que j'apprécie le Roadburn : plus que partout ailleurs, c'est un festival bienveillant, malgré les musiciens qui peuvent produire parfois de la musique extrêmement agressive... et comme je suis avec le temps une petite nature, ça me va. très. bien.

Voilà, deux sites en gros, le traditionnel 013 à l'acoustique parfaite, délesté maintenant de sa cave "merch" et de ses fumoirs où Al Cisneros bédave en boucle, et une sorte de hangar à l'acoustique... moins parfaite, le "Terminal", de l'autre côté du chemin de fer, avec toute la marchandise vendue par les groupes, et quelques labels comme Svart Records et leurs bacs à vinyle, CD, etc. Mais aussi des salles plus annexes, avec exposants, conférences, rencontres... plein de lieux pour chiller quand on s'ennuie ou qu'on est rincé. Tout est situé au coeur de la ville de Tilburg comme ça si vous en avez plein le dos de la bouffe de festoche, employez la cuisine locale (consistante et riche, c'est le moins qu'on puisse dire), et prenez le temps de humer l'ambiance très particulière de la société néerlandaise qui me parait à chaque fois plus étrange, plus mystérieuse et bizarroïde depuis mes yeux vieillissants de latin mal dégrossi. Une autre salle plus petite, un peu excentrée est aussi à l'affiche, le "Paradox", mais je ne vais pas y mettre les pieds, je peux seulement dire qu'il fallait s'y rendre bien en avance vu la petitesse de l'endroit. Et, enfin, en bonus, des concerts "secrets" que je n'ai pas eu non plus l'occasion de voir, dont un de Inter Arma reprenant du Neil Young pendant une heure (!) dans un endroit que tout le monde nommait le "skate park".

Après les quatre millions d'heures de route et les quinze boulevards périphériques de la mort que l'on a traversé en bagnole, on arrive à notre logis, qui ne pourra être sur Tilburg même, parce que c'est quasiment impossible d'y séjourner pendant le festival... il faut donc échouer dans les charmantes et uniformes et parfois un peu flippantes petites bourgades parfaites de la cambrousse voisine, Berkel-Enschot, Moergestel ou Oisterwijk. Une multitude de villages bungalows vous attendront au milieu des bois, avec les oies sauvages comme dans la chanson de Morbid Angel. Ou de Michel.

Et hop, on ne comprend rien au code de la route local, et c'est parti pour le Jour 1, la petite soirée "préchauffe" ayant été occultée par notre épuisement autoroutier.

J1 : petits fours and black flags

Alors, pour bien commencer un festival, rien de mieux que... le vernissage d'exposition, ici celles de Fortifem, David Fitt et Fedrik Vaessen, parce que le champagne c'est bon, surtout quand on regarde de jolies oeuvres accrochées aux murs, et que l'on commence la spirale infernale d'achats d'oeuvres sombres et/ou expérimentales. Premiers speech du Walter, petites conversations entre connaisseurs et on peut dorénavant enclencher notre première écoute, à savoir Hexvessel, un groupe que je vois pour la... je ne sais combientième fois et presque toujours ici à Tilburg. Mat McNerney va offrir ici un set bien plus goth ou black metal que ce que j'avais l'habitude de voir. Fini le néo-paganisme qui sent bon les veillées au coin du feu, bonjour les chauve-souris et les guitares beumeuh. Je n'accroche malheureusement pas, faute aussi à ce complexe détaché du 013 et qui consiste en un vieil hangar réhabilité, et qui va me faire profiter du son de la grosse caisse de chaque batterie de chaque groupe, et à peu près que ça depuis mes esgourdes fatigués. Le son étant bien plus propre dans la salle historique, je ne vous cache pas que je vais souvent délaisser ce lieu pour préférer l'autre, pourvu en plus de places assises qui ne seront pas un luxe.

Ici, au "Terminal", réside aussi le petit marché du collectionneur, pour acheter outils à enfoncer dans son fondement (Health), cassette VHS (Blood Incantation) ou sticker pour votre bagnole (un autre groupe). Même dans la musique la plus zarb possible vous trouverez donc une soif de marketing insoupçonnée, pouvant vous faire miroiter des coupe-vents avec jolis logos ou tout bêtement un patch, un t-shirt, un souvenir en forme de parfum, de disque, d'affiche, de box vinyle Neptunian Maximalism à 200 boules. (ou presque). Plein de petites choses pour se restaurer, etc. Enfin, on n'est jamais trop lâché tout seul, l'ombre du festival est là pour vous tenir éveillé afin de passer du bon temps.

Le premier bon moment se passera donc de l'autre côté, celui du 013, par delà le coffee shop, la voie ferrée, les cyclistes, les voitures, les gens, les patchés chevelus colorés. Avec The Infinity Ring, côté petite salle, que je vais bien apprécier, jouant néo folk empruntant souvent à ce qu'a fait Michael Gira dans sa période solo ou celle où il chantait super grave comme dans "The Burning World". Très entêtant, très hypnotique, très doux et très triste. Très bon ! Je me prends ensuite une rafale de sludge très très monolithique avec Body Void, sorte de frère jumeau de Primitive Man, massif et très lent et très long, sans aucun groove. Pour amateurs... Après une tentative d'écoute d'un Seán Mulrooney qui ne m'a pas paru super, euh... calé là devant moi, je me suis collé aux pieds d'Attila Csihar pour un set de son Void ov Voices. Des années après ma sieste rituelle du Brutal Assault, j'ai pu apprécier les yeux ouverts ces couches de voix, et surtout son jeu de scène si concentré, tout en restant bien planté sur son micro et sa machine. Affublé d'écrans en tissu portés comme des ailes, il nous projettera de jolis images d'insectes et acariens vus de près. Plus quelques références à Giger très belles. Très très trippant. A la fin du set mon voisin, hilare, me dit dans un anglais germanique "hé, regarde, il a un collier fait avec des dents". Mégafun je vous dis. Ensuite on retraverse pour aller au hangar voir White Ward, groupe de black metal venu miraculeusement d'Ukraine après nombreuses péripéties, et sans leur saxophoniste qui est tout simplement parti faire la guerre. C'était joué au cordeau. Sec, beau, ultra bien exécuté, intense, mélodieux, et joué par des mecs no look total, là juste pour poser la musique quasiment sans décorum. Ovation de la salle, on sort les petits drapeaux, voilà. Ensuite on rereretourne au 013, ce qui me fait dire que dans cette configuration, le Roadburn gagne en place mais aussi vous fait faire du sport. Je croiserai le Walter Roadburn quinze fois lors de ces promenades, ainsi que les membres des autres groupes qui se déplaçaient pour voir aussi la musique des autres, ambiance fête du village. Donc, Thantifaxath. Black metal très technique, thérémine inclus. Et un guitariste qui tient le groupe sur ses épaules grâce à sa passion des gammes rigolotes. Très prenant malgré un jeu de scène rachitique, une ambiance pas très... occulte, faute sans doute aussi à ces robes de bure qui à force, bon... Je finirai cette belle première journée pleine de découvertes avec le rap de Backxwash que j'écouterai d'une oreille, n'étant pas très adepte, surtout quand je ne comprend rien aux textes, et le noise rock sale de Eye Flys, et donc premier regret : celui d'avoir préféré rester assis à écouter du rap qui m'intéressait moyennement pour rater la majeure partie du concert bien à l'ancienne de ce groupe, de cette sorte de Unsane toute première période très très guitare, très cracra. Dehors, il faudra ensuite retrouver la voiture, se tromper mille fois sur mille rond points, et se faire klaxonner en toute amabilité pour s'écrouler comme un gromanche dans notre village au fond des bois.

J2 : Feel the Heat of the Night

J'ai déjà bien compris qu'il allait me falloir plus que jamais faire preuve d'humilité physique. Je me laisse donc tout doucement masser au début par du black metal très chouette, fruit de la collaboration entre Drowse et Ragana, un projet qui s'appelle "The Ash from Mount Saint Helens", excellentes atmosphères, musiciens polyvalents, tout roule malgré des réglages qui semblaient parfois couiller, mais ça donne envie d'écouter leurs musiques respectives. Je positive ensuite car malgré mon état de composition déjà avancé j'aurai toujours moins l'air fatigué que le sieur Vicotnik qui fera une apparition lors du deuxième set d'Hexvessel qui suivra, déclenchant folle rumeur de concert secret de son "Autre Groupe". Toujours aussi black metal les ex-vaisselles dans cette oeuvre de commande, toujours moins patchouli pataugas, le clou étant notre featuring norvégien se roulant par terre au ralenti de manière très théâtrale. Ce qui ne me fera pas rehausser mon intérêt pour la musique d'Hexvessel qui cette fois-ci, pour ce Roadburn, a un peu roulé sur une molle indifférence de ma part. Pour dire que je suis cuit, déjà, le set suivant, celui de Blood Incantation version Zeit de Tangerine Dream, je vais le passer aux trois-quart dans une sieste psychédélique toute nimbée de rouge d'une supernova sonore qui m'enveloppera tel un alien envoyé d'une autre galaxie dans un sarcophage cryogénique. Je commence à me demander alors si je ne préfère pas cette version du groupe à celle death metal... et j'enchainerai donc avec un autre everest et bijou de ce festival que fut le concert de Xiu Xiu, en duo, jouant un set spécial Roadburn. Je cite le groupe : “For thee superb Roadburn Festival, we will be playing bad dream, newly intense, experimental arrangements of Xiu Xiu songs. The set will include unreleased songs from our next record and exploded versions of deep cuts and smashy smashy bangers.” Voilà pourquoi je viens au Roadburn, encore, pourquoi je me délecte de ce festival, pour des concerts comme celui de Xiu Xiu ce soir là, concert funambule, virtuose, intense, beau, triste, poignant, sombre, sombre et sombre et chantant et musical et donc, unique. Venez au Roadburn. Je jette un oeil aux strobos de Health me confirmant très rapidement que leur musique n'est pas trop ma came malgré la ferveur populaire et le fait que Jamie Stewart nous ait annoncé juste avant "que c'était leur groupe préféré". La conclusion de cette sobre et belle journée se fera avec Tusmørke, groupe norvégien de folk prog psyché jam pieds nus et un peu monty pythonesque dans l'esprit, avec beaucoup d'humour tombant à plat comme seuls les scandinaves savent le produire en ricanant d'un oeil. Je pense que si on ne les avait pas débranché, ils nous auraient fait danser la gigue pendant une semaine non-stop...

J3 : No More Tears

J'en suis à ma troisième ou quatrième vie, le temps est toujours maussade, les oies sauvages croassent comme des chiens volants et je rejette un oeil de retour à Tilburg sur Knoll, jouant dans le noir complet, cris de chouette strident sur fond de gros blasts de batterie, lampes de chevet et guitares portalesque inclues, c'est intense et chouette, mais je n'entends encore que la grosse caisse. J'aime bien les percussions, attention, mais bon... sans transition, de l'autre côté du rail, on se fait servir le thé avant notre feuilleton par Annelies Monseré qui va nous jouer une musique d'une délicatesse et d'une... néérlanditude si extrême que j'avais l'impression d'être à la messe du dimanche. Très reposant après la démoniaquerie de Knoll, réaffirmant l'éclectisme total de ce festival montagnes russes. Je calcule ensuite la fin de mon périple : je donne tout sur la scène principale du 013 où je vais apprécier assis plusieurs groupes que j'attendais de pied ferme. En premier lieu, The Keening, groupe de la chanteuse de SubRosa, à peu près dans le même style, avec encore plus d'harmonies vocales, du violon et d'une tristesse qui confondue avec ma fatigue m'a fait couler un peu de sueur sur les joues, pfiou, coeur de rockeur, coeur d'artichaut ! Même effet avec Lankum, groupe de musique folk irlandaise, qui va nous jouer des standards revisités sauce drone de fou, et va également nous transporter dans un monde peut-être pas si éloigné de celui des "métalleux" ou des "weirdos" que le groupe semblait découvrir ici, comme quoi on peut se sentir éloigné de scènes sans se rendre compte d'une proximité cachée... Très beau concert, qui va me préparer mentalement à, à..., le groupe qui m'a fait me bouger vraiment vraiment : KHANATE. Interprétation parfaite, décrochage de la nuque à trois de tension, groupe au cordeau interprétant une musique qui me paraît irréelle tellement elle est lente, longue et en même temps sinueuse. Et j'ai encore mes oreilles, c'est fou. On finira sur les rotules avec Blood Incantation qui jouera là son set death metal, qui malheureusement m'atteindra moins que leur set électronique. La faute à Khanate juste avant qui m'a rempli l'esprit d'une surdose de larsens, riffs et métaux hurlés.

J4 : Crash Test Dummy

Alors. Ce dimanche là, j'avais prévu de voir The Jesus and Mary Chain, Neptunian Maximalism, Grails... Je n'aurai vu que Habitants, side-project du guitariste de The Gathering, très belle chanson batave avec de très belles guitares et chants, un très bon moment qui fut un peu gaché par un début de tangage physique qui a transformé petit à petit Tilburg, le festival, la salle et le monde en un gentil ferry Calais-Dover par gros temps, et m'a donc valu un rapatriement dans mon pieu au fond des bois. Bon, je pense que j'ai fait de mon mieux, j'ai bouffé des crèpes néérlandaises, bu de la gnôle du Haut-Brabant, humé des herbes médicinales locales, me suis gavé de musique onctueuse, j'ai rigolé comme un goret, j'ai passé du temps avec des gens que je n'avais pas vu depuis des lustres, j'ai vécu un si bon moment que ce n'est pas si cher payé. Et puis ça fait du bien de se balader, non ?

Et, donc ? Mmmh ?

J'avais reçu lors d'une nos petites émissions twitch un avis qui m'avait surpris : que le Roadburn était un festival de snobs, qui ne laissait pas de place pour tout le monde, enfin surtout aux gens qui ne se sentiraient "pas compétents". Je voudrais quand même redire que c'est exactement le contraire que cette fête vous propose : qui que vous soyez, quel que soit votre "parcours", il y en aura pour vous, il faut juste que vous appréciez quand même la musique... "forte", prenante, inspirante et les surprises, le son qui vous prend aux tripes, qui peut faire cogiter. Donc oui, ça peut être intense, c'est sûr, mais vous n'êtes jamais obligé de finir votre assiette et vous pouvez toujours allez vous balader dans les bois, regarder faire coin coin les canards locaux. Mais hein, on casse pas des omelettes sans manger des oeufs n'est-ce pas ? Donc, bon, hop hop hop, allez, venez au Roadburn ! Faites pas les timides.

Mots clés : roadburn et tilburg

Dernière mise à jour du document : jeudi 12 septembre 2024

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