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Clark Ashton Smith - Zothique

par Rastignac › lundi 1 juillet 2024


Style(s) : ambient / gothique / metal extrême / dark ambient / black metal

Y en a marre de la musique, on va écouter de la littérature maintenant. Et y en a marre de Lovecraft, on veut son pote Clark Ashton Smith !

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Clark Ashton Smith fut un drôle de zig. Cherchant à s'échapper du réel comme Clint Eastwood d'Alcatraz, il prit sa petite cuillère et creusa, jusqu'à révéler quatre mondes imaginaires : Hyperborea et Poseidonis venus d'un lointain passé, Averoigne sorti de par chez moi lors d'un Moyen-Âge recréé, et Zothique, écho du zutique rimbaldien, des millions d'années dans le futur, sur une planète, la notre, où la mort et la vie ne font plus qu'un, et où les arts et techniques ne servent plus qu'à satisfaire des désirs mortifères et scabreux.

Poussiéreux, crade, schlingos, gore, ça pue la cave, ça pue le cadavre, ça sent le cimetière et les mites et les puces de lit : bienvenue dans les ruines de l'esprit malade d'un auteur qui, à mon humble avis, est le véritable sein auquel ont tété tous les graphistes, développeurs, créateurs de jeux vidéo de dark fantasy, et de multiples auteurs de romans pestilentiels ou de réalisateurs de films fantomatiques.

Son style est souvent proche du gothique à la Poe, souvent proche du conte à la "Mille et une nuits" et toujours oppressant, triste, peu de "happy end" à l'horizon ou alord bien cruelle ou sanglante, les repères se brouillent mais au quotidien, mégagutsien, mégaglauque. Contrairement à son ami Lovecraft où il y a toujours un point de non-retour, Smith nous montre à quel point on peut vivre dans "l'abomination" au jour le jour, en faire même sa passion, son hobby, son métier (sorcier, nécromancien, astrologue...), utiliser les cadavres comme des employés esclaves tel un capitaliste démoniste assoiffé de pouvoir, se repaitre en toute tranquillité de la chair et du désir d'autrui sans aucune forme de procès !

Et comment ne pas retrouver comme un reflet de la vie dans ces pages teintées de morve et de sang, puant la mort et les larmes amères, alors que je laisse passer mon regard sur cette atmosphère mortifère qui nous suit depuis tellement d'années, comme si de rien n'était, comme si tout était normal, comme si le cours de l'existence était donné depuis la naissance, comme si tout tombait sous le joug d'une logique pure et parfaite alors que l'absurde, l'ultra violence, la mort, la décrépitude et la maladie sont bels et bien notre quotidien, sans avoir non plus à s'en attrister vu que cela fait partie de la réalité tout court, celle qui s'échappe, un des multiples prismes de ce vitrail infini...

Smith nous montre donc l'ombre de cette peinture changeante, nous pointant toutes les petites odeurs qu'on essaye d'éviter, toutes les malfaisances dont on se fait un credo de combattre avant le trépas pour ne pas avoir à se dire : "pfff, à quoi bon ?".

Voilà en quoi cette œuvre misanthrope, suicidaire, têtue est quasiment parfaite pour tout lecteur gutsien : il nous montre, obstiné, que la banalité de l'abject est possible, même s'il faut pour cela passer par le merveilleux et le fantastique total pour nous le faire comprendre. Le chef d'œuvre d'un misanthrope breveté, rempli à la gueule de désespoir. A ouvrir donc avec précaution, et à consommer en connaissance de cause, mais on va dire que si vous bouffez du black metal et du gothique au petit déjeuner, vous serez au contraire réconforté de retrouver un autre cousin, une ambiance déglinguée dans laquelle se lover, enfin rempli d'une empathie malade avec cet homme du XXe siècle mort il y a déjà bien longtemps...

Mots clés : tentaculaire, éclat lugubre, cyclopéen, infernale acmé, sombre magie, surgi des enfers, ichor, images vaporeuses, fantasmagorie tourbillonnante, eros et thanathos

Dernière mise à jour du document : lundi 1 juillet 2024

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