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 - aux groupes / artistes Gabriel Faure (1845-1924), Joseph Nicolas Pancrace Royer

Cent vingt journées, de Jérôme Noirez

par Saïmone › mardi 2 octobre 2012


Style(s) : ovni inclassable

Huit enfants (sept plus un) sont enlevé, puis séquestré, enfin, pas tout à fait ; sont prisonniers dans une sorte de dortoir non-euclidien duquel il est impossible de s'échapper. Ils y resteront 120 jours, accompagné d'un pédophile sous camisole chimique, d'une mère infanticide, d'un proviseur et d'une mystérieuse femme.

Tout les 10 jours, un conteur a pour mission de séduire les oreilles des enfants et des adultes avec des histoires qui hésitent entre le grotesque, le loufoque, l'horrible, le malsain. Nous suivrons ainsi, jours après jours, le déroulement de la vie à Silling - ville dortoir ? - et chez Mr Duclos, le conteur, qui vit avec sa fille Ninon.

Comment vous parler de ce livre ? Le titre, quoique trompeur, vous donne déjà un indice : il va y avoir du cru, du crade, du cradingue et de la crasse. Mais comme il est trompeur, il ne le sera pas totalement, crade, cradingue, cru ou crasseux. Ni où on le pense. 120 journées n'est pas Sadien, ou alors chez Princesse Sarah. Il est horrible parce qu'il est indicible. Il est horrible parce qu'il est touchant.

Les contes de Duclos sont étrange, oppressant, fantastique. Ils invoquent le bestiaire Noirezien (des filles dans des escargots, des princes-zombies, des fées, une descente aux enfers, la combustion de tonton...) ; on se figure d'ailleurs tout à fait Jérôme Noirez comme étant Duclos, avec sa crapote qu'il aime tant. Ces incursions imaginaires, malgré leur degré de toxicité, sont des bouffées d'oxygène dans le monde claquemuré de Silling.

120 journées, qui se déroulent dans l'ennui, dans la peur, dans l'amusement. Les enfants, séquestrés et paradoxalement libre dans cet espace confiné, sont à l'aube de l’adolescence, ou de l'adultisme, on ne sait plus trop. Parfois, leurs mains deviennent des mimines, avant de devenir paluches ; les pieds sont petons, aussi. Ici, rien n'est évident, les droites se courbent, les issues se bouchent. Les lunettes sont floues, les odeurs tenaces.

Comment vous parler de ce livre ? S'il évoque des références, elles sont vaines, car elles n'ont d'autres attributs que la Noirezerie : grotesque, baroque, lancinante ; le langage est un piège, que Noirez truffe. Et si l'horreur s'écartait du réel, si elle était pire quand elle n'était pas dite ? Et si la souffrance des mots dépasse celle du corps ? Dans quelle mesure la peur et son équivoque terrassent-ils les coups ? Les promesses de punitions contre la punition elle-même.

Le meilleur livre de l'année

(chez Calmann Lévy)

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Dernière mise à jour du document : mercredi 3 octobre 2012

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