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STILLE VOLK

par Iormungand Thrazar › dimanche 4 mars 2007

Groupe important de la scène française, Stille Volk se fait silencieux depuis "Maudat". Nous avonc décidé de donner la parole à Patrice Roques dans une entrevue à la fois rétrospective et tournée vers l'avenir du groupe.

1. Patrice, Stille Volk a aujourd'hui une bonne dizaine d'années je crois, probablement douze même. Tu pourrais me dire quel était le but en créant ce groupe au commencement, et à traiter les thèmes qui sont chers à Stille Volk: les traditions, les coutumes, l'histoire de ta région: les Pyrénées. Qu'est ce qui a déclenché cet intérêt chez toi?

Stille Volk est né en 1994, donc cela va faire 13 ans cet été. A ce moment là, cela faisait déjà 10 ans que je jouais du métal et donc j’avais envie de faire un autre type de musique. Depuis tout jeune, j’étais un grand fan de musique celtique en général (irlandaise et bretonne tout particulièrement) et de sonorités médiévalisantes que j’avais pu entendre dans des BO de films ou chez des artistes comme Angelo Branduardi.

La formation de Stille Volk est avant tout le fruit d’une rencontre avec les musiciens de Susscrofa avec qui, avec mon groupe Eviternity, nous avions fait un concert. Ceux-ci sont parmi les instigateurs du courant Pagan (d’après mes souvenirs, je n’ai pas de souvenirs justement, de groupes qui, avant 1991, avaient utilisé ce terme : ils sont peut être les premiers à avoir utilisé cette appellation ; et si je me trompe, d’aucuns seront capables d’infirmer ou de confirmer mes dires !!!). Lors de ce concert, nous nous sommes rendus compte que nous avions les mêmes objectifs, que ce soient musicaux ou conceptuels. Nous avons donc décidé de monter un groupe à ce moment là. De suite, nous avons de même décidé que notre effort se concentrerait sur des instruments authentiques et non sur de simples synthétiseurs. Par contre, par rapport à ta question, nous étions plus portés sur l’approche mythologique de notre région que sur l’évocation de coutumes ou traditions. Ce n’était pas notre objectif et cela ne nous intéressait pas. Nous ne nous référons absolument pas au réel mais à ce tout ce qui touche l’imaginaire. Donc, nous n’évoquions en aucune manière une approche passéiste, ce que beaucoup n’ont pas compris. Nous ne sommes pas un groupe qui se veut revendicatif au point de vue régionaliste.

2- J'ai récemment trouvé avec bonheur la première demo de Stille Volk, "Odes aux lointains souverains". J'ai donc remonté un peu le temps puisque je ne l'avais jamais entendu. On y retrouve des titres qui figureront par la suite sur le premier album du groupe, "Hantaoma". J'y ai découvert un enregistrement authentique, qui dispose d'un son très correct, un très bon premier enregistrement en fait. J'aimerais avoir tes impressions et tes sentiments sur ces débuts de l'histoire du groupe, ton enthousiasme, tes espoirs. J'aimerais également savoir douze ans après son enregistrement quel regard tu portes sur cette demo? Avec la qualité de celle-ci, je ne comprends pas pourquoi elle ne fait pas l'objet d'une réédition, elle le mérite amplement, et je suis certain que les fans de Stille Volk en seraient ravis. Dis moi pourquoi ça ne se fait pas diantre?

En fait « Ode… » est notre deuxième démo. La première était particulièrement horrible (14 morceaux enregistrés en 2 jours) (NDLR : il faudra quand même que tu me files ça tu sais). Nous avons donc cessé de la distribuer très rapidement et avons décidé d’enregistrer une 2ème démo plus finalisée. Il est évident que ce qui me gène le plus aujourd’hui est le son des synthés. Nous n’avions pas à l’époque assez d’instruments et avons donc du utiliser ce sombre palliatif. Aujourd’hui si nous refaisions ces mêmes morceaux avec des vrais instruments, je pense que l’ensemble sonnerait autrement. Après, il y a des erreurs d’interprétation assez fabuleuses dans leur médiocrité. L’enregistrement s’est fait sur un 4 pistes, donc le son est assez rustique.



Cependant je garde un souvenir ému de cette démo car c’est elle qui nous a fait connaître (dans un milieu restreint certes !!) : nous avons du en vendre 800 assez rapidement. C’est à ce moment là qu’un certain nombre de labels se sont montrés intéressés : Solistitium, Cold Meat Industry et d’autres que j’ai oubliés puis la compétition finale entre Holy Records et Misanthropy Records avec qui nous étions prêts à signer.

Cette démo devait être rééditée il y a deux ans au moment où Holy voulait rééditer Hantaoma qui était épuisé : elle aurait du figurer en bonus au même titres que 3 morceaux video live enregistrés en 2000. Le problème est lié à une histoire de droits sordides qui fait qu’on ne peut plus utiliser les morceaux sans payer très cher. Le pire c’est que cela s’est joué à tout juste une semaine. Nous avons fait l’erreur de ne pas préciser les crédits sur chaque chanson, ce qui nous aurait permis de récupérer certains titres…

3. Suite à cette demo, le groupe signe chez Holy Records. Je sais que tu jouais à l'époque dans un groupe de metal du nom de Eviternity, mais Stille Volk pratiquant une musique folklorique et traditionnelle pure, l'intérêt de la part d'un label de metal à dû t'étonner non? En tout cas, c'est un beau risque qu'a pris le label, mais au final, il s'avère être une décision judicieuse qui nous a permis de découvrir ton superbe groupe.

A vrai dire je pense que les labels Metal ont commencé à trouver un intérêt à ce type de musique du fait que quand nous avons commencé, au même moment se sont développés en Norvège des groupes comme Storm, Ulver ( leur 2ème fantastique album entièrement acoustique), Wongraven, Isengard, le premier Satyricon… Le public Black a commencé à se montrer intéressé à tout un ensemble de références comme l’acoustique, la mythologie ( même si elle était déjà présente auparavant avec notamment Bathory), des morceaux traditionnels et je pense qu’on a été assimilé à cette scène. Il est évident que Stille Volk, 5 ans plus tôt, n’aurait intéressé personne. Sans connaître ces groupes au départ, nous avons donc profité (et peut être même participé) de l’engouement d’une certaine partie de la scène black à une musique plus acoustique. On nous avait même proposé la 1ère partie de Cradle of Filth à Paris en 1996 ou 1997, je ne sais plus…

4. Premier album chez Holy Records donc avec Hantaoma en 1997. C'est le premier album du groupe que j'ai écouté, sur un sampler de metal bien entendu et j'étais assez étonné d'apprécier finalement, moi qui n'y connaissait rien dans le genre. Hantaoma est un bon premier disque, avec ces quelques passages naïfs et innocents qui lui confèrent un charme spécial, une belle introduction à l'univers de Stille Volk. Un disque presque champêtre, presque festif par moment, simple mais efficace. Quelle est ton opinion sur celui-ci aujourd'hui? Si on te proposait de le réenregistrer aujourd'hui, quelles erreurs potentielles ne commettrais-tu pas une seconde fois? De quelle manière tu le ferais évoluer? Renseigne les lecteurs sur la signification du titre "Hantaoma". J'ai toujours l'affiche que tu m'avais envoyée de l'image utilisée à l'intérieur du digipack, où l'on voit le trio qui revêt avec des masques étranges, que représentent-ils et quelle idée vouliez-vous faire passer? Il me semble que Hantaoma est épuisé aujourd'hui, une réédition est-elle prévue?

On n’a pas besoin d’apprécier un disque en connaissant je ne sais quels codes absurdes : on est touché par une musique ou pas, tu l’as été et j’en suis ravi. J’ai l’impression avec le recul que l’époque de cet enregistrement représente quelque chose que nous ne retrouverons plus jamais ! L’enregistrement d’un 1er album pour un label ma foi important dans le milieu métal ; l’enregistrement dans un cadre idyllique au milieu d’une forêt en montagne ; un ingénieur du son parfaitement impliqué dans l’enregistrement qui ne bossait pas pour les thunes et qui en pleine nuit déroulait des câbles d’une trentaine de mètres pour que nous puissions enregistrer les cris de Mère Nature en pleine copulation tellurique; le neige le matin quand on se levait pour partir, non pas seulement enregistrer un disque, mais véritablement participer à la mise en œuvre de chants comme si nous avions été possédés par les esprits du lieu ( esprits des bois êtes vous là ), comme si nous avions été les réceptacles de ce qui existait autour de nous pour lui donner une forme humaine; des morceaux improvisés sans de satanés métronomes ou boîtes à rythmes ; une osmose totale entre nos êtres et tout ce qui nous entourait. Avec le recul je ne changerais absolument rien si ce n’est un ou deux morceaux que nous avions voulu différents des versions démos et que nous avons quelque peu dénaturé ( je pense notamment à « Ode aux lointains souverains et « Keridwen » qui est devenu « Hantaoma » que nous avons quelque peu gâché). Mais des morceaux comme « Esprits des bois » et surtout « La chasse au cerf » ont été pleinement recomposés et je n’y changerais absolument rien.



Le fait de porter des masques renvoie exactement à ce que je viens de dire : ils signifient en quelque sorte une sorte de métamorphose en ces esprits évoqués plus haut, une consubstantiation entre ces Hantaoma et nous-mêmes comme si nous donnions formes humaines à ces entités invisibles. C’était une personnalisation de ces « Hantaomas » ces fantômes, ces esprits de la nature… C’est pour cela que j’ai été fortement exaspéré par un certain nombre de personnes qui semblaient ne rien avoir compris au concept derrière le groupe. Rien ne m’énervait autant que d’entendre dire qu’on jouait une musique marrante, nous avons été assimilés aux bons paysans du Sud Ouest. On nous ressort encore le coup des espadrilles, des bérets ( encore pour les chroniques pour la sortie de « Malombra » du groupe Hantaoma) ! Qu’on puisse ne pas aimer notre musique, c’est entièrement normal et je ne vais jamais m’en prendre à quelqu’un qui n’aime pas à partir du moment où il ne dénature pas ce qui est derrière : on jouait une musique que l’on avait qualifié de « païenne » car notre concept obéissait à une thématique empreinte de toute cette mythologie d’esprit invisibles, de discours mythologiques liés à une certaine conception de la Nature.

5. 1998 voit la parution du second album de Stille Volk, "Ex-uvies". Bizarrement, c'est l'album qui ressemble le moins à du Stille Volk et c'est peut-être celui que j'écoute le plus aujourd'hui. Il faut dire qu'il m'a fallu un temps fou pour l'assimiler, mais je dois dire que c'est une oeuvre magnifique qui mélange folk et metal d'une manière peu conventionnelle mais tout à fait réussie et enchanteresse. Pourquoi un tel album dans la discographie de Stille Volk? Qu'a pensé l'équipe de Holy records en écoutant ce disque, eux qui s'attendait peut-être à un disque de Stille Volk plus traditionnel, en tout cas dans la lignée du précédent? Je vais devoir à nouveau te demander la signification du titre de l'oeuvre et aussi te demander pourquoi "Ex-uvies" est le seul album de Stille Volk dont les paroles n'ont pas été dévoilées? Quel est le concept de cet album très spécial?

Tout d’abord l’approche particulière de ce disque est partie d’un constat dont j’ai déjà parlé à savoir une réaction contre ceux qui nous prenaient pour les petits gars du Sud Ouest avec une musique marrante. Nous avons décidé de composer dans un registre différent axé sur d’autres sonorités beaucoup plus sombres. Je pense que nous avons été peut être un peu loin, en tous cas c’est ce que beaucoup d’auditeurs ont pensé ! C’est aussi du au fait qu’il manque beaucoup d’éléments folk à cause d’un manque de temps en studio. Dans mon esprit le disque aurait du avoir une orientation plus traditionnelle. Notre but était de faire surgir des morceaux une fulgurance d’images et de rapprochements incongrus et de sons « surnaturels », hypnotiques comme dans une transe rituelle. Les rapprochements entre des symboles sans rapport apparent provoquent le plus souvent des fulgurances imaginaires très fortes laissant ainsi entrevoir des univers différents. C’est pour cela que nous avons choisi de ne pas inscrire les paroles. Il y a quelques phrases mais tout doit venir de l’écoute.

Le concept d’Exuvie se rapproche donc d’une démarche surréaliste et intuitionniste du paganisme. La Lune anthropomorphisée accouche d’une entité qui se retrouve errant au milieu d’un monde de chimères, entourée d’Elementals réels et fantasmatiques. Le concept rapporte ses états d’âme, ses peurs, ses délires. « Exuvie » signifie dans la langage courant la mue du serpent, comme une métamorphose totale à l’image de notre musique : pour l’entité, il s’agit du moment où elle se détache de son enveloppe corporelle pour se retrouver à l’état de conscience éthérée et évanescente.

Holy a été très surpris par cet album voire troublé. En effet, ils s’attendaient à un disque plus classique, dans la lignée du précédent. Je sais, après en avoir parlé, qu’ils l’adorent mais qu’ils ont eu beaucoup de mal à le promouvoir ce qui est logique. Je l’adore toujours même s’il y a des passages (notamment les passages ambient) que je trouve très chiants !!

6. Un petit aparté concernant les concerts de Stille Volk. Il y a quelques années, Stille Volk animait musicalement les soirées d'un restaurant il me semble. Peux-tu nous décrire comment ça se passait, et comment cette proposition est née? Stille Volk se produit rarement en concert si je ne m'abuse, peux-tu nous en donner les raisons? Un concert de Stille Volk, ça ressemble à quoi finalement? Il me semble que le dernier concert du groupe a eu lieu en 2006 en ouverture de Q-ntal, tu en gardes un bon souvenir?

En fait nous avons joué deux fois en animation dans un restaurant. La première fois s’était excessivement bien passée dans une auberge qui était tenue par un ami. Il nous avait donc proposé de faire une soirée avec un repas. Il avait prévu une cinquantaine de repas et on s’est retrouvé avec plus d’une centaine de convives ! L’ambiance était vraiment fabuleuse. Les gens chantaient tout en festoyant allègrement. On se levait entre les morceaux pour rendre moult hommage à Bacchus…. Cela devait se répéter mais l’auberge a fermée.

La deuxième fois était sur le même principe dans un restaurant aménagé dans un château. Cela s’est très mal passé étant donné qu’avec le patron nous n’avions pas la même conception d’un repas médiéval! Il nous a traité comme de la merde, il a eu peur dès que les gens se levaient sur les tables et le malaise s’est vu amplifié tout le long de la soirée. Cela s’est fini où il a pris une claque mal placée par un des convives, a menacé d’appeler la gendarmerie donc on s’est fait virer. Il s’est rajouté à cela des abrutis qui faisaient aussi partie du public… On va peut être rejouer après la sortie du nouvel album dans un restaurant situé dans la cité médiévale de Cordes avec un patron qui sera au courant des barbares velus qui feront partie de la soirée et je pense que cela se passera très bien.

La 1ère partie de Qntal en Espagne était en 2005. Notre dernier concert a eu lieu en 2006, toujours en Espagne, mais à Barcelone dans un festival appelé « Ethereal Fest ». Concernant le concert avec Qntal, on a eu un son de merde du fait de l’incompétence de l’ingénieur du son. Par contre les conditions du dernier concert étaient vraiment idéales : super accueil, bon son, très bonne organisation.

7. En 2001, le troisième disque de Stille Volk paraît, Le satyre cornu. Le percussioniste du groupe Yan Arexis ne fait alors plus partie du groupe, pourquoi? On y découvre un Stille Volk plus dense que sur Hantaoma, avec beaucoup plus de pistes simultanées, une musique plus riche avec des instruments encore plus nombreux. Est-ce ta curiosité et ta meilleure maîtrise avec le temps des instruments dits rares que vous utilisez qui a motivé ce développement? Décris-nous le concept de cette oeuvre?

En effet Yan Arexis a décidé de quitter le groupe après la sortie d’Exuvie. Il était beaucoup plus dans la musique concrète, minimaliste et c’est à lui qu’on doit notamment les plages ambient d’Exuvie. De toutes manières n’étant pas entièrement satisfait moi-même de l’orientation prise par Exuvie, s’il n’était pas parti, je pense que cela aurait été moi.



L’orientation prise par le Satyre» est quelque chose d’inconscient. On s’est peut être dit avec Patrick qu’il fallait que l’on rattrape le temps un peu perdu et donc qu’on se mette à fond sur une orientation médiévalisante. Il est vrai aussi qu’entre temps, nous avions de nouveaux instruments comme la vielle à roue, le bouzouki qui sont devenus pratiquement les instruments de base du groupe notamment en concert. Le concept renvoie à un des archétypes de la mythologie à savoir Pan, et j’ai développé toute une histoire dessus.

J’ai « revisité » la substantifique moelle de cet archétype pour placer le symbolisme de sa figure dans une sorte de personnification d’une nature en mouvement. Pan ou les forces qui régissent cette matière vivante. " Le satyre cornu" obéit à un concept bien particulier qui se déroule à la manière d'une pièce de théâtre. Il s'agit d'un diptyque qui alterne entre une vision idéalisée de la nature - celle des troubadours - (les poètes occitans des 12ème et 13èmes siècles qui ont mis en place en quelque sorte la littérature courtoise) et une vision plus métaphorique et nettement plus obscure. J’ai choisi d'évoquer Pan, non en tant que dieu grec, mais en tant que force qui agit aussi bien sur les roches, que sur les arbres ou que sur les hommes. Il ne s'agit donc pas d'un pseudo culte rendu à un pseudo dieu mais d'un archétype auquel nous avons figuré des métaphores humaines ; "oeil à la leur de pierre…l'eau qui hurle, la neige qui saigne..". PAN, c’est la force qui dépasse les hommes et qui pèse d’un poids égal sur les pierres, les végétaux et les êtres vivants : une même vie se trouve donc à l’œuvre sur terre. La Nature est un réservoir de forces ni bonnes ni mauvaises: une même vie est immanente dans l’univers, seul change son rythme (lent pour les pierres, plus rapide chez les êtres vivants). Tout est vivant, la terre n’est pas une matière inerte. Or la Nature veut désormais se venger car elle a cessé d’être la mère qui recevait les hommes en son sein. PAN, c'est ces forces qui dépassent l’homme et qui font naître le sentiment d’angoisse, de PANique: il est irrité des empiétements incessants de l’homme sur son domaine. Il les punit pour les souffrances infligées à la terre vivante, c’est la montée de l’angoisse, de la terreur par les éléments, l’eau, le vent, la terre et le feu. Quant à la vision des troubadours, dont nous avons respecté les textes originaux, il s'agit d'une vision nettement plus idéalisée d'une nature enchanteresse. Le CD débute par un prologue et par une invocation au Satyre cornu qui nous amène dans un monde enchanteur pour nous faire parvenir dans un univers des plus austères et des plus satirisés. Je suis donc parti d’un postulat très simple: comment évoquer la nature par des éléments descriptifs humains. J’essayais d’imaginer comment on pouvait caractériser le mouvement de cette nature en employant des qualificatifs humains pour essayer de personnaliser cette matière vivante. Comme si l’on pouvait se la représenter presque physiquement; d’où l’emploi permanent de métaphores. Pan dépasse donc la simple divinité pour devenir le grand Tout qui maîtrise toutes les forces de la nature.

8. Deux années plus tard parait le quatrième album du groupe ,"Maudat". On retrouve cette fois une alchimie réussie entre le côté rigoureux,dense et opulent du Satyre cornu et le côté plus aéré et simple de Hantaoma, bien sur tout en continuant à développer les nombreuses pistes utilisées sur le Satyre mais de manière moins condensée à mes yeux. Es-tu d'accord avec mon impression? Présente-nous le thème de l'album.

Je suis entièrement d’accord avec toi, mon brave. Il est vrai que certains passages du satyre nous avaient paru quelque peu chargés. On a donc choisi d’aérer le tout. Au lieu de placer 10 instruments en même temps comme on en avait souvent l’habitude, pour cet album, tous les instruments sont présents mais ils interviennent à des moments précis relançant ou apaisant les morceaux. Contrairement au satyre qui était relativement brut, dans ce disque on trouve des morceaux plus aérés, plus émotionnels. Il y figure de même un morceau du 12ème siècle d’un troubadour célèbre et 2 morceaux que nous reprenons traditionnellement en concert dont les paroles rentraient parfaitement dans le concept et qui gaillardisent le tout : ce disque offre donc toute une palette de sons, d’ambiances différentes, moyenâgeuses, plus torturées au niveau des structures tout en restant, bien entendu, de la pure musique néo trad celtico médiévale.

Ce disque est encore ce que l’on pourrait appeler un disque concept. Nous sommes partis d’une réalité qui est la présence de la sorcellerie dans nos campagnes et ce, depuis la nuit des temps. Il va sans dire que toute connotation religieuse ou satanique est absente de ce disque étant donné qu’elle est de même absente des discours sorcellaires traditionnels, hormis durant la période des chasses aux sorcières à l’époque Moderne, époque au cours de laquelle les théologiens démonologues et autres ont fait de la sorcellerie une hérésie satanique. Ils ont diabolisé la sorcellerie afin d’avoir un cadre juridique pour mieux la combattre. Donc, pour reprendre notre sorcière, c’est donc une conception du monde qui détermine son existence. Dans nos sociétés actuelles et anciennes pour croire à la sorcellerie, il faut croire à une certaine représentation du monde habitée par des forces qui sont censées pouvoir être influées par des comportements ou des rites. Dans notre région, tous les pouvoirs sorcellaires qui faisaient bien sûr peur aux populations étaient désignés par « Maudat » c’est à dire le mal donné à savoir le sort, le maléfice, le mauvais oeil. Dés qu’une chose étrange arrivait dans le quotidien, dés que des malheurs se répétaient, on pensait être victime d’une sorcière qui nous avait donné ce mal. Je suis donc parti de cet état de fait pour développer un certain nombre de phantasmes propres à mon imaginaire en m’influençant d’éléments de notre mythologie (meneuse d’ours, armière) ainsi que d’autres traditions. Cette sorcière vit et existe dans la réalité comme dans un monde mythifié, magique, tellurique. Cette femme est née des éléments. Elle devient sorcière car elle connaît les élémentaux et les secrets dévoilés par la transe. Grâce à elle, elle voyage et pénètre les mythes fondateurs qui sont présents dans les royaumes visités par ce voyage extatique. Elle fait elle-même osmose avec les personnages mythiques qu’elle rencontre. Tous ces voyages lui confèrent une puissance particulière qui fait qu’une fois dans la sphère réelle, elle utilise tous les pouvoirs qu’elle a acquis lors de ces transes. Elle dispose des pouvoirs de la lune, de la terre, se complaît dans des orgasmes telluriques etc.

9. En 2005, le premier album d'Hantaoma intitulé "Malombra" voit le jour. Il s'agit d'un de tes projets qui mélange la musique folklorique de Stille Volk beaucoup plus simplifiée et un heavy metal efficace. Pourquoi avoir fait ce disque? Tu avais envie de retrouver la guitare électrique? Explique nous également deux choses: le nom du groupe (qui reprend le titre du premier album de SV) et aussi le choix d'incorporer uniquement des textes écrits en occitan? Y aura t-il une suite à cet album?

J’avis commencé à y penser et à mettre des morceaux en boîte il y a déjà plus de 10 ans. Et donc en 2004, on a eu envie de refaire du metal et on s’est dit qu’on pouvait remonter le projet vu qu’on avait du temps devant nous. Le nom du groupe renvoie effectivement au 1er album de Stille Volk car pour moi il représente bien le concept des paroles, il permet aussi une sorte de filiation naturelle avec Stille Volk pour lequel il pourrait apparaître comme le pendant métalliste. Susscrofa déjà en 1991-92 chantait en occitan et c’est vrai qu’avec Stille Volk on avait toujours utilisé des textes en occitan et on s’est dit qu’avec Hantaoma on pourrait faire un disque entièrement dans cette langue. Le fil conducteur est toujours lié à une certaine cosmologie particulière mais les thèmes sont assez variés. La plus grande partie des textes est issue de morceaux traditionnels. Nous avons choisi de faire revivre des vieux chants issus de notre répertoire occitan pour en quelque sorte leur rendre un certain hommage et pour certains les exhumer de l’oubli. Les thèmes sont divers et évoquent la plupart du temps des vieilles complaintes, des recettes de sorcellerie, des transfigurations de la vie quotidienne.... Beaucoup de ces paroles sont inédites et n’ont même jamais été adaptées en musique car retrouvées dans des vieux livres où elles sont le récit d’anecdotes liées aux croyances superstitieuses du peuple à l’époque. Il y aura bien sûr une suite à ce disque mais pas dans l’immédiat.

10. Une question me turlupine. Tu n'as jamais eu le désir, le souhait de voir les albums de Stille Volk en format vinyle? Toi qui a une bonne expérience de la musique, je me doute que tu dois apprécier ce format, n'est ce pas?

Bien sûr, il s’agit d’un format que j’adore. J’ai souvent imaginé notamment Hantaoma avec une pochette ouvrante… Mais bon, je pense que cela doit revenir trop cher pour les labels. C’est dommage, surtout pour nous !!

11. Je sais que tu écoutes divers styles de musique. Tu peux nous dire quels sont tes disques de chevet en ce moment?

Je n’écoute que très peu de nouveautés, hormis celles de groupes que j’écoute depuis longtemps comme King Diamond ou Maiden. Les dernières nouveautés que j’ai achetées sont Therion et My Dying Bride. Sinon, ce que j’écoute en ce moment c’est les rééditions de vieux groupes de Thrash américain que j’ai justement en vinyle mais que je ne possédais pas en cd : « World circus » de Toxik, « Endless war » de Realm et « Act of god » de Znöwhite. Sinon, toujours pareil, les Pogues et de la musique irlandaise, des groupes allemands plein de cornemuses…

12. Assez parlé du passé, même glorieux. Quatre ans maintenant sans nouvel album de Stille Volk, je me languis ainsi que doivent le faire les fans du groupe. Explique nous les raisons d'un tel délai? Etait-ce voulu pour retrouver je ne sais pas, un certain enthousiasme, une certaine envie, envie de faire un break pour casser la routine d'un nouvel album tous les deux ans? Ou était-ce du à des raisons extra-musicales?

Bon, il faut savoir tout de même qu’Hantaoma a été composé par Patrick et moi-même. Donc cela ne fera pour nous qu’un délai de deux ans. Il y a sinon diverses raisons qui sont d’une part le manque de disponibilité et surtout le fait que lorsqu’on compose, on ne se dit pas « Tiens on va faire un morceau comme ci ou ça ! ». En parlant pompeusement, on pourrait dire qu’on attend que l’inspiration surgisse à nous comme les anciens poètes grecs qui attendaient le processus de création comme une espèce de révélation divine. Nous attendons que notre « daimon » vienne à nous !!! Nous ne sommes pas pressés, nous n’avons pas délais à respecter donc on fait ce que l’on veut.

13. Quel avenir pour Stille Volk? Je crois savoir que vous préparez de nouvelles réjouissances? Je ne sais pas du tout où vous en êtes, mais j'aimerais que tu nous parles de ce nouvel album. Il paraîtra chez Holy Records?

Effectivement nous sommes en train d’enregistrer notre nouvel album. J’ai écrit les paroles il y a pratiquement deux ans : il s’agit toujours d’un concept album qui analyse le déroulement d’une fête sabbatique mythifiée, une bacchanale tellurique sans aucune allusion à l’image du sabbat diabolique décrite par les auteurs chrétiens. On trouve l’appel « mythique » des participants, le banquet et les différentes aventures qui arrivent aux convives du fait de diverses visions. Cette vision s’appuie sur une réflexion personnelle inspirée notamment de différentes mythologies. Il y aura toujours des paroles en français et en occitan et la musique apparaît beaucoup plus rythmique et « cossue » que nos précédents albums. J’ai enregistré pratiquement toutes mes parties en août 2006, Patrick enregistre actuellement les siennes, puis ce sera au tour des percus puis le mix. En principe des amis italiens qui jouent dans un groupe de musique médiévale à la Corvus Corax, «Barbarian Pipe Band », viendront faire des interventions cornemuses / percussions si on arrive à s’organiser. Je pense donc que cet album aura un son énorme et sera particulièrement péchu. (NDLR : j’ai grande hâte !).

14. Je dois te dire que pendant quelques temps et le manque de news sur le groupe, j'ai crains que vous arrêtiez, rassure-moi, le groupe se conjugue toujours au présent, voire mieux, tourné vers l'avenir?

Ne t’inquiète point, mon brave, Stille Volk se conjugue toujours au présent et au futur.

15. Question bonus pour finir: que signifie le nom du groupe Stille Volk ?

Il signifie « Peuple tranquille » c’est-à-dire le petit peuple que sont nos amis lutins ! Les Stille Volk sont donc un peuple de lutins troglodytes qui se réfèrent à tout un système de pensée particulièrement séduisant. Ce nom témoigne à nos yeux d’un certain mysticisme et renvoie à toute une mythologie des profondeurs, à l’irrationalité chère à Gaston Bachelard. Il existe donc une filiation avec le petit peuple des légendes étant donné que l’on peut considérer que ce petit peuple est un archétype fondamental dans l’inconscient collectif légendaire européen. Le nom « Stille Volk » n’évoque aucun style particulier et ne renvoie à aucune formation musicale existante. Dés lors, nous pouvions explorer tout un univers musical inédit sans se retrouver enfermés dans une quelconque scène musicale.

15. Je te laisse la conclusion de cette entrevue... Adichats.

Grandement merci pour l’interview et à très bientôt. Porta plan é adishatz.

Patrice Roques (février 2007)

Liens:
MYSPACE STILLE VOLK
STILLE VOLK site officiel

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Dernière mise à jour du document : dimanche 4 mars 2007

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