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IRM, SKIN AREA - entrevue avec Martin Bladh

par Wotzenknecht › dimanche 7 octobre 2007

1. Bonjour à toi et merci de prendre un peu de ton temps pour les lecteurs de Guts Of Darkness.

Le plaisir est pour moi.

2. Tout d’abord, débarrassons-nous des questions évidentes. Quand est né ‘IRM’ et qu’avais-tu en tête en créant ce duo ? Par ailleurs, ‘IRM’ est le terme français pour ‘Imagerie par Résonance Magnétique’. Ca aurait pu être une coïncidence mais vu ta fascination pour l’anatomie, peux-tu me dire s’il y a un quelconque lien ?

Il n’y a pas grand-chose à en dire, Erik et moi avons beaucoup été influencés par quelques formations indus dures et nous en sommes arrivés à démarrer un projet aussi. Erik a acheté un vieux synthé Yamaha et s’est tourné vers moi concernant les vocaux, les paroles, l’esthétique globale, etc. Et concernant le nom IRM, c’est quelque chose de personnel entre Erik et moi et nous avons décidé de ne pas révéler sa signification (du moins pas maintenant).

3. Parlons à présent de chair. IRM possède de nombreux sujets à forte dualité (corps/pensée, rouge/noir, chair/esprit, Erik/Martin…) que l’on peut retrouver dans de nombreuses autres formes artistiques. Je pense souvent à Clive Barker, Francis Bacon, Hermann Nitsch… en écoutant votre musique. Quelles sont vos inspirations musicales ou extra-musicales ?

La chair du corps humain est évidemment un de mes grands centre d’intérêts. Tout art véritable doit trouver ses origines dans la chair pour avoir un intérêt à mes yeux. Et puis il y a cet impossible paradoxe de la séparation du corps et de l’esprit (aidé d’une violence physique ou psychologique). Il est très difficile de savoir où le corps commence et l’esprit s’arrête, et IRM a toujours illustré la violence et la cruauté de la chair humaine (l’esprit), de façon abstraite ou directe… Il n’est pas dur de se rendre compte que Francis Bacon et Hermann Nitsch sont mes plus grands héros. Je suis aussi fasciné par les travaux d’Antonin Artaud, Georges Bataille, Hans Bellmer, pour n’en citer que quelques-uns. Dans le domaine musical je pense qu’Erik et moi avons des inspirations différentes ; j’imagine que pour ceux-là nos goûts se rencontrent : Swans, Whitehouse, Sunn0))), Con-Dom, Anenzephalia. Je suis surtout intéressé par la façon dont les mots et les sons affectent le corps et le système nerveux, bien que ces explorations se retrouvent plus souvent dans mes enregistrements solo ‘Umbilical Cords (Segerhuva, 2005), et ‘Study for a Theater of Cruelty’ (sortie prochaine chez Annihilvs). J’adore la musique de Tony Conrad, Scott Walker, Hermann Nitsch, Keiji Haino et Organum. Erik préfère MB <Maurizio Bianchi, NdW>, les bandes-sons des films italiens des années 60 et 70, les vieux Tangerine Dream et Zoviet France.

4. Quand avez-vous rencontré la famille Karmanik ?

Erik et moi étions des clients réguliers du magasin Cold Meat à Linköping, au millieu des années 90. Nous sommes devenus amis et nous avons donné la première cassette à Roger… la suite appartient à l’histoire.

5. Cold Meat Industry comportait beaucoup d’artistes power-electronics, certains politiques (Institut), d’autre vraisemblablement pas (Nod). Comment les protagonistes de la scène extrême interagissent entre eux ?

Eh bien, il ne reste plus que nous. Institut n’existe plus, mais Lirim sort encore d’excellentes cassettes sous le nom Regime. Nod n’a pas donné signe de vie depuis au moins cinq ans. Iron Justice et Survival Unit ont disparu… Bien sûr, il reste Brighter Death Now de Roger Karmanik, avec qui nous avons joué quelques fois. J’en ai peut-être oublié quelques-uns… mais de ce que je peux en voir il n’y a même pas de scène power-electronics en Suède. Il y a bien sûr de très bons projets indus et noise comme Treriksröset, Sewer Election, Ochu, Projekt Hat, Moljebka Pulse et Blod. Je ne dirai même pas que IRM soit du power-electronics, nous préférons simplement la référencer comme indus.

6. Parlons à présent d’autres êtres humains. IRM est considéré comme l’un des meilleurs groupes power-electronics <oui ben je n’avais pas encore la réponse précédente avant d’écrire, NdW> actuels. Comment considérez-vous cela ? Aimez-vous jouer en live ? Pourra-t-on un jour vous voir en France ?

Il est toujours flatteur que quelqu’un apprécie ce que l’on fait, mais on n’a pas tant d’attention que cela. J’aime jouer en live et je pense que nos performances se sont considérablement développées ces cinq dernières années. Nos premiers concerts étaient considérés comme des performances » et était très inspirées des premiers travaux de Rudolf Schwarzkogler et Hermann Nitsch. Ces performances pouvaient se révéler assez extrêmes ; nous avons utilisé du sang, du lait, des œufs, de l’urine, des serviettes hygiéniques. Mais au final il s’est avéré impossible de pratiquer comme nous le voulions hors de Suède, parce qu’on en avait marre de quasiment se faire frapper par les propriétaires de la salle à la fin de chaque concert. Ces temps-ci nous utilisons des projections de films réalisés par mes soins (Je déteste les projections de boucles de films clichés réalisés sans aucun souci de forme ni de contenu). Ces temps-ci nous pouvons mieux nous concentrer sur la performance musicale en elle-même et améliorer le contact avec les auditeurs. Nous adorerions jouer en France mais on ne nous a jamais invités.

7. Quand a débuté le projet Skin Area ? Ici aussi, quelle était l’idée initiale ?

La saga Skin Area a commencé début 2001. Magnus Lindh et moi nous connaissions depuis plusieurs années, et nous avions joué ensemble dans un groupe de rock alternatif qui s’appelait Borderline Society, qui n’a mené nulle part (split en 1998). J’avais quelques idées qui ne correspondaient pas à IRM. Magnus aussi était frustré de voir son groupe dissout et voulait faire quelque chose de différent. Nous avions tous deux la vision de quelque chose de plus expérimental, affranchi de toutes formes et tout genre. Après en avoir discuté pendant quelques mois nous nous sommes retrouvés dans notre salle de répétition, et après un mois et quelques le premier album de Skin Area était né.

8. Les deux premiers Skin Area (‘New Skin’ et ‘Muzak’) manquaient un peu de surprise. On a plutôt l’impression d’entendre des expériences qui ne savent vers où aller. Quels sont tes ressentis à propos d’eux après les avoirs publiés ?

Comme tu l’a dit, Skin Area est un groupe très expérimental et aujourd’hui avec le recul je peux dire que vu toutes les idées que nous avions en tête, je ne peux pas dire qu’elles aient toujours été finalisées de façon satisfaisante. Mais j’aime tout de même certaines parties de New Skin et crois-le ou non, Muzak EP est mon Skin Area préféré, et bien qu’il ne soit pas aussi ambitieux que Journal Noir/Lithium Path, il a cette puissante âpreté qui le rend très attrayant à mes yeux. Je pense que nos plus grosses erreurs sont sur JN/LP, que je trouve aujourd’hui un peu présomptueux… mais je ne peux pas dire que je regrette quoi que ce soit.

9. Comment as-tu rendu le split IRM/Skin Area possible ? Est-ce une transition, un lien entre un IRM plus ambient, et un Skin Area très bruyant ? A propos, la pochette est magnifique.

Je ne sais s’il s’agit d’une transition, c’est juste arrivé ainsi. Le disque n’a même pas de face A ou B, tout est au choix de l’oreille de l’auditeur. J’aime aussi beaucoup l’artwork, mais nous n’avons rien à voir avec celui-ci ; il s’agit uniquement de Segerhuva <le label dudit split, NdW>

10. Et maintenant, Journal Noir/Lithium Path. Il s’agit à mes yeux d’un des tout meilleurs disques post-industriel. Combien de temps sa réalisation a-t-elle pris ?

Ouh là, ce fut un très long processus, nous avons commencé à enregistrer à l’automne 2001, et n’avons terminé qu’en été 2003. Nous avons utilisé trois studios différents, le plus notoiré étant celui de Devo Andersson (bassiste de Marduk), le ‘Endarker Studio’. Le processus d’enregistrement a été à la fois inspirant et épuisant et s’est surtout avéré le plus coûteux de tous. Nous avions plein d’idées lorsque nous avons commencé et nous en avions encore plus pendant la réalisation. L’une des premières idées était de sortir l’album en deux objets distincts, mais au final cela s’est révélé trop onéreux pour CMI.

11. Journal Noir ressemble à une journée en pleine métempsycose, où ‘Posthumous’ nous assassine d’emblée et ‘Choose Art, Not life’ nous refait voir la lumière. Qu’arrive-t-il donc à l’auditeur entre les deux ?

Nous voulions que l’auditeur expérimente un sombre voyage schizoïde, comme un journal médical traitant d’abus psychologiques et physiques. Mais il est vrai comme tu le dis que la journée commence de façon très sombre et que la fin est quasi-transcendantale. La partie centrale est plus confuse et ambivalente, donc l’album en entier peut se voir comme un voyage.

12. ‘A childish Confession’ est très glauque et prenant. D’où proviennent les paroles ?

C’est un vieux texte inspiré d’un rêve que j’ai écrit il y a sept ou huit ans. Je ne voulais pas le lire moi-même, donc nous l’avons envoyé à mon ami Carl Abrahamsson (White Stains/Cotton Ferox) car j’aime beaucoup sa voix. Je ne peux pas en dire beaucoup plus sur le texte car il provient d’un rêve, mais j’avais quelques idées naïves à propos de la rédaction d’un récit où ce texte (retravaillé) serait apparu, heureusement je n’ai pas continué dans ce sens. C’est une sorte de « confession enfantine ».

13. Erik Jarl est présent aussi. Est-ce que JN est une vision absolue de tes obsessions unifiant IRM et Skin Area dans un seul chef-d’œuvre ?

Je ne sais pas s’il s’agit de mon chef-d’œuvre, mais il rassemble mes idées pour IRM et SA d’une façon intéressante.

14. ‘Lithium Path’ est très surprenant, passant du post-rock, à l’ambient, à la cold-wave… La violence n’était pas nécessaire cette fois-ci ?

C’est un aspect plus onirique, psychédélique de SA, et comme je l’ai dit précédemment nous voulions sortir les albums séparément ; nous voulions que LP soit très différent de nos précédents enregistrements. Bien que l’album possède un aspect presque euphorisant, il a tout de même ses côtés sombres.

15. As-tu pensé à ‘I am Sitting in a Room’ d’Alvin Lucier avant d’enregistrer ‘The Room’ ?

Non, je pense que cela a surtout rapport avec Samuel Beckett et l’absurdité du corps et de l’esprit, comme l’idée de se retrouver dans une cellule confinée sans savoir si tu es à l’intérieur ou à l’extérieur de ton corps. J’ai déjà entendu l’enregistrement de Lucier, mais il ne m’a jamais réellement interpellé.

16. Maintenant que vous avez atteint quelque chose de très dense et fascinant, que sera l’avenir de Skin Area ?

Difficile à dire. Nous allons commencer l’enregistrement du prochain album sous peu, et il sera beaucoup plus cohérent que son prédécesseur. C’est dommage que l’on n’ait pas pu faire plus de live mais les gens n’ont pas l’air vraiment intéressés.

17. Et IRM ?

Nous venons de sortir un album intitulé ‘The Cult of The Young Men’ sur le label américain Annihilvs. Un EP de deux pistes verra probablement le jour prochainement (pas de label pour le moment) et un nouvel album chez CMI l’année prochaine. Il y aura probablement une réédition de notre premier album ‘Red Album’ en CD l’année prochaine, pour célébrer nos 10 ans.

18. Et d’autres projets ?

J’ai travaillé sur beaucoup d’autres projets. CMI va sortir une rétrospective DVD ‘Victim and Abuser’ avec mes performances et films plus tard dans l’année (pour inaugurer le nouveau label Cold Meat Vision). J’ai aussi travaillé sur un film dramatique avec l’auteur et éditeur suédois Bo Cavefors qui s’intitule ‘Trois études pour une Crucifixion’, dédié à Bacon. Ce travail sortira sous forme d’un CD + DVD sur le label Firework et un livre chez l’éditeur H :ström. J’ai aussi travaillé en collaboration avec Peter Sotos (label inconnu pour le moment) qui doit encore être masterisé.

19. Merci pour ta patience. Les derniers mots sont à toi.

Portez-vous bien.

Mots clés : IRM, Skin Area, Martin Bladh, cold meat industry et power-electronics

Dernière mise à jour du document : mardi 18 décembre 2007

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