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La bouche de Francis Bacon, de Michael Gira

par Saïmone › samedi 1 mars 2014

Vous connaissez tous mon amour pour les Swans, cet espèce de truc qui est parti d'une bagarre lors d'une partouze mal organisée qui a dégénérée en une sorte de rock spectral rural des grandes plaines de la consanguinité du Texas. Vous connaissez tous Michael Gira, le patron de cet espèce de truc. Michael écrit. Et ça fait mal.

Des nouvelles – si tant est que ce mot puisse définir les textes de ce recueil – qui tournent autour de la crasse, de l'humiliation, de la honte, du sang et de la sueur la plus âcre. Des nouvelles dont on peine à savoir quand le narrateur délire. Dans quelle mesure les mots sont-ils des obstacles à la sensation d'exister, d'avoir un corps, enfin, avoir un corps !

Car s'il y a bien un dénominateur commun à toutes ces choses, c'est bien le corps. Malmené, soumis, objet abject, il sert à tout. A justifier la honte. A engoncer la souffrance. A exprimer une posture.

Les petits scénarios de Gira oscillent donc entre le viol, la torture, l'inceste. Un rapport à un sexuel déviant et déformé qui s'achève dans une éjaculation aride. Entre les lignes, on peut y déceler autre chose. Peut être pas une critique, mais une position, sur le rapport aux Autres, à la « société », position qui est peut être plus explicite sur les premiers Swans (les textes datent des années 80 début 90). L'expression n'est pas volé, mais Gira est viscéralement opposé à l'absence de morale, d'éthique, et partant au libéralisme. Plutôt qu'un fantasme, ce qu'il nous décrit ici est, de mon point de vue, une mise en scène. Mise en scène d'une modernité viciée et puante.

Autant vous dire que si vous ne partagez pas cette « jouissance », il faut avoir le cœur bien accroché.

(et au final on est quand même content que Gira ait un peu évolué au fil des années)

Chez le Serpent à Plume.

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Dernière mise à jour du document : samedi 1 mars 2014