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Metallica - Halle Tony Garnier, Lyon 7e, 12/09/2017

par Rastignac › mercredi 13 septembre 2017


Style(s) : metal / metal extrême / thrash metal

Metallica. Je pense que je ne serais pas ici à écrire des bêtises sur des groupes de funeral depressive black death australian doom sans Metallica. Pourquoi ? Parce que ce fut le premier back patch, le premier hard rock magazine (cette couverture avec notre James Hetfield et sa coupe de cheveux post black album... particulière), parce que, malgré toute la déliquescence de leur production musicale qui à mes yeux fut fatale dès la publication de « Load » et leur relookage en petits minets vaguement goths, Metallica restera un groupe majeur dans la propagation du métal angoissé, angoissant, blasé, sombre, et parfois même, comme l’atteste certaines compositions de feu Cliff, d’une certaine expérimentation sonore dans un genre, le thrash metal, plutôt bien dans les clous dès le début des années 1980. Alors, quand des amis me proposèrent d’aller les voir, je n’ai pas trop réfléchi, malgré le prix exorbitant de la place et un dernier album qui m’a seulement confirmé toute la maladresse mélodique, toute la sécheresse de composition d’un groupe maintenant presque à l’état de coma créatif, mais qui a semble-t-il beaucoup encore à donner à son public in vivo de manière très jouasse comme on va le voir.


Le lieu : Halle Tony Garnier à Lyon. Un aller-retour en une nuit. Après avoir traversé le Forez en mode speedy gonzales de milieu de semaine, on arrive dans cette charmante excroissance romaine lyonnaise, devenue aujourd’hui une grosse grosse ville, toujours aussi grise, et pour ma part toujours aussi excitante qu’un pan bagnat oublié pendant trois jours sur la plage arrière de la voiture. Je dis ça parce que je suis un ex-lyonnais, et vous savez, les ex, ils ne sont jamais fiables et sont bien trop moralisateurs ! Et je suis aussi un ex-fan de Metallica, le syndrome « quatre premiers albums bons » m’ayant bien imprimé la réception de leur production depuis vingt-cinq ans, à part un peu le black album, étant donné que « Nothing Else Matters » passait en boucle sur radios et télés quand j’avais l’âge de me faire pousser les cheveux et de m’acheter des baskets montantes ou des Dr. Martens pour aller avec le back patch. Ça marque.

Ce qui marque d’emblée aussi en rentrant dans cette ancien abattoir géant, c’est la belle architecture de tout cela, ces belles poutres, et ce drôle de machin au-dessus de la scène, celle-ci se trouvant au milieu du public. On m’avait déjà dit qu’ils aimaient jouer au milieu, en tournant, changeant de micro selon les chansons, ce qui je trouve est la meilleure manière de jouer dans un lieu aussi gros, large, et haut de plafond. Et donc, au-dessus de la scène on distinguera un ensemble de cubes noirs, pleins de projecteurs, et cette installation va être sur-utilisée tout le concert, de manière assez maline.

Il va presque sans dire que nous avons raté la première partie Kverlertak, groupe norvégien de gros métal qui tache, vu la file d’attente pour rentrer dans la salle et les bouchons casse-burnes propre à la capitale de la gaule. Niveau ambiance vigie de la pirate nous fumes servis aussi, je ne sais pas si c’est parce que je suis maintenant bien loin de l’agitation des groupes humains, mais je me plais à remarquer ce genre de choses : nous étions littéralement encerclés de Famas, de chasseurs alpins patibulaires, de robocops pardon de gardiennes de la guerre, pardon, de flics surarmés surprotégés, et je n’eus l’occasion d’entendre aucun bonhomme suicidaire hurler son amour à Dieu pour venir exploser des gens. Si, à la fin du concert, en rentrant, je croisai des métalleux chantant « Dieu est grand » en arabe, ce qui me fit leur renvoyer des blagues douteuses sur le côté germanico-reich de certains français amateurs de musique amplifiée. Mais je m’égare, c’est mon côté pastille Vichy ! Donc, je disais, ce qui m’a marqué dans le public en rentrant c’est la famille. Ce mot fut plusieurs fois utilisés, notamment par Hetfield. « C’est la famille, c’est la famille Metallica, bienvenue dans la famille, c’est content de vous revoir dans la famille », etc. Donnant à ce concert un côté « école des fans » qui m’a perturbé. Vous écoutez Hetfield crier des trucs horribles sur la guerre, la mort et la santé mentale, et entre les chansons le même James se transforme en Jacques Martin de la famille Metallica. Vraiment étrange, mais en tout cas, Metallica joue pour toutes les générations, je crois que dans certains groupes de personnes dans le public, il y avait le papé, le papa, et le petiot, tous avec le t-shirt Metallica correspondant à leur propre adolescence. Étonnant. Mais je tenais à dire que Metallica est devenu un groupe familial. Très « SAV » de concert. « Vous avez fait l’effort de venir, on est très content, je vous ai préparé une bonne petite soupe, vous allez voir ». Et de l’autre côté, on gueule que « I’m your dream, make you real, I’m your eyes when you must steal, I’m your pain when you can't feel, c’est triste mais c’est vraiiiiiiiiyeahhhh ». Hmmmmmouais.

Niveau sonore, comme souvent dans ce genre de hangar il y a un écho phénoménal, la grosse caisse du gros Ulrich sera omniprésente, mais j’ai l’impression ou de m’y être habitué, ou que le son a été corrigé pendant le concert. Niveau visuel, parlons des cucubes. Ces cucubes, une petite dizaine, feront office de minis écrans géants au-dessus du groupe, formant des figures, bougeant de bas en haut, balançant des couleurs, des extraits de clips, du film « Johnny got his gun » (je recommande chaudement si vous avez envie de vous engager dans l’armée), des illustrations de Pushead, etc., toujours un peu en rapport avec les chansons. Et aussi des illustrations ou des tatouages de fans, des vieilles places de concerts français de Metalloche, etc. Une espèce d’autocélébration du groupe devenu patrimonial, muséal, on collectionne les tickets, les photos d’époque, l’époque des « old songs », de la « old school Metallica family ». Mmmmmmouais. Je souligne ça car ils en ont vraiment mis des couches sur la nostalgie, que ce soit dans leurs discours motivationnels entre les morceaux tous droits sortis de leurs thérapies de groupe de « Some Kind of Monster », ou dans les projections très liées à une histoire révolue, des images au ralenti de Cliff pendant un medley Orion / Pulling Teeth assez bien joué par Robert « j’ai gagné au loto » Trujillo, des images, des images et encore des images d’avant, quand Hetfield était alcoolo et avait les cheveux longs et jouait à fond la caisse. Arf. A noter en PS aussi une séquence bizarre avec des drones censé mimer les "moths in flames" (ugh), dont un va partir complètement en couille et s'écraser tel un jouet interdit de vente dans la tronche de quelqu'un dans le public, sur les gradins. J'espère que cette personne va bien.



Niveau setlist, je ne vais pas faire dans le détail : je me suis fait chier sur les nouveaux morceaux, à part peut-être le titre « Confusion » qui met une nouvelle fois en scène ces chers américains et leurs guerres un peu partout dans le monde via clips avec images au ralenti. Merci AMERICA. Heureusement que vous êtes-là, sinon on serait obligé de se taper nous-mêmes sur la gueule. Arf bis. Et merci encore de nous le rappeler sur écran géant à Lyon, on aurait presque oublié. Bref, les nouveaux morceaux me font autant d’effet que le discours d’un patron pour le départ en pré-retraite de Dédé, trente ans de boîte. Et quand je dis « nouveaux morceaux » ça remonte bien sûr à Load et Reload, dont fut extrait « The Memory Remains » qui m’a fait bien bailler, désolé. Côté reprises : "Die Die My Darling" fut aussi molle qu'un tendon d'agneau mal mâché un lundi de Pâques, et le début de reprise d'"Antisocial" de Trust m'a provoqué des remugles amers ; il faut noter aussi dans les nouveautés cette envie de taper sur des tambours comme Neurosis à la grande époque, séquence nawakesque à voir les quatre horsemen sortir les manchons et se la jouer Sepultura / tambours du Bronx de manière particulièrement simpliste. J'en ai pas cru mes yeux. Manquait plus qu'ils nous fassent des coeurs avec les mains me dit mon oreillette.

Niveau setlist, je ne vais pas faire dans le détail : j’ai eu des frissons des ongles à la nuque en passant par le talon, le cul, le dos, le ventre et le reste en écoutant : Welcome Home (Sanatorium) (raaaah), For Whom the Bell Tolls, One, Nothing Else Matters, Master of Puppets, Battery, Seek & Destroy, Of Wolf and Man, Sad but True, et surtout, surtout : One. Ce morceau de mon album préféré du groupe parce que c’est comme ça. Il résume le propos du Metallica comme il est ou qu’il devrait être : un regard bien aspergé d’acide et d’alcool pas bien digéré sur le monde, avec un talent mélodique à faire ravaler son dentier à tous les Henri Death de l’univers. Et malgré les nombreux pains, malgré cette obstination d’Ulrich à saboter les classiques - putain tous ces coups superflus, ces roulements à la con pas prévus, qui niquent juste, par exemple, les breaks de Seek and Destroy, cette sensation que le gars crie au monde : « jfais ce que jveux même si c’est mooooche, raaaah, je suis en pleine foooorme, reeeeuh, aaaah, raaaaaah ». Ah. Malgré cette ambiance complètement décalée glauque des chansons par rapport aux discours « sous vos applaudissements je voudrais dire bonjour à tous les enfants dans la salle », malgré cette envie de créer un culte de la « famille » Metallica, chose semble-t-il réservé aux plus riches de la smala, y a qu’à voir les t-shirts moches à trente balles et la place de concert à cent. Malgré le mercantilisme, le surréalisme de voir ces mecs millionnaires balancer à la face des gens « que la nouvelle drogue s’appelle la célébrité et qu’internet gnagnagna ». Malgré un son moyen, une interprétation moyenne : j’ai eu ma dose de frissons, et j’ai enfin vu Metallica en concert, même si l’entame du concert fut empreinte de doute : est-ce AC/DC qui joue ce soir ? Je me souviens plus.


Mots clés : nostalgie, thrash, metal, famille, lyon, metallica, vieux, jeune, argent, retraite et musique

Dernière mise à jour du document : vendredi 15 septembre 2017

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