Present › N°6

"Au clair de ta lune que je vais agrandir de ce pas, approche petite et ne pète pas un mot"... On serait presque tenté de décrire le sixième opuscule de Present par cette périphrase facile qui laisse pourtant transparaître tout le potentiel de perversion déployé ici par la formation belge qui, une fois encore, change de personnel. Après la réunion exemplaire de "Certitudes" en 1998 autour des anciens Univers Zero, Daniel Denis et Guy Segers, Roger Trigaux s'efface presque (il ne se fait entendre que sur l'inquiétant "Le Rôdeur") pour laisser sa place à du sang neuf. Un sang qui coule à flot. Il y a d'abord Réginald Trigaux, dont le verbe guitaristique hérité du père, se fait peut-être encore plus acide, survolant et surclassant tout le monde au bout de ces trois quart-d'heure de musique intense. Viennent ensuite Dave Kerman, transfuge des 5 UU'S et accessoirement batteur redoutable, qui rempile après leur unique témoignage en concert de 1996 ; y'a bon!, Pierre Chevalier aux claviers, entêtants comme il se doit, Keith Macksound et sa basse qui décape, et enfin, Yuval Mesner, au violoncelle, venant apporter à Present des couleurs insoupçonnées qui lui vont à ravir et qui - on le verra bien assez tôt - dessineront son futur. Dans l'immédiat, "N°6" nous propose deux nouvelles longues suites découpées en autant de petites sections, ère du cd oblige, et le périple proposé de nous emmener aux confins du langage zeuhl que le groupe semble délaisser peu à peu (exception faite du final "Le Combat") pour donner naissance à une musique toujours plus exigeante à l'écoute, charriant avec elle des images d'effroi et de tension avec une simplicité naturelle, presque désarmante. Mention spéciale à "The Limping Little Girl" et ses parties de guitare particulièrement crispantes. Present est bel et bien de retour, inspiré, et plutôt en grande forme. Ce disque n'est pas un numéro, mais un appel vibrant à toujours plus de liberté, quitte à s'abandonner à la démence.