M83 › Before the dawn heals us

Un roulement de batterie, instantanément suivi de soubresauts d’une machine qu’on devine détraquée ; un son à la fois glacial et brûlant, enveloppant et électrique … Non il ne s’agit pas du nouveau Nine Inch Nails mais du dernier album de M83. Ici pas besoin de samples pour donner du souffle aux morceaux; quoiqu’on en dise, M83 se révèle plus proche du rock que de l’electronica, bien qu’étant sur un label à teneur électronique (Gooom). Ces nappes de voix éthérées posées sur des claviers rugueux et sur un rythme (et non pas un beat, nuance !) joué à la batterie, relèvent d’une mécanique purement rock. Les longs instantanés kaléidoscopiques (le sublime « I Guess I’m Floating ») côtoient les envolées épiques de toute beauté comme « A Guitar And A Heart » ou le morceau d’ouverture , « Moonchild ». Un nom pareil en début d’album, il fallait oser. « Moonchild » est désormais une comptine électronique écorchée vive, en plus de la fascinante « ballade » de King Crimson. Mentionner le groupe de Robert Fripp dans cette chronique n’est pas aussi incongru qu’il n’y parait, Gonzalez avouant s’inspirer de vieux disques de prog 70’s et de leurs sons de claviers atypiques (ce fameux son qui a moins vieilli que celui des synthés des 80’s !), en plus de sa filiation avec Slowdive et My Bloody Valentine. Des influences rarement rencontrées dans un disque electro. Mais peut-on encore appeler cela de l’electro ? Cette musique s’écoute très fort, de toute évidence. Il faut pousser le volume bien haut sur l’incroyable « Don’t Save Us From The Flames », afin de percevoir ces cœurs spectraux hululant sous les murs de guitares. A cet instant, ou dans les accès de colère de « * », tout semble inhospitalier, malsain… Pourtant, M83 sait se faire accueillant comme lors de la pop song pastorale « Farewell/Goodbye » (chantée par Lisa Papineau) ou de la très étrange « Can’t Stop » (momifiée depuis les années 80 ?). Que dire de « Slight Night Shiver », cette bande-son parfaite de la perdition urbaine, hantée par le bruit des crickets et le ressac des voitures qui passent sur l’autoroute ? Ce morceau, de même que le déjà mentionné « I Guess I’m Floating » , est une illustration sonore parfaite de la pochette, nuit blafarde sans étoiles au dessus d’une ville scintillant de milles feux. Etonnant qu’une musique si dense et si urbaine puisse venir d’Antibes, ville côtière somme toute assez calme du sud de la France ! On aurait plutôt vu M83 surgir de Seattle ou de Manchester… On notera quelques détails qui rendent cet album pas comme les autres : des invités plutôt originaux tels que l’actrice américaine Kate Moland (pour une performance bien inquiétante sur « Car Chase Terror ») et du chœur d’enfant de Saint-Louis pour une bonne partie de l’album ; et enfin un final épique de 10 minutes, « Lower Your Eyelids To Die With The Sun » qui achève de prouver que c’est lorsque la musique électronique ne met aucun frein à ses ambitions - les plus démesurées soient-elles - qu’elle envoûte le plus (réécouter 10 000Hz Legend de Air après cet album si des doutes subsistent).