Merzbow › Hybrid noisebloom

Que ce soit bien clair : Merzbow n'a rien inventé. Les trilles électroniques que l'on entend ici constamment, vous les entendrez également dans "l'Apocalypse de Jean" de Pierre Henry, et même dans certaines de ses extraordinaires pièces des années 1950. Simplement, lui, au lieu, de les sculpter, de les faire entendre comme des objets sonores à la beauté plastique valant pour elle-même, il les superpose, les débite à toute vitesse (un véritable abattage d'usine), les fait pleuvoir dans un grand déluge qui est devenu, au fil du temps, une sorte de signature. Il a en quelque sorte eu l'idée d'associer aux inventions sonores de la musique concrète française (dont il assume pleinement l'influence, d'ailleurs, dans les interviews qu'il donne) la puissance physique, bestiale, du rock - dans une musique bruitiste à l'intensité parfois insoutenable. (C'est parfois dans un registre de suggestion comparable : les oiseaux et les loups électroniques de Pierre Henry se retrouvant dans "Neuro electric butterfly", passés à la moulinette hardcore.) "Hybrid Noisebloom" illustre parfaitement cet art. Les colorations sont parfois psychédéliques, parfois plus lourdement industrielles. Souvent, un beat dans les fréquences basses matraque l'auditeur. Les ambiances se font à d'autres moments plus aériennes, plus spatiales, la forge de Vulcain dans une station spatio-orbitale... pourtant, l'art de Merzbow reste avant tout un art urbain ; les résonances qu'il nous fait entendre (on oublie parfois de le dire) sont aussi celles de cet immense et inhumain réseau urbain que constitue Tokyo, capitale du Japon, et accessoirement la plus grande ville du monde. Un enfer. "Hybrid Noisebloom" pourrait être entendu comme un compendium sonore mêlant les sirènes de police aux roues des trains mordant l'acier des rails ; la neige des télévisions-oscilloscopes à la techno primaire d'une musique de jeu-vidéo ; le fracas d'un marteau-piqueur et autres outils de chantiers et le battement régulier des électro-cardiogrammes dans les hôpitaux. Toutefois, comme les sonorités synthétiques dominent, et sont finalement peu variées d'un morceau à l'autre, je ne peux pas dire que cet album, qui contient cependant des moments de pure délire psyché-inter-galactique, ait ma préférence.