Quand "TNT" fût publié en 1998, David Pajo ne fasait déjà plus officiellement partie du groupe. Son nom figurait tout de même encore en bonne place dans les crédits, par conséquent il est difficile de savoir quelle fût sa part de contribution active au projet. Et à vrai dire, la question ne se pose pas puisque Tortoise pare ici sa grammaire d'ornementations tout à fait délectables. Trombone, cornet, basson pour les cuivres, violon et violoncelle pour les cordes confèrent à leur musique un aspect plus précieux. Si le groupe se perd parfois dans des arrangements plutôt compliqués, la base de leur travail - celui qui est aussi à l'origine de l'esthétique post rock en elle-même - repose sur des idées simples. Et la plage titre de leur troisième album en est l'exemple éloquent : une batterie qui dévoile peu à peu son côté groovy, et une ligne mélodique à la guitare tellement évidente qu'elle en devient belle. Le thème se prolonge et s'enrichit des interventions d'éléments extérieurs. Dans sa diversité, "TNT" se présente finalement comme une collection de maquettes de travail, pas toujours abouties, et c'est souvent volontaire. Certains titres se démarquent par leur grande qualité ("Swung from the Gutters", l'electro "The Equator"), d'autres ne passionnent guère plus de deux minutes ; ce sont les guitares lointaines du fraîchement débarqué Jeff Parker qui orientent désormais la musique de Tortoise vers un croisement improbable entre easy listening et rock fifties à la Shadows ("I Set My Face to the Hillside" et "The Suspension Bridge at Iguazú Falls", au début pourtant prometteur). Dans un autre genre, "Ten Day Interval" et "Four Day Interval" sont très jolis mais néanmoins gênants puisque c'est par ce genre de titres que certains sont arrivés à considérer Tortoise comme des génies, alors qu'il suffit d'écouter "Music for 18 Musicians" de Steve Reich pour le premier ou "San Jacinto" de Peter Gabriel pour le second pour se persuader du contraire. En soi, "TNT" est un album riche qui définit parfaitement l'époque qui l'a vu naître, mais qui aurait certainement gagné à ne pas se complaire dans les longueurs.