Sinéad O'connor › The lion and the cobra

C'est l'histoire d'une punkette irlandaise à la sensibilité écorchée, féministe, en guerre contre la religion catholique, qui, perdue dans sa quête de réponses, n'avait pas les épaules pour supporter le poids de sa révolte. C'est l'histoire d'une jeune fille à la voix fabuleuse qui se rasa la tête parce qu'un mec admirait ses cheveux, qui déchira la photo du Pape en direct soulevant un scandale qu'elle n'eut pas la force d'assumer et qui faillit briser sa carrière. C'est enfin l'histoire d'une artiste au potentiel énorme dont la carrière s'articula en demi-teinte en raison des moult revirements et autres pérpétuels remous de sa vie privée et de son besoin de spiritualité qui étouffèrent son parcours d'artiste. C'est l'histoire de Sinéad O'Connor qui nous a laissé un premier album chef-d'oeuvre intitulé 'The Lion and the cobra'. L'excellent 'Jackie' résume à lui-seul ce qu'est capable de produire la demoiselle, un titre qui débute de façon mélancolique, un peu à la manière d'une complainte irlandaise, avec une guitare électrique qui s'enfle progressivement et une voix à la fois douce et profonde avec ce timbre si particulier aux chanteuses d'Irlande (Dolores des Cranberries, Mary Black...). 'Mandika' est plus rock sombre et Sinéad y confirme l'excellence de son chant entre pointes aigües et passion grave. 'Jerusalem' poursuit dans ce genre de climat pas si éloigné de certaines chansons de Siouxsie mais avec un type bien particulier. Moins d'électricité sur le très beau 'Just like u said it would be' qui s'articule comme une sorte de valse farandole poignante où le talent vocal de la belle fait merveille. 'Never get old' change totalement de climat et évoque plutôt l'aspect éthéré et mystique de Enya (laquelle récite d'ailleurs sur le titre). 'Troy' est l'un de mes morceaux favoris...Il débute de manière calme et triste, évoquant des images de plaines pelées, de falaises désertes, où le chant mélancolique et mystique s'élève sur fond de violons, avec des pointes rageuses brusques tandis que la passion se libère peu à peu, pour retomber et jaillir à nouveau jusqu'au zénith où tout semble s'arrêter pour repartir de plus belle et se terminer en une sorte de danse païenne où la beauté des vocaux donne la chair de poule. Malheureusement cette atmosphère profonde est cassée nette avec 'I want your hands on me' qui, si elle n'est pas désagréable, reste la pièce la plus commerciale de l'album et surtout la plus faible. Heureusement, le beau 'Drink before the war', émouvant à souhait, décliné sur fond de clavier, écrin parfait pour le timbre de Sinead, balaie vite cette petite erreur. La conclusion vient sous forme d'un rock aux guitares sales, 'Just call me Joe' (pas si éloigné de certains aspects des Cocteau Twins) qui, s'il n'est pas un chef-d'oeuvre permet néanmoins de laisser l'émotion retomber en douceur. Si Sinead produira encore quelques bonnes chansons par la suite, jamais elle n'atteindra le niveau de ce superbe album qui reste un peu comme un regret, regret que les choses n'aient pas continué dans cette voie, regret que cette révolte passionnée ait failli briser une artiste si pleine de potentiel...