Dedalus › Materiale per tre esecutori e nastro magnetico

Réduit à un trio suite au départ du bassiste Furio Di Castri, Dedalus perd au passage un des éléments de base qui définissait la nature de son premier disque éponyme : le groove. Alors, revirement forcé ou choix esthétique pleinement assumé (la suite de la carrière des musiciens nous apportent les réponses), on a en réalité peine à croire que ce soit le même groupe qui soit à l'origine de ces deux disques que tout oppose. "Materiale per Tre Esecutori e Nastro Magnetico" est un album obscur dans tous les sens du terme. Radicalement porté vers l'avant garde, le jeu de batterie de Enrico Grosso n'a désormais plus rien à voir avec celui de Billy Cobham ou de John Marshall. Il faut carrément se tourner vers Han Bennink ou Paul Lytton, c'est dire si un monde de différence sépare les deux disques... Du jazz, certes, mais du conceptuel, de l'avant-garde, de la musique improvisée pour piano préparé, avec des percussions qui pètent comme de la tôle froissée, avec un saxophone qui va souvent au bout de lui-même pour essayer de trouver la dissonance ultime, entre Steve Lacy et Anthony Braxton. Si l'influence demeure britannique, elle subit cette fois un revirement à 180 degrés, passant brutalement de Soft Machine au Music Improvisation Company. Rien n'aurait pu laisser présager un tel volte-face, et c'est bien ce qui rend l'expérience aussi troublante qu'intéressante. Si les premiers travaux de Derek Bailey ou le monstrueux "Event'76" de leurs compatriotes Area sont des disques qui ne vous font pas peur, je ne saurais que trop vous recommander l'écoute de "Materiale per Tre Esecutori e Nastro Magnetico", un gros pavé bien cérébral, hermétique, austère et froid. Eccentrique et original aussi. Mais surtout, cela va sans dire, sombre et experimental. Il est toutefois paradoxal de constater que leur premier album, plutôt bien torché, soit d'un intérêt tout relatif, comparé à celui-ci, à la réalisation somme toute discutable, mais d'un intérêt certain.