Dorn › Suriel

Il faudrait vraiment, mais alors VRAIMENT, arrêter d'estampiller "Black metal" tout album disposant d'une double grosse caisse et d'une voix extrême. Car en se vendant comme "Black metal with enchanting femal vocals", Dorn ment, consciemment ou non, sur toute la ligne. Déjà, les vocaux féminins n'ont rien d'enchanting; ils sont peu assurés, parfois mal composés, la voix est totalement dépourvue de personnalité et de charisme... leur alternance et mélange avec la grosse voix death assez banale de Roberto ayant tout de même souvent plus d'attraits et d'originalité que les époux Krull, variété d'inspiration oblige. Ensuite, il n'y a rien, mais alors RIEN de black metal là-dedans (ce qui n'est pas un défaut en soi évidemment). Dorn pratique un metal mélodique qui ne sonnera plus extrême que Nighwish qu'à l'occasion des growls balancés sur les riffs les plus gras. A part ça, voilà du Heavy/speed mélodique à voix death, rien de plus, rien de moins, parfois un peu pesant, soit, mais c'est bien tout. Ce qui distinguera Dorn des Leave's Eyes et autres combos metallico-lyrico-scandinaves, ce sont les quelques breaks, surprises sonores (comme cette excellente clarinette sur "Hass", les sons de harpe... ) quelques petits amuse-gueule originaux, ainsi qu'une réelle variété dans le vocabulaire. A noter aussi au crédit de Dorn la (relative) sobriété des claviers, qui se plaisent bien plus à planter des atmosphères, souvent sombres et mélancoliques à coup de grosses harmonies noires, qu'à nous saoûler de gammes stériles à dix mille à l'heure au bontempi à la C.O.B. où , là encore, Nightwish. Et puis Lars nous joue aussi bien du piano que des cordes, de la harpe, des étoiles et des vents glacés, loin, très loin des monstres techniciens au doigt coincé sur le son "synthé de base" (l'outro Perigaeum est néanmoins assez malvenue). Les variations rythmiques et dynamiques, les breaks, sont aussi assez habiles et sont l'occasion de quelques culminances bienvenues. La relative brutalité d'un titre comme "Mächtige Träume" ne permet pas à la musique du groupe d'échapper à la sphère du "soft-extrême". Avec tout ça, le lecteur a peut-être l'impression qu'il doit passer son chemin. Mea culpa : la classification abusive du genre musical alliée à l'appartenance du groupe à la mouvance la plus à la mode en ce moment (quand on évoque conjointement In Flames, Nightwish, Within Temptation et consorts... on a du mal à passer pour une découverte!) me rendent sans doute plus bilieux que Dorn ne le mérite. Le tout est inspiré, et d'une manière souvent personnelle, et encore une fois, le groupe sait trouver les variations surprenantes, des passages riches et prenants (Suriel, entre autres, et son clavier spectral), et l'album dans son ensemble montre une palette de vitesse, de rythmes et de systèmes vraiment louable. Enfin, les riffs n'entreront pas au panthéon, mais aucun n'est mauvais, ni même juste moyen. Non, tout cela est plus que respectable, et même à conseiller à ceux que le genre (le vrai!) peut intéresser. Pour ma modeste part, j'hésite entre dénigrer ce groupe pour son côté n-ième groupe de metal-lyrique, ou l'applaudir des deux mains pour, malgré cela, tirer incontestablement son épingle du jeu. En tout cas, fans de Soulgrind, de métal mélodique et de ténèbres en velours, prenez le temps de vous intéresser à Dorn.