Estradasphere › Quadropus

Au gré de leurs parutions, le collectif Estradasphere perd à chaque fois au passage quelques plumes supplémentaires. Désormais réduits à quatre, en l'absence de batteur, la réalisation de "Quadropus" se révélait être une occasion unique afin de s'acquitter du superflu. Défi relevé haut la main puisque, si j'en crois les flateuses vibrations transmises par mes tympans, Estradasphere vient enfin de réaliser le disque équilibré tant espéré qui canalise avec plus de discernement leur inventivité débridée. Bon, gardons les pieds sur Terre, nous ne tenons pas là un monument, mais cela reste un disque foutrement agréable qui ne trahit en rien la nature profonde du combo. Avec une ribambelle de musiciens studio venant combler les places laissées vacantes, Jason Schimmel, John Whooley et leurs compères ont aujourd'hui un répertoire solide à partager, subtilement mis en valeur par des mains expertes et des oreilles alertes. Les amateurs des délires de la première heure auront peut-être la mine déconfite quand ils s'apercevront que le chaos apparent de leurs précédentes réalisations n'est plus aussi évident. Ou serait-ce plus tristement l'absence d'interventions impromptues d'une guitare bien saignante, ici concentrés sur "Jungle Warfare" et le faussement punk "Bodyslam" ? Pourtant leur diversité est là et bien là, même et toujours au sein même d'un seul morceau, mais il y a eu un effort évident de faire en sorte que malgré cette suite impressionnante de collisions improbables - et pour tout dire attendues - un semblant de cohérence ait été maintenu pour faire passer Estradasphere du stade des enfantillages nécessaires à celui de la mâturation pure et simple. Estradasphere semble avoir enfin pris conscience de son potentiel et s'est doté des meilleurs atouts pour pouvoir le mettre en valeur. Nous sommes désormais plus proche de Frank Zappa ("Crystal Blue") que de Mr.Bungle, mais l'un dans l'autre, je ne sais pas qui oserait hausser la voix pour dire que l'on y perd au change.