Krakow › Krakow

Ce premier EP confidentiel (hors-commerce et épuisé) a fait un sacré bout de chemin avant d'atterrir chez moi, avant de finir dans mon lecteur cd de salon de plus en plus capricieux. Deux ans, deux ans, rendez-vous compte, entre sa publication et sa chronique que je rédige en ce moment même. Une paresse, une nonchalance, qui s'inscrit de fait en toute logique dans l'esthétique du groupe. Krakow bâtit des atmosphères qui jaillissent de terre comme autant de pouces de tournesols voués à rechercher la lumière. Une guitare, quelques notes de claviers choisis avec minutie et des balais qui caressent peaux et cymbales sans que cela soit en réalité d'une impérieuse utilité. Ils aimeraient ardemment que de cette vingtaine de minutes s'exhalent des odeurs bovines ou de tabac chiqué, mais la musique de Krakow est trop réfléchie que pour pouvoir prétendre évoquer ce grand Sud seulement fantasmé. Si indéniablement le décor planté a des allures de coucher de soleil interminable, les membres du groupe semblent bien sincères quand il s'agit de traîner le dur poids de leur existence comme un boulet. A chaque titre, c'est comme si on remettait sur le tapis toutes les raisons qui nous ont poussés par delà le dégoût, au bout de la résignation à un éternel recommencement. Une souffrance qui ne se guérit pas. Dans ce quasi désert musical, la moindre petite incartade prend des proportions audacieuses si bien qu'une voix se perdant dans l'écho ("Lisbon"), des guitares légèrement sursaturées ("Our Love Hotel"), des effets pourtant mille fois entendus, donnent, dans ce contexte-ci, toute la pertinence au propos, et sa clairvoyance à la formation. Avec un partage équitable entre les différents membres du groupe dans sa mise en exergue des voix, Krakow s'enrichit de trois timbres différents, trois sensibilités aussi serais-je tenté de dire, et les amateurs de groupes tels que Sparklehorse, Red House Painters, ou peut-être plus précisément Cowboy Junkies et Mazzy Star seront ravis. Reste que, bien qu'un album soit annoncé pour 2005, il faudra peut-être un petit bout de temps, je pense, avant que Krakow puisse nous donner réellement de ses nouvelles.