Back Door › S/t

On va dire que je suis resté scotché aux années soixante-dix, et c'est vrai, même si j'apprécie aussi les productions actuelles. Mais voilà ; est-ce de ma faute s'il ne se passe pas un mois sans que je tombe encore, par un curieux hasard, sur des disques de ces temps anciens, qui semblent anodins au premier abord mais qui en réalité dégagent une réelle puissance et une forte personnalité si on se donne la peine de creuser ? Comme si la source des découvertes semblait intarissable. Comme si on n'avait toujours pas fini d'assimiler ce qui s'y produisit, il y a déjà plus de trente ans de ça. Backdoor est un trio jazz rock presque méconnu, pourtant réputé à l'époque (paraît-il), et qui dût certainement en faire voir de toutes les couleurs à un gars comme Jack Bruce, lui qui fit des pieds et des mains pour se faire accepter dans le milieu jazz, délaissant Cream pour faire un passage chez Frank Zappa ou le Tony Williams Lifetime. Ces points de comparaison ne sont pas fortuits ; tout d'abord, parce que, comme pour le Cream, l'élément central du groupe est son bassiste, en l'occurence ici Colin Hodgkinson (qui finira, lui, bien des années plus tard, chez Whitesnake... ). Mais contrairement au Cream ou aux autres groups du même style voulant lorgner dans cette direction, Hodgkinson ne s'empoisonne pas la vie en s'entourant d'un claviériste ou d'un guitariste. Avec comme seul contrepoint le saxophoniste Ron Aspery, aussi arraché que lui, le bassiste a devant lui tout l'espace nécessaire pour laisser parler son instrument. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il sait y faire le bougre. Sur une série de titres expéditifs, s'aventurant rarement au delà des trois minutes, le premier Backdoor a des airs de punk jazz avant la lettre ; âpre, intense, expéditif, tourmenté, passionné. Un disque vivant, qui a des choses à dire. Les plus curieux d'entre vous noteront que la plage titre qui clôture l'album fût samplée par les Beastie Boys sur le morceau "Stand Together" de leur fantastique "Check Your Head" paru en 1992.