Rajna › Hidden temple

Voilà un disque que j'aurai voulu ne pas aimer. Je le reconnaîs avec une honte légère... et la satisfaction de ne m'être finalement pas écouté. Dans une vie de spectateurs, il est des séparations que l'on veut suivre, sur laquelle on veut trancher. "Beyond the soul", "The door of serenity", mon choix était vite fait entre Chambellant le magnifique et son exigence rare dans un monde d'esthétisme, et cet album léger, agréable et sans fond, par lequel "Rajna" tournait la page de la dark, de l'éthnique viscérale et de la mélancolie. Le rajna de "Yahili" n'est plus, c'est une claire évidence, et ce "Hidden temple" s'inscrit dans la logique ambient et positive de son prédécesseur. Lorsque survint "Somnia", ce recueil difficile qui prône l'implication, la dévotion à l'art et la quête d'un essentiel aride, je me félicitai de la voie périlleuse entreprise par Gérard. Alors, ce "Hidden temple"? Certes il n'est plus question de plonger dans le noir, de s'élever dans la nuit, de peindre avec respect des paysages lointains. Mais lorsque "Hé lay , hé lay" arrive, après deux pièces classiques et juste confortables dans l'ombre du trio, il serait bien dommage de snober son plaisir. Ambient, technoïsante et lumineuse, révélant une Jeanne Lefevbre débordante de créativité multiple, d'approches variées, usant du synthétique comme de l'éthnique tout cru pour élever ses soies de musique apaisante, la nouvelle musique de Rajna trouve une nouvelle identité, plus purement esthétique sans doute, moins spirituelle, mais d'une troublante efficacité. Les rythmiques sensuelles, les harmonies aériennes et profondes, les multiples textures dont le riche équilibre est réellement à saluer, de la corde orientale pincée à la nappe synthétique cosmique, du tam tam à la boîte à rythme, la jolie dentelle de ces arrangements et la bonne qualité du matériau mélodique et harmonique initial, enfin, le réel talent de Jeanne Lefebvre qui a trouvé sa richesse, ses territoires et sa virtuosité, du murmure à la désincarnation, de la chaleur aux nuageux... tout cela fait de "Hidden temple" un moment vraiment délicieux. Citons "Hé lay, hé lay", "odyssey", "Kerala breath", "Anakera" et "Hidden temple", merveilleux mélanges, calmant comme l'air du soir, le vent sur le désert ou une taffe illégale. J'aurai souhaité ne pas aimer, et constater que le cérébral était une composante indispensable de la musique. Dans une logique imparable, avec cet album riche, esthétique et reposant, Rajna livre aujourd'hui l'antithèse de "Somnia". Force est de constater que, contre toute attente, ça marche aussi...