Nehemah › Requiem tenebrae

Le doute n'est plus permis : Corven est intimement lié à la nuit norvégienne, et celle-ci le lui rend bien. Après avoir légitimement souffert d'une paternité Darkthronienne certes séduisante, Nehëmah nous revient à la fois libéré d'un carcan, et de plus en plus prisonnier des ténèbres. Fureur accrue dès "Great old ones", atmosphères désespérées et particulièrement éprouvantes (cf le magistral "Elder Gods..."), le groupe retrouve la simplicité atroce des claviers de Burzum, ses mélodies d'enfants et sa lenteur funèbre. Tout est là... l'hystérie, la haine, la saleté, la nuit et la furie,l'horreur... et une ampleur harmonique nouvelle qui plonge désormais Nehëmah dans des abysses dépressifs véritablement malsains. Du riff blasté à teneur garantie en démence mélodique aux ralentissements les plus effrayants, Corven évolue décidément dans des contrées bien sombres. C'est désormais vers Panzerfaust, Vikernes et les atrocités d'un Praeda que ce "Requiem Tenebrae" conduit, passées les portes du supportable. Car Nehëmah a franchi un cap: il fait dans le déchirant. Le son, sale, est sans surprise, le gosier de Corven se répand dans les tympans comme un blizzard vénéneux, les guitares agressent; mais si "Requiem tenebrae" s'impose au sommet de la discographie du groupe, c'est surtout par cette toute nouvelle dimension d'atmosphères lentes, lourdes et réellement horribles: "Dead but dreaming...", "elder gods...", "Taken away..." accèdent à l'insoutenable tant elles excellent dans la dépression. Bien sûr il y a la neige, les forêts, la nuit... mais le mal est venu dégueuler dessus et ça vous colle à la peau en puant la cervelle pourrie. L'esprit-corbeau sur arbre perché regarde autour de lui la vermine se répandre, l'humus se faire bouffer et changer en fumier par des milliards de vers, d'araignées dégueulasses; la silhouette de l'oiseau se découpe noir sur gris dans la nuit éternelle de ceux dont la souffrance a dévoré la raison. Corven s'enfonce et sa musique s'élève, bienvenu dans le monde de la tristesse horrible.