Projektor › Red wolf glass

Il est parfois difficile de délimiter avec précision une musique qui est, ou qui se veut, quelque peu obscure. Projektor trimballe avec lui cette nonchalance, ce spleen, cette noirceur aux contours si esthétiquement bien entretenus qu'elle en devient presque désuette et qui caractérise une kyrielle de groupes actuels tels que Coldplay, Travis, Mansun, Kent ou encore les Turin Brakes. Très vite, avec "Red Wolf Glass", on vogue quelque part dans des eaux pas très claires où se mêlent des influences aussi diverses que les Afghan Whigs (les mélodies chantées par Jahmeel faisant souvent songer à celles de Greg Dulli), Radiohead dans sa période pré-"The Bends" mais en tout cas clairement pas pré-"Ok Computer" (surtout évident sur "Spider" presque plagié de "Nice Dream"), et étrangement aussi U2 grâce aux émulations de The Edge parfois très convainquantes générées par les guitaristes Chris et Dustin, comme sur, par exemple, "Continental". Bref, nous sommes en terrain connu, d'où hélas rien de transcendant ne se dégage. La structure des morceaux est telle qu'elle en devient prévisible. Seul "Blue Ocean", chanté par Dustin cette fois, s'écarte du lot mais sa légerté ne dessert pas le groupe, bien au contraire. Il faut attendre "Beautiful Skin", en clôture, pour que le groupe fasse monter la tension d'un cran en claquant la porte sur un mur de guitare au bout de huit minutes d'attente. Ce sursaut survient non seulement un peu tard mais échoue dans son entreprise à vouloir clouer l'auditeur. En effet, ce dernier a depuis bien longtemps jeté l'éponge. Projektor est un groupe compétent, en pleine possession de ses moyens mais qui semble n'avoir pas grand chose à dire. Si leur but était de faire un disque, eh bien voilà que leur voeu est exaucé. Je suis content pour eux. Mais à qui s'adressent-ils ?