Suicide › American Supreme

J’ai un profond respect pour Suicide, peut-être pour toutes les canettes, les insultes qu’ils se sont prises dans la gueule, à l’époque, en pleine explosion punk, dans un milieu rock qui ne jurait que par l’électricité des guitares.
Il n’était certes pas prêt à voir débarquer un duo composé d’un type avec un synthé à cent dollars qui crachait des beats cheap et des loops ultra minimalistes et répétitives et d’un allumé qui hurlait des textes provocateurs. Dieu merci, depuis l’avènement de la musique électronique, justice leur a été rendue et l’on sait maintenant ce que l’on doit à cette démarche particulière. Personnellement, j’avais toujours pensé, à tort probablement, que Suicide aurait dû rester le groupe d’un seul album ; comment reproduire un concept pareil sans risquer de l’amoindrir et de tourner en rond ? J’ai donc stupidement fait l’impasse sur leur second album, puis les suivants et voilà qu’après toutes ces années de silence, le groupe se reforme et nous délivre un cinquième opus…Là, la curiosité l’a emporté, que pouvait encore offrir Suicide en 2003 si ce n’est une remâchée nostalgique de son propre culte ? Et pan ! Dans ta face, crétin ! Non seulement, le duo a encore des choses à dire, mais en plus il le fait sans trahir sa ligne de composition (un beat, un ou deux arrangements minimaux, une voix) et nous surprend encore. En effet, ‘American supreme’ est un album diversifié et progressif dans son développement. Tout démarre en douceur avec les deux premiers morceaux, ‘Televised executions’ construit sur une rythmique presque funk, même si le chant d’Alan Vega amplifié d’échos le corse d’une touche dub, et ‘Misery train’ dans une veine similaire mais avec un côté plus new wave. À ce stade-là, je commençais à regretter mon achat mais ‘Swearin' to the flag’ m’a rassuré : beat electro, atmosphère froide, voix incisive. Ambiance électronique toujours pour la chanson d’après mais en plus cool et les surprises ne sont pas finies, ‘American mean’ sonne comme une acid-dub décalée. Mais où va-t-on là ? Et ce n’est pas désagréable en plus, qu’est ce qui se passe ? Hé bien, c’est la moiteur sale de ‘Wrong decisions’ où les vocaux d’Alan Vega prouvent que notre homme ne s’est guère rangé. Avec ‘Death machine’, essai techno, pour le morceau suivant, c’est plus trip-hop. ‘Dachau, Disney, disco’ est carrément expérimental, pas si loin de leurs débuts d’ailleurs. Et vlan, retour au funk second degré pour ‘Child, it’s a new world’ alors que le final, ‘I don’t know’ renoue avec un électro énervé. On reste là, pantelant, mitigé, on repasse le CD, et encore une fois… Suicide a capté les rythmes de cette nouvelle époque, les a passé dans sa moulinette pour produire cet ‘American supreme’… Non, ils n’ont décidément pas dit leur dernier mot, et oui, ils ont eu raison de sortir cette galette.