Grant Lee Buffalo › Fuzzy

Y a des gars comme ça… qui arrivent un jour avec un album, une patte, une authenticité, leur son à eux et la dose incroyable de feeling qui va avec… Il y a ceux qui partent et ceux qui durent… et il y a Grant Lee Buffalo. Avec «Fuzzy», le jeune Grant Lee Phillips nous a fait découvrir sa guitare douze cordes dont il use comme d’une folk à l’arrache, qu’il sature à l’occasion et sur laquelle il part en soliste, qu’il gratte doucement de haut en bas, fatigué, mélancolique et délicat… fuzzy… avec sa voix complexe de texan écorché vif, qui passe du rocker solide au cristal fébrile et vibrato. La veine mélodique de Phillips est à la fois sobre et pleine, personnelle et intelligente. La rencontre du jeune auteur compositeur et de l’indispensable Paul Kimble donna naissance à ce «Buffalo», un groupe à la musique extrêmement subtile, jouant des rythmes folk, rock, ballades ouvragées et émotionnelles (… fuzzy… the hook… Stars…), folk maritime aux relents de taverne (… wish you well…), rock piano aux mélodies remarquables, fraîches et franches comme «Shining hour», «Dixie drug store» et son lead vocal de fausset… «Fuzzy» est un album tout en émotions sincères, avec un Paul Kimble qui, producteur, pianiste et bassiste de la formation, lui assura l’aura de beauté, d’acoustique, d’harmonies fines et d’arrangements à la justesse superbe et crue qu’il fallait réservée aux magnifiques compositions de Phillips. «Jupiter… » ou «America snoring», tout en ampleur mélancolique, sont de véritables bijoux, de ces chansons qui vous habitent les tripes et le cœur à vie, à base d’envolées mélodiques et saturées à la beauté sans fard. Ce trop rare mélange d’authenticité pure et d’ouvrage musical, de spontanéité et de travail, ce moment d’exception que représente «Fuzzy», entre intimité et douceur, guitare et piano, folk et saturation, ces changements de lueurs qui passent du jour à l’ombre et s’attardent surtout autour du crépuscule, est un objet précieux. Il y règne une ambiance généreuse, une atmosphère de complainte et d’écoute fraternelle, baignées dans l’acoustique d’un bar aux murs de bois et aux 10 spectateurs. Pour moi, il y a ici miracle…