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Tricky › Pre-Millenium Tension

cd • 11 titres • 47:21 min

  • 1Vent3:04
  • 2Christiansands3:52
  • 3Tricky Kid4:11
  • 4Bad Dream4:11
  • 5Makes Me Wanna Die4:01
  • 6Ghetto Youth5:38
  • 7Sex Drive5:38
  • 8Bad Things5:12
  • 9Lyrics of Fury3:21 [reprise de Eric B. & Rakim]
  • 10My Evil Is Strong3:59
  • 11Piano4:14

informations

Grove Studios, Ocho Rios, Jamaïque, 1996

Les premières éditions de ce disque ont été publiées en papersleeve

line up

Martina Topley-Bird (chant), Tricky (chant, production)

Musiciens additionnels : Sky (chant sur 6), John Tonks (batterie sur 4), Patrice Chevalier (guitare), Rock (choeurs 3), Pat McManus (violon 4, piano 11)

chronique

Le choc fût sans doute rude pour ceux qui attendaient un "Maxinquaye 2". Dans une moindre mesure, il le fût également pour ceux qui, comme moi, avaient cru voir dans son projet parallèle, "Nearly God" (voir la chronique à cet effet), sorti la même année, une étape incontournable qui ne pouvait que laisser des traces indélébiles. De ce projet, Tricky a ramené ces paysages sonores effrayants et lourds de sens où peu d'éléments sont nécessaires afin de suggérer le poids du remord, la spirale des pensées aliénantes ou la paralysie générée par la peur. Le côté organique et rond qui parcourait son premier album s'est ici littéralement envolé, laissant sa place à une ambiance linéaire et pesante, encore plus claustrophobique que le déjà très étouffant "Nearly God" (je sais, je me répète). Ça commence très fort avec "Vent" où rythmique malade et guitares saturées copulent pour créer une bouillie infâme et vaseuse dans laquelle on se sent happé comme dans des sables mouvants. Le parti pris de travailler à même les instruments signale sur la pointe des pieds un changement d'optique, pas radical mais déterminant (la prépondérance de la batterie sur "Lyrics of Fury", le piano sur ..."Piano"). Martina Topley-Bird continue à faire des merveilles sur "Christiansands" et "Makes Me Wanna Die" en éclairant de sa voix fannée les deux testaments ultimes du malaise made in Tricky. Oscillant entre titres aux ambiances moroses et titres plus syncopés (les ragga malades que sont "Tricky Kid" et "Ghetto Youth"), "Pre-Millenium Tension" est un album exigeant qui met à rude épreuve les nerfs de l'auditeur. Mais comme l'indique son titre, c'est aussi un avant-propos. Il jette les bases d'un langage qu'il va complètement maîtriser dans deux ans, lors de la sortie de son troisième album sous son propre nom, "Angels with Dirty Faces". Bien qu'il entrouvre de nouvelles perspectives particulièrement intéressantes, je ne lui donnerais qu'un petit trois et demi (si je pouvais) en justifiant cela par la position inconfortable qu'il occupe entre le disque qui lui a valu sa gloire et celui qui lui coûtera sa carrière.

note       Publiée le dimanche 15 juin 2003

chronique

S'il ne fallait posséder qu'un seul album d'Adrian Thaws ? Celui-ci, sans hésitation. En 1996 le gringalet asphyxié était caïd dans son monde-placard mental, perdu à l'insu de son plein gré dans une dimension perpendiculaire, blotti dans les studios jamaïcains comme une blatte dans la mie. Un mystique incertain, un fébrile cruel, une monstruosité insomniaque. La phalène et l'halogène en une seule entité. Glauque à souhait. Et érotique à en crever, quand il faisait appel à sa maîtresse au micro, la prêtresse de la musique qui s'écoute en grelotant de chaleur sous les draps arides d'humidité, j'ai nommé Martina Topley-Bird. Ce trois sur six de Progmonster reste une des conséquences inattendues de la subjectivité. Mais subjectivité est salut, on ne peut pas parler de musique en étant objectif si on est honnête, à moins de croire pouvoir se défaire de son filtre à l'écoute de tels albums, qui ne permettront jamais une écoute analytique. Et ça n'est qu'une note en fin de compte, une note amour-haine, avec laquelle je me suis sûrement senti en accord sans l'admettre lors de mes écoutes les plus nauséeuses de ce disque, à jeûn et ne me nourrissant que de fumée... avec une douleur dans le bide, cette douleur de la faim. La faim, de l'autre, d'une échappatoire impossible. Sortir de cette chambre, ouvrir les rideaux... Jamais. La faim d'un peu d'air. Respirer ? La musique de Tricky, avant de devenir étreinte amicale, était une constriction malsaine... et fascinante. Un jeu du chat et de la souris avec l'indispensable Martina. Reste à savoir qui est la souris de l'histoire... peut-être pas celle qu'on croit. "You're insignificant"... "Dans la vengeance, comme dans l'amour..." comment disait le vieux, déjà ? Voilà... Ce disque est sexe et danger, frémissements, peur et onirismes scélérats. Le gosier du mâle est dessèchement, celui de la femelle une sudation de plante carnivore à laquelle on ne peut pas résister. Les paroles sont des puits de fascination. La façon de les chanter est la plus sexuelle possible... Maxinquaye était un album-base, le Nevermind du trip-hop en quelque sorte, du moins autant que Blue Lines ou Dummy. Un album extrêmement douillet, sensuel et confortable. Pre-Millenium Tension n'est pas la suite de cet album. Il en prolonge certaines esquisses, mais il va plus profond. Pre-Millenium Tension n'est pas confortable, du moins pas comme on l'entend d'oreille trip-hop académique : c'est du Tricky qui fait du Tricky, affranchi de toute obligation d'être accessible au lambda, et pas encore destiné à une carrière d'artiste pop (raté). C'est pourtant un album extrêmement sensuel, l'un des plus moites possibles... À la réécoute je sais toujours pourquoi je l'ai racheté deux fois. La pochette détient à elle seule toutes les clés pour comprendre quelle est la teneur de cette musique, son inspiration et son objectif : musique nocturne, musique-sexe, instrus organiques, digne de porter le nom de sons mutants, et nombre d'effets déformés et agglomérés sur ces armatures délicieusement bancales... Tricky ne parle que de sexe, de relations avec l'autre, avec soi-même, même quand il est ésotérique. De reflet dans la glace, de visages contemplés, fixés, de lentes fornications et de perte totale des repères. La réalité se liquéfie : Pre-Millenium Tension est un piège. Faut-il en décrire les mâchoires ? La fracture mentale que provoque instantanément "Ventolin" ? Le magnétisme de "Christiansands" ? La sauvagerie imprévisible de "Tricky Kid" ? La lumière blanche trompeuse de "Makes me wanna die" ? Le reggae malade "Ghetto Youth" et son ambiance digne des passages les plus irréels de Pere Ubu ? L'abstraction totale de "Bad Things" entre rap de coquin chenapan, blues-rock et IDM ? La reprise vaudou-bambou complètement cramée de Rakim ? Le final au piano et au respirateur artificiel (?), avec ses vers qui titubent et sa morne fatalité ? Tous ces titres sont uniques, et forment ce cauchemar dans un cagibi sans issue nommé Pre-Millenium Tension. Certains s'écoutent en boucle, on bloque dessus. La plupart. D'autres sont trops dégueulasses pour qu'on ose les mettre en massive rotation. Du début à la fin, cet album est tout ce que Tricky a fait de plus menaçant, de plus malade, avec ces greffes sadiques de sons blues/southern sur ses rythmes de Mesmer, qu'il réemploiera avec un guindage musicien plus bourgeois sur le suivant, mais qui sont déjà ici à leur plus trouble... La solitude absolue, dans les bras d'une femme ou tentant d'échapper à son emprise... C'est du trip-hop, mais c'est beaucoup plus que ça : c'est du Tricky lové dans son cocon morbide, autiste à en crever, et frémissant de tout son asthme mental. Plus gutsien que ce skeud, tu meurs. Le plus effrayant, c'est que Pre-Millenium Tension a jailli naturellement, instinctivement. Un peu comme du sperme. Ou du venin.

note       Publiée le mercredi 1 juillet 2015

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nowyouknow Envoyez un message privé ànowyouknow

Makes Me Wanna Die fait justement du bien au milieu de ce marécage. Fraiche, limpide. Tricky reste inspiré, notamment sur le début de l'album. Moins ensuite, les standards qualité Maxinquaye/Nearly God ne sont pas toujours respéctés (le raggaman qui bave sa bavaria pendant six minutes c'est d'un chiant, Lyrics Of Fury effectivement stérile, Bad Things trop longue d'au moins deux minutes...).

Message édité le 14-04-2023 à 19:42 par nowyouknow

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Coltranophile Envoyez un message privé àColtranophile

La reprise d'Eric B./Rakim n'apporte pas grand chose and "Makes Me Wanna Die" me semble s'être égarée ici sans trop de raison. Sinon, il ne dépare pas du tout dans la petite histoire météorique du bonhomme. On fera comme s'il n'avait rien produit après 1998.

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No background Envoyez un message privé àNo background

Une boule de plus, il est vraiment bon, il n'y a guère que Ghetto youth que je trouve un peu longuette.

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Raven Envoyez un message privé àRaven
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Angels va encore plus loin à sa façon (ésotérique), il faut le réessayer, je le connais depuis un bail mais je le connais toujours pas vraiment. Malgré mon intro aucun des deux n'est meilleur que l'autre dans le fond, je suis juste beaucoup plus émotionnellement attaché à celui-ci, mais Angels a des contours encore moins définis, c'est encore moins du trip-hop, juste un des albums les plus étranges, freaks qu'il soit possible de sortir - le gospel nescafé (copyright Jé) de "Broken Homes" inclus...trouble total, PJ et son timbre plus albino que jamais (nez bouché?), tout ça...

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Rastignac Envoyez un message privé àRastignac
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Mon premier Tricky, morbide, nauséeux et tout coton en même temps, le seul que je garde au chaud. Maxinquaye est trop soleil, Angels with Dirty Faces me tape pas autant que celui-ci - la suite de sa carrière, j'ai laissé tomber, comme si c'était plus le même gars.

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