Super Numeri › Great aviaries

Depuis que l'école électronique s'est frayée un chemin vers l'exploration clinique de son inconscient sous le scalpel d'expérimentateurs réputés du système binaire (Aphex Twin, Autechre, Plastikman, etc...), en réponse à cette voie s'est dégagée une nouvelle tendance qui semble s'efforcer de privilégier le chemin inverse ; sortir du numérique et se fondre dans un langage plus palpable, plus organique. Jusqu'à présent, Ninja Tune pouvait être considéré à raison comme un des fers de lance de ce mouvement. Mais avec sa nouvelle production, il franchit une étape supplémentaire. Super Numeri n'a rien du groupe électro. En fait, les treize musiciens qui en font partie se dirigeraient plutôt vers une certaine forme de psychédélisme, comme le prône assez fièrement l'autocollant qui arbore le boîtier cd. Seulement, il ne faut pas s'y tromper : le marché sait - mais qui l'ignore encore ? - que des noms comme Miles Davis ou Can sont aussi vendeurs que crédibles. Aussi, utilser leur nom pour les placer sur une échelle des valeurs n'a rien d'étonnant. Cela n'en demeure pas pour le moins erroné. C'est plutôt chez Alice Coltrane (pour le jazz) et chez Faust ou Neu! (pour la référence au rock teuton) qu'il faut aller chercher leurs influences. La touche d'expérimentalisme sous-jacente à leur musique est elle plus redevable à une approche contemporaine ; pour ses longues plages éthérées et exploratrices bien dans l'air du temps, on renverra dos à dos les amateurs de post rock, de Tortoise à Tarentel. "Great Aviaries" se déroule avec une déconcertante facilité, comme si tout coulait de source. Impossible à dire pour l'heure si les prémices de cette aventure vont appeler d'autres étapes à l'odeur d'encens aussi prononcé que celui-ci. Dans tous les cas, c'est une réussite d'autant plus étonnante qu'elle fait partie de ces manifestes sans prétention qui recentre avec à propos le discours musical dans ce qu'il a de plus universel.