John Coltrane › Coltrane jazz

Il faut bien comprendre une chose ; on n'enregistre pas d'album de jazz (du moins à cette époque), comme on enregistre un disque de rock. Le jazz, pour ces musiciens, c'est purement et simplement une affaire de vie ou de mort. Arrêter, c'est comme cesser de faire battre son cœur. C'est du vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Parfois plus. Ils respirent, parlent, mangent, pensent jazz à chaque instant de leur vie. Aux concerts se succèdent les répétitions, aux répétitions se succèdent les concerts. Il faut saisir cette boulimie frénétique, cette soif de vivre chaque instant comme l'instant l'ultime, pour percer le mystère de l'intensité, de l'urgence, et donc du fragment de vérité, qui se dégage de pareilles manifestations. Les enregistrements s'enchaînent à un rythme effréné, permettant à Coltrane d'écrire suffisamment de matériel à disséminer dans pas moins de six albums au cours de la même seule année. "Coltrane Jazz" qui survient à la suite du référentiel "Giant Steps" ne pousse pas sa logique jusqu'au boutiste bien plus loin. Il se contente d'assurer ses arrières, mais de manière toujours aussi flamboyante et spectaculaire. Le quartette, qui n'en est pas encore à sa formule définitive, s'impose en parfait soutien au lyrisme du saxophoniste ténor. Après les six compositions originales de "Giant Steps", le groupe s'essaye à trois standards, esthétiquement réussis, mais qui jouent quelques catégories en dessous comparé aux titres signés Coltrane. "Harmonique" est, à l'instar de "Countdown" sur "Giant Steps", sans doute le titre le plus audacieux de la session ; il permet déjà de se projeter dans l'avenir et voir que le saxophoniste ne se contentera pas de jouer un jazz pépère. Que du contraire.