Corrupted › Llenandose de gusanos

J’ai comme l’impression que je ne serai jamais déçu ni surpris par un album de Corrupted. Prenez celui-ci, le deuxième album (très) longue durée du groupe. Déjà, notez : la description de leur discographie, comme beaucoup d’autres de l’underground du metal obscur peut difficilement se faire de manière cursive, vu le nombre de splits et EPs et vue la rareté de certains objets... celui-là il n’est pas compliqué à trouver sans se trouer les poches, voilà pourquoi vous aurez « El mundo frio » ou « Se hace por los suenos asesinos » plus tard. Enfin, donc, bon, oui, Corrupted, le groupe crusty désespoir doom à l’espagnol sans accent tonique ni tildes. Un titre glauque en castillan (« se remplir de vers ». Pourquoi pas.). Des chtites notes pré-apocalyptiques, au piano. Et ensuite doom ultra lent, lyrique, guttural, répétitif : on n’est pas surpris ! Le deuxième CD va utiliser une méthode imparable pour se faire des amis : grogner via synthétiseur (je crois) de longues séquences en descendant ou montant de demi-tons en demi-tons. Pendant une heure. De la dark-ambient bien épaisse et bête comme un âne bi-polaire, le cul tout crotté par la lenteur des phénomènes, et la distorsion entre vie interne et rythme chaotique de tout le reste. Le reste = vous, par exemple. « Vous aut’ ». Moi = souffrance. Corrupted s’applique donc bien, derrière sa couche de patches, à nous saper le moral, et nous poser droit devant tout ce qui est moche et néanmoins vrai dans cette vie pleine d'arc-en-ciel. Corrupted corrompt l’humeur, c’est presque gratuit, mais est-ce que ça vaut bien le coup tout ça ? Hein ? Ben oui, à quoi bon s’écouter de la musique aussi glauque ? Où est l’instinct de survie là-dedans ? Peut-être que l'écoute de Corrupted est un mécanisme de survie comme un autre, là, de s’abîmer comme ça dans une torpeur suicidaire aussi définitive ? Le funeral doom est-il donc bon pour la santé ? La dark ambient aide-t-elle à mieux combattre les aigreurs d'estomac ? Écouter de la musique va-t-il faire en sorte de ruiner l’industrie laitière ? Tant de questions qui seront exterminées deux heures après l’écoute de ce double CD rempli jusqu’à la gueule d’asticots conceptuels, ou réels, c'est vous qui voyez. Et qui reviendront irrémédiablement, entre deux à cinq minutes après l’écoute de cet album affreux : c’est donc ça la dialectique sur laquelle consacrer sa vie ? Né pour crever ? Sans déconner ? Vaut-il mieux choisir espagnol ou allemand en langue vivante au lycée ? Mon poing dans ma propre gueule vaut-il mieux que deux tu l’auras, dans ta gueule ? Suicide individuel ou agonie sociale ? Écouter deux heures de Corrupted ou aller bosser ? Se peindre les ongles en noir ou faire la vaisselle ? Faire du piano ou du violon ? Imaginer des possibles ou accepter l’inéluctable ? Courir dans les bois, ou regarder les autres mourir ? Méditer dans des charniers ou allumer un écran ? Assumer, ou non ? Laisser les vers rentrer ? Remplir tranquillement le corps, et oublier qu’on est soi, tout en oubliant même que la musique est bonne. CINCO BOLAS.