Le metal à chanteuse éthérée, chez moi, ça passe, et au bout d’un moment ça casse. Par exemple, The Gathering, ça a passé, et puis hop ! Cassé. J’ai donc laissé passer le train de ce type particulier de musique qui eut son temps de gloire dans les charts - souvenez-vous Evanescence, cette injection de gothopop dans les radios, c’était beau ! Ahah ! Non, finalement, c’est dans le côté psyché doom que j’ai le plus trouvé mon bonheur côté voix aiguë possédée et grosses guitares + growls si besoin. Et puis, un jour, on retrouve un album, et on se dit « c’est quoi ça déjà ? ». Eh bien c’est Tristania, déjà fortement chroniqué par ici, et c’est l’album de la suite de ce qui est déjà chroniqué, sorti la même année que leur compilation "Midwinter Tears". Le groupe est norvégien, et je vais essayer de ne pas faire de généralités dignes du comptoir des « Grosses Têtes », mais il y a ce je ne sais quoi de forestier mystique que l’on ne trouve pas dans les équivalents souvent allemands de cette scène gothometal, qui ont aussi la forêt bien mystique certes, mais moins cristalline, plus terrienne, moins aqueuse, plus remplie de rochers et de chaines. En tout cas, ici, le propos est dentelé, constellé de références au black metal que ce soit au niveau du riffing de certains plans de gratte, ou quand on entend le préposé aux cris balancer la sauce. Côté "this is paraaaadise", la chanteuse est juste, n’en fait pas des tonnes, a des intonations proches mêmes de la Lemouchi de The Devil’s Blood ; côté masculin, le préposé "voix claire" chantonne d’une voix grave sans non plus se transformer en stentor de brasserie ; la musique elle est par moments très inspirée des rengaines de films d'épouvante, on est poursuivi par des trolls dans les chemins bien balisés par l’office de la forêt de Stavanger, sinon elle tend vers l'onirique, mais plutôt du côté cauchemar de la chose, au réveil, tout pâteux, même si la pochette peut nous faire dire que l’on va s’écouter du post-hardcore générique sponsorisé par de grandes marques de lave-vaisselle. En somme un album de métal gothique qui ne me déçoit pas car le groupe s'abstient d'attaquer le bon goût, et il n’est pas obsédé par le besoin d’exprimer le plus fortement possible la fantasmagorie de la vie et de l’environnement. Assez retenu, Tristania exprime en somme ce que j’aimais dans The Gathering et dans le peu de musique gothique que j’écoute de temps en temps, celle qui ralentit le temps et fige la mélancolie en une statue impossible à décrire, sinon on tomberait dans le kitsch. C’est ça qui est beau ici : l’implicite est travaillé, l’expression n’est pas trop univoque, et ça tombe bien, car depuis quelques temps j’ai aussi besoin, parfois, de ne pas avoir toutes les clés en main, et de me laisser bercer par la musique de Tristania tout en regardant d’un œil morne les gerbilles se faire bouffer par les buses. Oui, là, dans le pré.