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Pisces › A Lovely Sight

cd • 15 titres • 00:00 min

  • 1Dear One
  • 2Children Kiss Your Mother Goodnight
  • 3Motley Mary Ann
  • 4Say Goodbye To John
  • 5Mary
  • 6Genesis II
  • 7Sam
  • 8The Music Box
  • 9Like A Hole In The Wall Where The Rat Lives
  • 10Are You Changing In Your Time
  • 11In The Dreams Of Paula
  • 12Elephant Eyes
  • 13Circle Of Time
  • bonus cd
  • 14A Flower For All Seasons
  • 15In The Summer The Grape Grows

informations

Rockford, Illinois, 1969

Il s'agit d'un "album" rapiécé à partir de singles sortis en 1969 et de sessions studios inédites. Seuls quelques singles sont sortis à l'époque sur le petit label Vincent Records, certains sous le nom de Pisces, d'autres sous le nom de Linda Brunner.

line up

Linda Bruner (guitare et chant), Jim Krein (guitare et chant, composition), Paul DiVenti (claviers et chant, composition) , Dale Taylor (guitare et chœurs), Carl Van Laningham (batterie), Red Balderama (basse et banjo) , Rob « Fish » Fisher (basse), Al Johnson (guitare lead)

chronique

  • hardcore twee pop psych

Dès son monstre d’introduction, bouche béante d’un tunnel doucement vénéneux, ce disque nous susurre d’une voix androgyne (serait-ce…) qu’il est le plus pur artefact de cette terreur délectable de l’enfance, qui est encore le sentiment le plus proche d’une élévation mystique sincère. Alors on entre, on suit cette voix aux accents prophétiques, on ouvre la bouche et on ferme les yeux. Children Kiss Your Mother Good Night est le genre de morceau pour lequel l’auteur de ses lignes a perdu de longs mois de sa vie à gratter le papier sur des musiciens oubliés ou des gloires passés. Pas de bol, j’ai découvert ce disque trop tard. Ici, c’est l’enfance encore, mais l’enfance sadique. On dirait un gamin qui fait une blague à deux autres derrière une porte entrebâillée, en prenant une voix d’adulte. Que dire ? Pas tellement envie de déflorer une plante aussi rare et fabuleuse. Je me contenterai de dire que le Dr Gonzo lui-même attribuerait sans hésiter la note de six pamplemousses électriques au disque rien que pour ce titre, et ne le contredisez pas, il a déjà fini ses pilules depuis longtemps. Le psychédélisme sixties, quand il fait mouche (et c’est pas si souvent, admettons-le) se révèle non pas comme un genre composite, qui devrait ci où ça à ce qui est venu avant lui, mais bien comme un machin indivisible, brut de chez brut, qui vise entre les deux yeux et se barre avec son secret. Tout au plus emprunte-il le format chanson pour jeter son sort carabiné. Les rats de studio (un studio fait maison, au fil des ans – à défaut de studio-devenu-maison) de Pisces utilisent cette fausse naïveté qui fait le suc chaud et létal des meilleurs disques psyché américains, ce pays où la pop cache souvent son cortège de non-dits. Ce désir de mettre des mots d’adultes, parfois vénéneux, dans la bouche d’enfants qui jonglent entre perte de l’innocence et communion complète avec l’Univers. C’est cette sensation-là, si endémique aux années 60, que Pisces explore avec un raffinement inédit et indécent. Avec un titre country-folk-soul comme Say Goodbye To John, qui marche sur les terres de Jackie De Shannon voire Dusty Springfield, on devrait être en terrain connu. Mais dans un tel contexte énigmatique, avec ces scintillements et décollement de peinture qui tapissent chaque instrument, ça a l’air d’un réverbère jaune allumé en plein jour, oublié en plein milieu d’une allée résidentielle autrement au-dessus de tout soupçon. Comme tout bon groupe psychédélique (c’est-à-dire hallucinogène, pas « de l’école du rock psychédélique »), Pisces veut votre cerveau, en faire du chou rave et le faire cuire aux vapeurs de leur musique de faunes, de bardes au regard pétrifiant. Et en définitive, que ce folk-pop surréaliste ait ses accalmies n’y change rien, au contraire : l’histoire du psyché montre qu’il vaut mieux baisser la garde que de partir dans la surenchère qui assourdit. Ça permet de ne pas voir venir un diablotin de chanson comme Motley Mary Ann, à la batterie jouée par l’araignée que vous avez au plafond, une baguette dans chacune de ses 8 pattes. « I take you home to meet my mom and Dad », entend-on chanter à tue-tête dans nos oreilles par un grand type à la voix de Buddy Holly impeccable, droit dans son complet veston, des buvards de LSD plein les poches. Mary, elle, nous perd dans les méandres des pensées parasitaires captées par le cerveau droit, droit dans le rabbit-hole K-dick-ien, le K-dick hole, celui qui peut remplir l’Albert Hole (hohoho, hihihi, hahaha). Et toujours ce ciel qui se teinte après la pluie de printemps, comme sur « Dear One », instantané qui laisse captivé, comme un travelling avant sur une apparition céleste qui se révèlerait démoniaque. C’est un peu la même précision de dieu de la pluie sur « Sam », qui prouve que le groupe déploie ses trésors d’intensité pour Linda Brenner (17 berges), la chanteuse amateur, de passage comme celle de The Glove le sera en d’autres lieux et époque, et dont personne ne sait ce qu’elle est devenue. Même si là, la nana en question, venue à la base pour prendre des cours de guitare auprès du gratteux de Pisces, sonne encore mieux que Grace Slick, et prend aux tripes. Drôle de fille, d’après les deux photos qui subsistent, mais une chose est sûre : elle savait ce qu’elle avait à dire et le disait à merveille (« Are You Changing In Your Time », ce n’est que du folk, mais c’est d’une délicatesse que seuls les amateurs illuminés peuvent espérer toucher). Elle est donc l’indispensable touche de grâce par rapport à l’autre chanteur, Paul DiVenti, typique de son époque et qui se fond trop bien dans la production admirablement bidouillée. A Lovely Sight, c’est le monde vu à travers une banlieue tranquille et donc forcément louche, avec son glissement incontrôlable vers le Bizarre (In The Dreams of Paula, très « Virgin Suicides »). De précieux basculements çà et là rappellent quand même que le reste du groupe est peut-être aussi dérangé que la chanteuse, comme Like A Hole In The Wall Where the Rat Lives, et ses paroles peu engageantes, qui en disent juste assez. Pain béni pour le label, Circle of Time permet de refermer l’album sur une accélération Velvetienne qui se pose en miroir du break mystique de Dear One, avant explosion. Inégal, comme beaucoup de disques des années 60, Pisces mérite sa note par le simple fait qu’il est absolument unique, à une époque où la copie voire le plagiat sont légion, voire normales. Attention, dose hyper-concentrée, quelques gouttes suffisent.

note       Publiée le mardi 24 mai 2016

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    Giboulou Envoyez un message privé àGiboulou

    Je n'avais pas vu qu'il était chroniqué celui-là. Motley Mary Ann trône tout en haut de mon panthéon personnel. Le reste de l'album est merveilleux.

    22goingon23 Envoyez un message privé à22goingon23

    Divine étrangeté. Des passages néo-folk (de l'acid-folk devrait-on dire ??), du pré trip-hop (Sam c'est du Portishead avant l'heure).

    Essentiel pour le gutzien ! alors on dit merci à Sir Stands.

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    MaxwellsDemon Envoyez un message privé àMaxwellsDemon

    Il ya du Eno aussi.

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    MaxwellsDemon Envoyez un message privé àMaxwellsDemon

    Numero groupe, c'est la classe.

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