Masada String Trio › 50th Birthday Celebration Volume One

De toutes les formations, aujourd’hui innombrables, qui se sont attaquées au répertoire de Masada, le grand œuvre de John Zorn, c’est peut-être - excepté le quator originel évidemment - le Masada String Trio qui laissera l’empreinte la plus profonde. Apparu sous ce nom dans l’album The Circle Maker, le trio Erik Friedlander (violoncelle), Mark Feldman (violon) et Greg Cohen (contrebasse) transpose les petites mélodies propres aux impros de Zorn dans l’univers d’une musique de chambre contemporaine aussi bien bien influencée par le free jazz que par le klezmer. Des cordes, bon Dieu ! Frottées, caressées, pincées, frappées, des plus enchanteresses harmonies jusqu’à la distortion physique la plus atonale, le trio pétrit la pâte Masada avec un savoir-faire hallucinant. L’évidence mélodique de Zorn ressort aussi bien qu’en version soufflants, et la violence qui surgit au détour d’un thème n’est pas le moins du monde érodée par cette forme. Musique de chambre, mais de chambre en vrac. Quoi dire qui ne serait pas redondant pour un fan de Masada, sinon que ce concert, le premier du fameux marathon que Zorn a donné au Tonic pour ses cinquante ans en 2004, est l’équivalent des meilleures captations live du quartet ? Prise de son parfaite qui laisse deviner l’ambiance ce soir-là dans le club new-yorkais (depuis disparu ; reste la musique, toujours), laisse entendre les craquements des cordes, la physicalité des interactions entre les trois solistes, car Cohen l’est tout autant que les deux autres finalement, incroyables d’écoute et de puissance de vie, improvisations frappées entre le surgissement des thèmes dont la familiarité chaque fois plus grande provoque toujours plus de stimulis frissonnants, de vagues d’endorphines. Un répertoire piochant dans le premier livre de Masada, certains déjà interprétés sur The Circle Maker, ici plus forts, plus longs, plus fous parce que pris sur le vif, les morceaux à la base les plus courts et intenses prenant un sacré shoot dans les veines. Et puis d’autres, tous pliés avec reconnaissance à l’art du trio, comme le merveilleux « Abidan », un des plus beaux thèmes de Zorn qui, sans surprise aucune, trouve ici une nouvelle forme à sa grace mélodique et mélancolique. La joie, la tristesse, la mort, la vie, tout est dans la musique de Masada, et nul besoin de lever les yeux vers une étoile de David pour s’y reconnaître, pour s’y plonger sans retenue aucune. Est-ce qu’ils en ont ces trois-là de la retenue, d’abord ? La retenue, c’est bon pour les morts. Et un morceau comme « Meholahot », c’est un élixir à réveiller les morts. C’est toujours bon d’avoir ce genre de fiole sous la main, quand ça ne va pas trop fort ou quand ça va comme jamais. Merci au père Zorn pour les formules magiques, inscrites de quelques traits de moine zen. Merci au Masada Sting Trio pour la distillation, à la New-Yorkaise. Thanks for the night, fellows.