Howls of Ebb › Cursus Impasse: The Pendlomic Vows

Ouhla, ouch et aïe. Finis tes comprimés d'iode et lève tes combis en plastique car cet album est infectieux - je ne sais pas ce qu’ils ont injecté là-dedans mais c’est clairement toxique ! À l’écoute du premier CD on sentait déjà que leur propos se voulait incisif et malade en même temps, affaibli pour mieux se travailler la couenne et celle de l’auditeur sur une action à long terme, l’EP suivant enfonçant le clou, affinant le propos, le rendant plus convaincant d’emblée, par le biais d’une musique innocemment calme, mieux produite, encore plus maligne. Ici la méthode est plus directe : « enfile moi cette tentacule dans le nez, et après on parle », affirmant encore plus leur côté death metal avec guitares furieuses… bon, le style respire encore beaucoup le black metal pas frais, malgré cette approche « palmée » de la six cordes, les réminiscences des vieux Morbid Angel type Chapels of Ghouls quand les bpm s’emballent… j’ergote (de seigle) un peu, car là ce que j’entends sur ce nouvel album c’est de l’art noir de chez noir, mystique et occulte et ce n’est pas parce que je me suis enfilé du Abigor matin midi et soir pendant dix jours que je dis ça… on va dire que c’est une bonne conjonction des astres. Sinon, leur agent artistique c’est Donald Trump. Enfin c’est eux qui le disent sur leur face de bouc, et, comme toujours, « un peu d’humour ne fait jamais de mal » : moi qui croyais que les gars étaient sérieux de chez sérieux, je suis enfin rassuré ! Mais tous les bons sorciers sont des boute-en-train, non ? Par contre vous ne retrouverez pas beaucoup de calembours dans leur textes : leur lecture n’est pas facile et me laisse un peu en gros rond de flanc comme lorsqu’on s’acharne sur les longs monologues de David Tibet ou d’Al Cisneros, des textes donc vraiment hermétiques mais j’imagine qu’ils médiatisent des cogites propres à leur clan, église, tribu, groupes, rêves éveillés, que sais-je, donc voilà, des nombres rodent, pour info ça monte jusqu’à huit, on trouvera plusieurs occurrences du terme « Dark Morbid Zen » ce qui ne m’avance encore pas trop pour tenter de vous transmettre des clefs, mais bon, c’est bien ça le propos hermétique, faut que ça ferme bien, sinon ben… l’air rentre - en tout cas, les amateurs d’hallucinations à la Antonin Artaud apprécieront. Hmm. Revenons au son proposé : ce qui est fort, encore, c’est de proposer des bouts de furie puis d’introspection puis autre chose (des prières ? des invocations ?) encore plus prenantes et flippantes que d’habitude, avec des guitares encore pas très saturées, un peu à l’image d’un Stargazer. Les morceaux sont d’une complexité remarquable, et tout cela tient admirablement bien grâce à un talent à mimer les précipices, explosions, étranglements, épuisement, transes et autres orgasmes dus, j’imagine, à une pratique de connaissance interne vertigineuse. Le rendu reste donc assez indéfinissable, vacillant entre la bourrinade avec faisceaux lasers qui sortent des yeux et rumination intériorisée, angoissante, évanescente, le chanteur murmure et grogne et râle et balance invectives dans une langue absconse, la grosse basse rebondit comme un ressort de lit à clous, la batterie ressemble vraiment à un instrument à percussions (au pluriel) et non à une tondeuse à gazon comme c’est le cas dans nombre de groupe de metal extrême et de grandes bourrasques de vent guitaristique embrassent la scène, tout cela mimant la montée d’une drôle de vapeur, d’une curieuse humidité sortant du sol pour vous caresser les pieds. Si vous avez assez d’imagination, l’immersion dans ce magma acide pourra donc vous faire créer très facilement tout un tas de fantasmagories dont la monstruosité et l’intérêt dépendront de votre curiosité et, surtout, de votre amour du risque. Comme quoi, encore, la musique californienne est particulièrement arc-en-ciel, n’est pas seulement synonyme de hippies blondinets avec des fleurs dans les cheveux mais aussi de sorciers flippants avec des fumeroles qui sortent du nez. Avis aux voyageurs en quête de nouveauté et de sensations fortes - sortie en avril prochain, mais vous pouvez déjà vous faire une idée du propos grâce à un morceau écoutable en avant-première sur le désormais incontournable bandcamp du label I, Voidhanger Records.